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Sofia Benchekroun a fondé il y a onze ans son cabinet de conseil Ovatio, qu’elle dirige avec un réseau d’indépendants depuis sa ville natale de Casablanca. Spécialiste de la stratégie et du management, elle a particulièrement exercé dans les domaines de la santé, l’éducation et la chimie.
Dans sa maison de Casablanca, Sofia Benchekroun, jongle entre ses multiples casquettes. Quand elle ne s’échappe pas de son quotidien pour aller pratiquer la gymnastique et le yoga à haut niveau, elle répond aux diverses demandes des clients de son cabinet de conseil ou fait la classe à ses enfants. Malgré un emploi du temps serré, la quadra tout sourire respire la sérénité. Sa voix mélodieuse, son calme olympien, son naturel discret lui confèrent une force tranquille que — à n’en pas douter — beaucoup doivent lui envier. Sofia Benchekroun semble avoir traversé la vie de la même manière. Avec simplicité, en connaissant ses forces et ses faiblesses, avec la volonté farouche de rester fidèle à elle-même, de rester libre.
Fille de dentiste et d’architecte, l’adolescente grandit dans un monde de « libéraux ». À 17 ans, élève douée au Lycée Lyautey, véritable institution au Maroc, elle va contre l’avis de ses professeurs et décide de partir en prépa commerciale à Montpellier, alors que tout destine cette matheuse née à une filière scientifique. Amoureuse des langues depuis toujours, elle refuse de délaisser l’apprentissage d’une matière qui la fait tant vibrer. D’ailleurs, deux décennies plus tard, Sofia Benchekroun est une quadrilingue quasi parfaite. En France, elle découvre un autre pays, une autre façon de penser. « J’ai débarqué comme ça. Mineure dans un pays étranger. Les profs m’ont pris sous leur aile et je me suis épanouie assez naturellement. Pour beaucoup, la prépa ce n’est pas que des bons souvenirs. Moi, j’y ai trouvé une véritable famille. » Après un parcours sans faute, elle intègre l’Essec. Là, Sofia opte pour une carrière en banque d’affaires. La logique complexe des mécanismes financiers l’amuse et la stimule, lui permet d’aller au fond des choses, quand ses camarades regardent parfois ce domaine avec une certaine appréhension.
Consultante en stratégie chez McKinsey
Le métier lui plaît mais après presque dix ans passés de l’autre côté de la Méditerranée, elle décide de rentrer au pays. Au Maroc, après un passage dans un fonds d’investissement, Sofia est recrutée chez McKinsey en tant que consultante en stratégie. Cette plongée dans un quotidien exaltant et harassant est une véritable révélation : « Les métiers du conseil permettent d’évaluer un projet sous tous les angles. Géopolitique, économique, la responsabilité sociale des entreprises… En fait, en passant de la banque d’affaires au cabinet, on élargit la focale et c’est passionnant. » Les années passent, le travail de Sofia est apprécié mais la réussite professionnelle ne fait pas tout. « Quelques mois après la naissance de mon fils, je me suis aperçue que je le voyais à peine. Ça peut paraître ridicule mais j’avais peur qu’il appelle sa nounou « Maman » à ma place. J’ai quitté McKinsey le cœur lourd. Mais mes supérieurs ont été top ; ils ont organisé mon départ avec bienveillance. » En l’occurrence chez Aksal où elle prend la direction de la stratégie. Son rôle ? Penser au futur du groupe, à son développement sur plusieurs années. Il faut recruter, planifier, anticiper. Les projets se succèdent et l’expansion du groupe va bon train.
Trois ans plus tard, Sofia est « chassée » de nouveau par un gros cabinet de conseil. « L’offre était belle mais c’était un modèle qui ne me correspondait plus. Ne pas être libre de mon organisation, rendre des comptes, ce n’était plus pour moi. En revanche, la proposition qui m’a été soumise m’a fait prendre conscience que j’étais parfaitement capable de monter ma propre structure. » Ce qu’elle fait en 2013, en créant Ovatio. Son premier client ? Le cabinet qui souhaitait la recruter. Depuis, Sofia vogue de mission en mission en tant que consultante indépendante spécialisée dans le management et la stratégie. Depuis une décennie, elle s’est forgée un solide réseau et travaille avec un cercle d’indépendants de confiance. Elle commence également à s’intéresser au management de transition. “C’est une vraie découverte pour moi : passer parfois 80% de mon temps chez un client, au sein d’équipes structurées. Mais c’est un pan de mon métier qui m’intéresse et que je souhaite développer.”
De la santé à l’éducation
Généraliste dans l’âme, elle a travaillé — entre autres — sur le développement d’une université offshore en Afrique, à l’implantation de franchises, à la croissance de l’industrie du phosphate. De la start-up au grand groupe. Plus récemment, elle a largement travaillé dans le domaine de la santé : aussi bien dans la levée de fonds pour la création d’hôpitaux ou de cabinets de radiologie, que dans l’accompagnement d’acteurs du développement qui souhaitent améliorer leurs équipements en prévision de l’amélioration de la couverture sociale de la population marocaine et d’un meilleur accès aux services de la santé. “Tout l’enjeu est de travailler avec des acteurs bien intentionnés, ni trop gourmands, ni trop pressés à la recherche de la rentabilité immédiate.”
Ces dernières années, Sofia s’est aussi intéressée aux questions d’éducation. Car en parallèle de ses activités, l’indépendante a monté une école d’anglais, qu’elle a dirigée de 2016 à 2022. « Au Maroc, nous avons d’excellentes structures d’éducation mais c’est au niveau des langues que le bât blesse. Or, c’est LE bagage intellectuel indispensable, le must have », s’enthousiasme celle qui a commencé l’apprentissage de la langue de Shakespeare en regardant les Simpsons.
Cette expérience lui a beaucoup apporté : « Cela m’a appris à me remettre en question. En tant que consultant, on a l’habitude d’avancer vite et fort. Mais face à des enfants et des parents, tout ne se passe pas toujours comme prévu… », souffle Sofia avec humilité. Cette double casquette lui a permis de se faire remarquer dans le milieu éducatif. On lui a proposé de prendre la tête d’une université ou d’un réseau d’établissements scolaires. À chaque fois, elle a décliné : « J’ai grandi avec des parents indépendants. Je les ai toujours vus travailler énormément certes, mais faire ce qu’ils avaient décidé. C’est une liberté à laquelle je ne suis pas prête à renoncer. C’est d’ailleurs pour ça que j’ai voulu rejoindre la communauté BlueBirds. »
Par Déborah Coeffier