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La plateformisation : transformation en profondeur du secteur de l’assurance

La vraie transformation du secteur de l’assurance ne se situe plus aujourd’hui dans les services digitaux (devenus un must have) mais plutôt dans le développement de nouveaux modèles rendus possibles par l’essor du numérique : c’est ce que l’on appelle communément la plateformisation de l’assurance. Deux modèles co-existent : l’Insurance-as-a-service qui permet de revoir totalement la distribution de produits d’assurance et l’Insurance-as-a-platform qui remet l’offre au cœur de la stratégie de différenciation.

Le modèle d’Insurance-as-a-service (IaaS)

L’assureur ou le courtier expose son offre de biens ou de services au sein d’offres plus globales proposées par des tiers. L’assurance devient dès lors un élément clé du parcours client mais de façon indirecte voire transparente.

Avec l’arrivée de nouveaux acteurs, ce sont les clients qui ont l’avenir des services d’assurance entre leurs mains.

Les produits d’assurance ne sont pas consommés par plaisir ou envie mais bien par nécessité. La personnalisation des produits d’assurance est une attente forte des consommateurs, mais ce n’est pas tant la personnalisation de l’offre qui apparaît mais son individualisation qui passe par la maitrise des données et des interfaces, c’est à dire l’intégration contextualisée dans les usages clients : le bon service au bon moment et sur le bon canal.

En B2C :

  • Amazon propose déjà à ses clients une assurance complémentaire contre les accidents, les pannes et les vols pour certains produits achetés sur la plate-forme (portables, tablettes consoles) en partenariat avec le groupe d’assurance The Warranty group. Pour en bénéficier, les clients sont invités à ajouter Amazon Protect à leur panier lors de leur parcours client.
  • Axa Affiliates apporte une plateforme d’IaaS à tous les partenaires d’Axa dans le Monde.
    • Ainsi Axa Singapour a rendu disponible ses API afin de faciliter l’intégration de ses produits dans les canaux numérique. Ces APIs prennent en charge les offres d’assurance auto, de MRH et d’assurance voyage.
      • Un premier partenariat signé avec SATS Ltd propose une assurance Axa dans son application « Ready to Travel », et offre ainsi une couverture d’assurance transparente aux clients lors de la planification de leurs voyages.
      • Un partenariat avec le groupe PropertyGuru afin de proposer aux locataires et aux acheteurs de maison une solution unique, leur permettant de bénéficier de l’assurance habitation pendant qu’ils effectuent l’achat le plus important de leur vie.

En B2B :

  • La Fintech Belge Qover agit comme un grossiste en assurances. Elle offre ses produits sous la marque du distributeur, elle permet à n’importe quel partenaire commercial d’intégrer la vente d’assurances dans son écosystème numérique. Premier partenariat avec Deliveroo en offrant une responsabilité civile et une assurance « accidents » aux coursiers.

Le client achète dès lors des produits d’assurance sans s’en rendre compte car il sera intégré à d’autres services : c’est la base de la « finance invisible »

Cette diminution progressive du recours direct et visible à des services financiers va aller en augmentant, avec le développement des opérateurs de services qui maitrisent les parcours clients et l’essor des algorithmes de machine learning et aux assistants personnels associés (Alexa, Google Home) qui permettent de lancer des actions par la voix.

  • Les Allemands peuvent désormais directement demander à Alexa de les assurer et payer en donnant un code, à quatre chiffres, communiqué lors de leur inscription initiale sur le système de paiement Amazon Pay.
  • Ce phénomène ne fait que commencer et à moyen terme les actions nécessitant un effort de la part du client sont amenées à disparaître ; ce qui implique une réflexion profonde des acteurs financiers sur leur place dans la chaine de la valeur : se cantonner à des actions de gestion de contrat et de prise en charge de sinistres ? ou retrouver une place sur les parcours clients ?

Le modèle d’Insurance-as-a-platform

Si certains assureurs se concentrent sur leur cœur de métier grâce aux API qui mettent à disposition leur expertise sur le marché, d’autres se positionnent en orchestrateurs des différents acteurs de la chaine de la valeur, en étant ou non aussi contributeur direct.

L’assureur peut jouer un rôle au sein d’écosystèmes et se positionner en tant que chef d’orchestre d’une offre servicielle sur des thématiques du quotidien (mobilité, santé, travail, loisir, etc…). Il agrège des services de nombreux partenaires (en mode partenarial ou marque blanche), ce qui lui permet d’enclencher une vraie mécanique d’effet réseau sur les sujets assurantiels ou au-delà. Il est en contact direct avec ses clients, à qui il propose une assurance personnalisée à leurs usages quotidiens. Ce positionnement présente un fort intérêt pour les assureurs car ils conservent la relation client et dispose de leurs données.

Les trois objectifs majeurs de ce positionnement en tant que « plateforme » sont,

  • De sourcer et permettre la rencontre entre producteurs et consommateurs en assurant l’efficacité et la qualité du sourcing,
  • De favoriser une mise en relation de qualité fondée sur de la data et des outils d’aide à la décision,
  • De jouer le rôle de tiers de confiance en sécurisant la transaction.

Plus le chef d’orchestre de la plateforme est légitime et attractif, plus il va attirer des producteurs de qualité pour créer plus de valeur, et plus il va séduire des consommateurs et créer une dynamique vertueuse.

On assiste à la construction de véritables stratégies d’écosystèmes fondés sur différents types d’approches :

  • Une approche P2P : on retombe sur les principes de l’assurance collaborative,
  • Une approche B2B : La Parisienne Assurance (maintenant Wakam) a lancé iPASS, une plateforme qui propose des services d’assurance à la carte à tous les distributeurs d’assurance (courtiers) ainsi que toutes les sociétés de distribution qui souhaitent enrichir leur offre en y associant des services d’assurance. Le service s’appuie sur un catalogue d’API publiques et une blockchain privée et permet de proposer une offre complète : tarification, souscription et gestion des sinistres,
  • Une approche B2C :
    • Grâce à la mise en place d’API, la MAIF a permis à des partenaires de se connecter à son système, et augmenter ainsi le nombre de services proposés aux clients (par exemple, lorsqu’un sinistre aboutit à un refus de prise en charge, ils proposent sur leur plateforme d’autres services pour aller au-delà de ce que prévoit le contrat : à l’instar de mesdepanneurs.fr)
    • Covéa a lancé depuis 2017 une plateforme de services MRH, destinée aux 11,5 millions de clients du Groupe. La première brique est un service de télésurveillance, proposé avec Verisure. Le but de cette plateforme est de « construire une expérience client qui prévient et accompagne autant qu’elle assure »
    • Aviva, Generali, Sogessur et Thélem assurances, proposent, via le GIE Karéo, un service innovant de conciergerie multi-canale qui transforme l’expérience clients lors de la gestion de sinistre auto : assistance d’un conseiller auto, accès à des offres de véhicules neufs ou d’occasion, …

Malgré les avantages certains que représentent ces modèles pour la croissance du marché, des freins doivent encore être levés côté assureurs : peur de perte de la relation clients sur le modèle d’insurance-as-a-service, risque de perte de cohérence de la marque sur l’insurance-as-a-platform et risque financier dans les deux cas. L’arrivée possible des GAFA sur ces nouveaux positionnements accélèrera sans doute les processus de décision.

Delphine NOUVIAN

Consultante en innovation digitale en Banque, Paiement et Assurance
Membre de la communauté NC Partners On Demand