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Quels ingrédients pour une transformation digitale réussie ?

2 constantes régissent l’histoire du développement des entreprises :

  • Les questions posées par tout jeune entrepreneur ou PDG chevronné sont toujours les mêmes : Comment puis-je me différencier de mes concurrents ? Comment puis-je déployer au mieux mes ressources et maximiser le ROI ? Comment puis-je être agile ? Comment puis-je survivre et m’épanouir ?…
  • La réponse à cette question est toujours la même : un dirigeant doit comprendre et utiliser les forces économiques, technologiques et sociétales perturbatrices de son temps.

Et les technologies de notre temps sont essentiellement digitales1.

Beaucoup de nos dirigeants l’ont bien compris. S’il y a un sujet qui a pris une place importante dans les « board rooms » de nos institutions publiques et privées, ces 5 dernières années, et certainement plus particulièrement pendant la crise sanitaire et économique que nous vivons, c’est bien la « Transformation Digitale ».

Même si chacun y va de sa définition, un consensus commence à se dégager. Cette transformation est technologique ou ne le sera pas. Elle prend sa racine, sa cause, son essence, sa raison d’être dans les technologies digitales. Elle exploite la technologie pour transformer l’entreprise. Elle puise dans les possibilités de la technologie, dans les technologies de rupture, pour transformer l’entreprise et la lancer sur une nouvelle voie, pour remettre à plat ses méthodes de travail, ses méthodes de vente et de marketing, ses processus internes, ses produits et services et même ses modèles économiques.

Ceci-dit, un long et difficile chemin reste à parcourir entre ces constatations et définitions et la réalisation de la transformation. Il est évident qu’elle n’est ni universelle, ni unique ni uniforme.

Chaque institution devra construire sa propre feuille de route en fonction de sa culture, de son métier, de son histoire, de ses ambitions, de ses moyens, …

S’il n’y a pas une recette unique pour y parvenir, nous savons que 12 ingrédients sont nécessaires pour une transformation digitale réussie :

Fig 1.12 attributs d’une transformation digitale réussie
  1. Sponsorship exécutif. La transformation digitale n’est pas l’affaire du DSI/CIO ou tous ces nouveaux titres CDO (Chief Digital Officer), CIO (Chief Innovation Officer), et autres chiefs. Ce n’est pas non plus l’affaire d’une Digital Factory qui nait à la marge de l’entreprise et qui tente des expériences dans des endroits qui ressemblent à des labos de Google. La transformation digitale est une affaire de CEO/PDG, du Comité Exécutif, du Conseil d’Administration. La vision et la mission sont clairement définies et communiquées. La/Le CEO doit être intimement convaincu(e). La/Le CEO donne le LA. Elle/il clarifie la vision, suit l’exécution, s’assure que tout le monde adopte la stratégie et a un rôle à jouer ; elle/il donne les moyens, arbitre quand il le faut. La/Le CEO doit comprendre la technologie, ce qu’elle/il peut en faire et communiquer clairement à tous la vision. La clarté de la vision est le premier ingrédient du leadership.
  1. Inclusive. Si le sponsorship exécutif est l’affaire de CEO, l’exécution est l’affaire de tous. Si le CIO joue un rôle important et primordial, la transformation digitale n’est pas son projet, le « machin » qu’on lui confie pendant qu’on continue à faire comme avant. On ne peut pas transformer une entreprise au digital en transformant uniquement un produit ou un département spécifique. On ne développe une application mobile pour commander un produit, et on garde toute l’entreprise intacte comme si on continuait à vendre dans les points de vente classiques. C’est toute l’entreprise qui est transformée. Les RH de bout en bout, recrutement, rôles, compétences, on-boarding, compensation, évaluation, développement, formation. Tout change. Le marketing, les ventes, la production, la R&D, la production. Mais le plus important dans cette transformation est qu’elle sonne la fin de l’entreprise « silos ». Le propre même de cette transformation est de réinventer la manière dont les équipes travaillent ensemble pour réinventer les produits et les services, réinventer l’expérience client, réinventer la chaine d’approvisionnement, réinventer les Modèle économique, …

L’erreur communément commise est de digitaliser un service client sans toucher au reste ; les bénéfices sont alors minimes et il ne s’agit souvent pas de transformation mais seulement de digitalisation de choses existantes, de processus existants : du simple maquillage.

  1. Client au cœur. Le propre des transformations ou réorganisations du passé est la recherche de l’efficacité, de l’agilité, de la gouvernance, de la productivité, de la réduction des coûts, de la croissance … Une logique de regard « inside-out », ou encore une approche nombriliste qui a eu ses moments de gloire et il ne s’agit pas de la remettre en question. L’entreprise se focalise souvent sur elle-même. Les entreprises tech qui ont disrupté les entreprises établies ont en réalité disrupté cette approche. Elles ont mis le Client au centre de leur préoccupation et ont construit l’entreprise autour. Elles ont inventé les processus de l’entreprise en partant du client. Elles pensent l’expérience client comme essentielle. En partant de l’expérience client, on pense le SAV, les prix, les modèles économiques, les parcours clients, les produits et services, la chaine d’approvisionnement, la logistique ou encore la gestion de stock. Le client réarchitecture l’entreprise.
  1. Données.Le propre de la transformation digitale, son essence, son énergie est la capacité de l’entreprise à devenir plus « intelligente » grâce à l’information, à la data. L’entreprise entre de pleins pieds dans la l’économie de l’Information, une économie qui trouve donc son énergie dans l’information, même si l’entreprise est industrielle. Ceci commence par mettre en place une stratégie Information (Data) pour modéliser son métier ; connaître ses données, identifier les sources exogènes de données potentielles et mettre en place les moyens de les acquérir ; cela passe par la création d’une culture de l’Information. Une culture qui met l’Information dans l’ADN de l’entreprise ; on conçoit des expériences pour collecter des données ; on utilise de nouveaux moyens de collecte des données, on collecte des données dans tous les processus de l’entreprise (les étapes de la relation client, de la production, du marketing, de la livraison, du SAV); on met en place les moyens humains et techniques pour stocker, traiter, gérer, analyser les données ; on prend des décisions basées sur les données. On devient ce que Satya Nadella2 appelle : « data driven company ».
  1. Plate-forme Technologique à l’état de l’art. On ne peut pas aborder une transformation digitale en continuant à utiliser les technologies du passé ni même à réfléchir techniquement avec les réflexes du passé, la gouvernance du passé. Tout a changé, on utilise maintenant le Cloud, des bases de données nouvelle génération, des technologies de développement nouvelles, on fait du DevOps pour être extrêmement agile, on fait de l’intelligence artificielle, on utilise et on publie des API. Mais en dehors de ces mots un peu savants, le plus important est d’accepter que les paradigmes ont changé. L’agilité de la plate-forme est la clé du succès.
  1. CIO X.0. Le CIO n’est plus le DSI du passé qui fait partie des moyens généraux, qui gère les serveurs, PCs et les logiciels, fait quelques développements, ou des patchs de sécurité. La/Le CIO est le nouvel homme ou femme forte de l’entreprise digitale, elle/il sera son facteur de succès ou son facteur d’échec. Elle/il siègera au Comité exécutif, définit la stratégie technologique, noue des partenariats technologiques, organise la nouvelle gouvernance du SI. Ses indicateurs changent, ses moyens changent, elle/il est stratégique par nature. Beaucoup des CIO d’aujourd’hui ne sont pas prêts, ne se voient pas dans ces chaussures. C’est d’ailleurs pour cela que le CEO nomme un CDO. Cette stratégie est perdante. C’est un leurre de croire que qui que ce soit pourrait réussir une transformation digitale sans un CIO fort ! Si le CIO n’est pas bon, changez-le, mais créer une organisation parallèle est une erreur.
  1. Intégrée au métier. La transformation digitale, même si elle pourrait remettre en question les processus de l’entreprise, ses produits et services, voire même ses modèles économiques, se mène dans le métier de l’entreprise, elle prend son origine et ses fondements sur les acquis de celle-ci. On ne passe pas d’assureur à supermarché. On s’appuie sur ses forces, ses savoirs faire, on reste dans son métier, dans ce qu’on sait faire le mieux et on transforme. Mais on doit poser la question fondamentale : « qui sommes-nous réellement », « qu’est ce qui nous définit » ? En même temps, on fait des tentatives, des essais, des pilotes, éventuellement sur des périmètres qui ne sont pas stratégiques car les risques sont encore élevés tant on n’a pas nécessairement compris tous les changements nécessaires encore moins les avoir menés avec succès.
  1. Humaine. Si la transformation est digitale, elle est néanmoins profondément humaine. Sa réussite repose sur la capacité de mettre en place les nouveaux processus humains de recrutement, de management des compétences, de compensation, de développement personnel, de montée en compétences des collaborateurs, d’autonomisation et de libération des ressources de l’entreprise. Les collaborateurs de demain doivent être motivés à venir travailler chez vous, à la place d’aller chez votre concurrent, car vous leur offrez un environnement dans lequel ils expriment leur plein potentiel. Ils doivent savoir évoluer dans un monde où l’Intelligence Artificielle devient monnaie courante, où la réussite ne se mesure plus à la réussite individuelle mais au travail d’équipe (à la contribution au succès des autres et à la capacité de réussir en travaillant avec les autres), où l’apprentissage continu est fondamental, où les compétences techniques ne suffisent pas pour réussir.
  1. Progressive. Développer une feuille de route de sa propre transformation digitale, est, par définition une démarche progressive. On identifie et priorise des projets qui ont un impact fort métier en impliquant tout le monde ou presque ; ça ne se fait pas dans des bureaux feutrés fermés, ni par des consultants externes seuls ; on implique les forces vives de l’entreprise qui vivent les problèmes et voient les opportunités de changement au quotidien. Le chargé de clientèle dans une banque voit probablement dans une année plus de clients que le PDG, le CIO ou le CMO durant toute leur carrière ; il vit les problèmes au quotidien. Ces projets nous permettent de mettre en place le reste progressivement : outils, moyens, plate-forme, culture, méthodes, formation, recrutement, …. Ils nous permettent de nous préparer lentement à l’idée que la transformation digitale est une histoire de transformation continuelle.
  1. Agile. Nous ne sommes désormais plus dans l’ère du « plus grand mange le plus petit » mais celle du « du plus rapide/agile mange le plus lent ». On ne fait pas de plan quinquennal ni des schémas directeurs. La transformation n’est pas seulement progressive mais elle est agile. On fait des erreurs ; pas grave, on pivote et on adapte le chemin et les moyens. On intègre l’erreur dans notre culture. On ne fabrique pas les produits complètement avant de les mettre sur le marché, mais on fait des MVPs (Minimal Viable Product) qui nous permettent de tester la réaction des utilisateurs, des clients et du marché et de nous assurer que nous sommes sur la bonne voie.
  1. Ouverte. La transformation digitale redessine les frontières de l’entreprise à tous les niveaux. Elle impose à l’entreprise de s’ouvrir davantage sur son environnement et son écosystème. Elle va travailler avec des start-ups pour faire de l’open innovation et du crowdsourcing d’idées ou faire avancer sa recherche en collaboration avec les universités et laboratoires de recherche. Elle va signer des accords de brevets, y compris avec ses concurrents. Elle va accélérer sa transformation en faisant des acquisitions dans des domaines annexes. Elle va ouvrir son SI à des partenaires voir des concurrents pour créer de nos effets de réseaux. Elle va ouvrir certaines de ses données car elle aura besoin en retour d’accéder aux données des autres. L’entreprise digitale accepte l’idée qu’elle n’a pas toutes les compétences, toutes les idées, les meilleurs ingénieurs ou chercheurs ; elle intègre l’idée que pour aller vite et être agile, elle doit s’adosser à d’autres, travailler avec d’autres, s’appuyer sur les innovations et avancées des autres.
  1. Gouvernance stricte. Si l’entreprise digitale est agile et se transforme progressivement et continuellement, cela ne constitue pas pour autant un chèque blanc pour travailler de manière ad-hoc désorganisée, sans gouverne. C’est tout le contraire. La gouvernance est encore plus stricte, plus difficile, plus exigeante. Les grandes comme les plus jeunes entreprises adoptent du Start-Up Lean Management. Les jeunes et moins jeunes associent ces démarches à du chaos et de la désorganisation. En réalité, elles sont plus strictes. Mais en dehors de repenser la gouvernance de l’entreprise, de ses indicateurs de performance de ses méthodes de management, des règles d’audit et de conformité, qui est en lui un chantier très complexe, la gouvernance de la transformation digitale est essentielle pour la réussite. On voit souvent les entreprises établir des « digital factory » et reposent sur elles pour gérer la transformation ; en réalité, ces initiatives certes importantes et excellentes, souffrent souvent de l’effet d’échelle : comment passer d’une idée, d’une expérience, d’un test à un déploiement plus général dans l’entreprise, à travers tous les départements, tous les métiers et réintégrer ces expériences dans l’ADN de l’entreprise ? Comment réussir la greffe ?

Ces 12 attributs, s’ils ne forment pas une feuille de route ni une recette, constituent les ingrédients nécessaires à toute feuille de route de transformation digitale réussie. Les techniques pour les mettre en œuvre varient selon la taille, la maturité, la complexité, le secteur d’activité, les moyens, les contraintes réglementaires, les ambitions et les engagements de chaque entreprise.

Nasser Kettani
Consultant en transformation Digitale – Réglementation Digitale
Membre de la communauté NC Partners On Demand

1 même s’il en existe d’autres, mais qui puisent elles aussi dans le digital

2 CEO de Microsoft