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Initiée il y a quelques années, l’organisation des soins et de la santé se digitalise avec un tournant marqué par le plan « ma santé 2022 » et la crise sanitaire liée au coronavirus. Les acteurs institutionnels et industriels ont pris la mesure des besoins liés aux problématiques d’accès au soin et du vieillissement de la population, et également du potentiel économique que représente le marché de la santé. En toile de fond, le système de santé en France, unique et solidaire, doit impérativement être modernisé pour être soutenable et pérenne dans le temps. Alors, quels sont les traits de la santé de demain qui se dessinent dès maintenant ? Quel rôle aura la HealthTech en 2030 ?
Quelques éléments de contexte :
Nous assistons à un alignement des planètes. En effet, le politique, le légal, les industriels, les technologies et les mentalités tendent à converger vers un intérêt commun : proposer et bénéficier d’une médecine de pointe et accessible à tous. De nombreux challenges sont à relever avec, pour cette prochaine décennie, des indicateurs qui sont « verts ».
L’ANS (Agence Numérique Santé) et la Délégation ministérielle du Numérique en Santé (DNS) sont mobilisées pour faire avancer l’ENS (Espace Numérique et Santé) sur lequel viendront s’interfacer de nombreux services comme :
Afin de créer un terreau fertile, les équipes et partenaires du ministère de la santé ont mis en place une « doctrine technique du numérique en santé » qui est un socle pour favoriser l’innovation en santé. Par exemple, l’outil « convergence » va permettre d’interfacer les solutions numériques des industriels sur l’ENS. Par ailleurs, les articles 51, programmes Hop’En et Etape viennent soutenir financièrement des expérimentations en santé qui ont trait aux parcours des patients, à l’efficience du système de santé, à l’accès aux soins, à l’évolution des systèmes d’information hospitaliers ou encore au déploiement de projets de télésurveillance.
Les acteurs industriels, laboratoires pharmaceutiques, dispositifs médicaux, startups, assurances mais également les éditeurs de logiciels ont pris la mesure du potentiel économique et de la nécessité de collaborer avec l’écosystème pour innover afin de mieux répondre aux enjeux de santé tels que la chronicisation des maladies, l’augmentation des Affections Longue Durée (ALD), l’obésité, le vieillissement de la population. Les banques et fonds d’investissement (BPI, Karista) suivent de près et financent les startups, pépites de l’économie aujourd’hui et peut-être licornes de demain. Par ailleurs, afin que les big players et jeunes pousses se rencontrent dans des laboratoires d’idéation dans des incubateurs institutionnels (Take Care Paris, IREPS-ICM) et d’entreprises (Novartis Biome, Digital Pharma Lab). Ce bouleversement des relations nécessite de revoir les méthodes de travail et de collaboration en favorisant l’innovation organisationnelle telle que l’open innovation, les modes Agile et itératifs.
Big Data, Machine et Deep learning, IA, Blockchain, Cloud, Robotique, Simulation numérique, IoT, Réalité Augmentée, ces outils ne sont pas « révolutionnaires » en soi et existent depuis plusieurs années. La révolution, c’est lorsque la puissance et la rapidité de calcul rendent toutes ces technologies ultra performantes. Nous y sommes !
Par exemple, l’Intelligence Artificielle permet de mieux détecter les cancers grâce à de l’apprentissage profond d’images. Également, l’IA est plus performante pour trouver, parmi des milliers de molécules candidates, celle qui a le plus de chance d’aboutir à un médicament. La blockchain permet de sécuriser de bout en bout le parcours d’une boite de médicaments en évitant ainsi les fraudes. Ces quelques exemples permettent d’illustrer combien médecine et haute technologie deviennent désormais indissociables.
La CNIL, la HAS (Haute Autorité de Santé) et l’ANSSI (Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information) doivent s’adapter au mieux aux technologies numériques et se positionner sur des dispositifs médicaux connectés, des thérapies digitales appelées DTx, comme Moovcare, première thérapie digitale remboursable. Ces organismes font aujourd’hui face à des technologies nouvelles en santé et sont contraints de trouver de nouvelles modalités d’accès au marché, qui soient à la fois conformes en termes de respect de la vie privée et suffisamment souples pour ne pas brider l’innovation. De plus, les données de santé sont dites « sensibles » du fait qu’elles ont une grande valeur personnelle. Ainsi, les hébergeurs de données de santé à caractère personnel (Jouve, Docapost, Orange Business Services) disposent tour à tour d’une certification « HDS » qui constitue un gage de qualité pour sécuriser les données de santé.
Créées en 2010, les ARS (Agences Régionales de Santé) lancent des projets innovants de coordination des acteurs de santé au niveau local. Accompagnées d’associations de type CPTS (Communauté Professionnelle Territoriale de Santé) et de DAC (Dispositifs d’Appui à la Coordination), les politiques locales financent des projets de parcours patient et d’accès au soin. Également, la loi dite « 4D », devrait conforter cette tendance de décentralisation avec toutefois quelques craintes sur les risques d’inégalités de budget entre territoires.
Le contexte est ainsi dynamique et favorable à un système de soin moderne et une médecine de pointe mais quelques points de vigilance sont à relever notamment parce qu’il y a une fragmentation des acteurs. La concertation entre le public et le privé n’est pas suffisante dans divers secteurs et zones géographiques, aboutissant à une atomisation des actifs souvent immatures. Également, en France, il n’y a pas assez d’entreprises de taille critique, ce qui empêche d’entrainer tout l’écosystème.
Alors en 2030, quelles perspectives ? Quels challenges ?
La santé en France, en 2030.
Lila a 18 ans, elle est atteinte de la mucoviscidose, une maladie génétique. Grâce à l’outil CrisprCas9, il a été possible de la guérir en modifiant simplement un segment d’ADN pour supprimer les mutations de son ADN liées à sa maladie.
Sacha a 12 ans était atteint de la drépanocytose et a été traité avec succès par une méthode de thérapie génique qui a consisté à faire pénétrer des gènes dans les cellules.
Marie a 65 ans. Elle est diabétique de type 1 depuis l’enfance. Grâce à la thérapie cellulaire, elle est guérie.
Gianni a 79 ans. Il souffre d’insuffisance cardiaque. Grâce à un système de pompes cardiaques composées d’une membrane ondulante reproduisant les pulsations du cœur, elle est guérie.
Solal, 42 ans, la progression de sa sclérose en plaques est stoppée net grâce à une combinaison d’anticorps monoclonaux…
Le traitement, devenu classique, d’un cancer sera une association d’immunothérapie, d’épigénétique et de traitements ciblés.
Epigénétique, thérapies géniques, microfluidique, microbiote, médecine régénérative, médecine intégrative, immunothérapie, … Demain, le mode de recherche ne sera plus séquentiel dit « en silo », couteux et risqué, et aura évolué vers un modèle d’apprentissage plus agile intégrant la recherche en santé publique et épidémiologique, la recherche fondamentale, la recherche clinique, la recherche technologique.
Ainsi, tout l’écosystème de chercheurs, hôpitaux, industries et patients, soutenu par de forts investissements au niveau mondial, sera en interaction continue pour trouver et adapter des traitements toujours plus ciblés et efficaces, à l’échelle de petits groupes de patients, voire à l’échelle de l’individu. Chaque patient aura son jumeau numérique pour une médecine toujours plus personnalisée.
Le virage de l’ambulatoire a été rendu possible grâce aux innovations technologiques, à un plateau technique ultra performant à l’hôpital et à une solide coordination ville-hôpital.
Demain, les lits d’hôpitaux ne seront occupés que par les urgences (vasculaire/accidentologie) et les maladies aigües. Ainsi, le patient sera suivi à domicile, en post-opératoire ou en affection longue durée (ALD).
Le patient diabétique, par exemple, se verra administré « un médicament service », une combinaison de médicaments biologiques et chimiques ainsi qu’une thérapie digitale (DTx) pour le suivi continu de sa ou ses pathologies. Un patient diabétique disposera d’une pompe à insuline, d’un terminal mobile dédié qui collecte les données de santé en continue et d’un capteur de glucose. Ceci supposera une évolution nécessaire de la prise en charge pour les soignants et les payeurs, sans doute plus axée sur la valeur en santé plutôt que l’actuel paiement à l’acte (T2A).
Des exemples nord-américains comme les « healthcare bundles » prennent racine en France sur des pathologies, avec des expérimentations sur la prise en charge de l’insuffisance rénale.
L’explosion des maladies chroniques et le vieillissement structurel de la population nécessitent de revoir la logique de soins curatifs vers une logique de santé préventive, prédictive et individuelle avec trois niveaux de parcours.
Le premier est le parcours de soin qui est relatif aux consultations et à l’hospitalisation, le second a trait au parcours de santé, qui inclut la prévention, l’éducation, le retour à domicile. Le troisième, le parcours de vie, a une approche holistique qui prend en compte l’environnement familiale, scolaire, professionnel, logement…
Dans ce cadre-là, le DMP, Dossier Médical Partagé a un rôle crucial tout au long de la vie. Le patient devenant de plus en plus acteur de sa santé, la prévention et l’éducation thérapeutique de celui-ci réalisées par les infirmiers, permettent de réduire les couts.
Tous ces bouleversements induisent de profondes mutations dans la pratique des professions de santé qui redistribuent les responsabilités et de nouveaux métiers émergent.
Avec l’accroissement des déserts médicaux, le pharmacien joue un rôle pivot en 1er recours et devient le binôme du médecin dans ces zones désertées avec des outils de téléconsultation.
Les Infirmiers en Pratique Avancée (IPA) ou infirmiers cliniciens, avec l’appui des aides-soignants, visitent les patients éloignés, posent des pré-diagnostics et peuvent établir des renouvellements d’ordonnance. Les CPTS (Communauté Professionnelle Territorial de Santé), désormais implantées sur tout le territoire et financées par les ARS participent activement à l’organisation des soins en local et à la coordination interprofessionnelle. Elles ont mis en place des solutions de gestion des Soins Non Programmés (SNP) et de e-parcours afin d’éviter les ruptures de soin.
Les urgences ne sont plus engorgées grâce à un bon maillage territorial et une bonne coopération entre professionnels de santé.
La téléconsultation, devenue généralisée, permettra une prise en charge rapide, au meilleur cout, des soins primaires, parfois même effectuée par des professionnels de santé d’autres pays via un call center, comme c’est déjà le cas en Suisse.
Pour voir ce nouveau paysage de la santé en 2030, de nombreux défis sont à relever. Public et privé ont commencé à collaborer ; il faut aller plus loin en structurant une politique industrielle en santé, en soutenant les investissements et en simplifiant le cadre administratif. Valoriser la recherche française avec tous les acteurs y compris les patients et soutenir la professionnalisation de l’écosystème permettra l’émergence de plusieurs champions.
Le sujet de l’accès aux données est crucial car il doit être à la fois sécurisé pour des questions d’éthique et suffisamment souple pour permettre l’innovation. Les modèles de remboursement des médicaments et la prise en charge par les soignants doivent inévitablement être diversifiés avec l’arrivée des thérapies digitales. Les acteurs locaux doivent poursuivre leur maillage territorial et la coordination ville-hôpital. Enfin, le fusion médecine et technologie doit s’opérer au mieux pour répondre aux enjeux sanitaires du XXIème siècle tels que le vieillissement de la population, l’explosion des maladies chroniques et l’amplification des déserts médicaux.
Céline Gapihan est consultante indépendante en innovation et santé et est membre de la communauté BlueBirds. Elle est également présidente de FokusVision, société spécialisée en collecte de données et datavisualisation. Elle dispose d’une thèse professionnelle (ESSEC, 2019) sur les opportunités du numérique en santé et les impacts en termes d’organisation.