Nous confier une mission
Rejoindre la communauté

Virginie Poulin, de la finance aux étincelles

De simple analyste financière à responsable de la transformation digitale et durable, en passant par le comité exécutif du négoce de matières premières. En 20 ans de carrière dont 14 dans une banque suisse, Virginie Poulin s’est construit un profil d’experte de la finance, de la durabilité et des conseils d’administration. 

En ce lumineux après-midi d’avril, Virginie Poulin a encore les cheveux légèrement humides de la douche, après son footing. Il faut dire qu’en vivant à 1300 mètres d’altitude, dans un petit village de montagne en Suisse, elle aurait tort de se priver. “À l’origine, je n’ai aucune attache en Suisse.” Rien ne prédestinait cette fille d’une prof de maths et d’un ingénieur géologue, originaire de Maisons-Laffitte, à s’installer sur les pentes enneigées helvétiques. Mais les hasards sont parfois bien faits. Élève brillante et discrète, passionnée de philatélie et de lecture, Virginie est repérée par ses professeurs qui l’envoient étudier au prestigieux lycée Condorcet à Paris. Pour ses classes préparatoires scientifiques, elle décline même les places que lui réservent Henri IV et Louis Le Grand – comme elle avait refusé de sauter des classes pour rester avec ses amis. 

Elle intègre les Ponts et Chaussées en 1998. Elle en sort en 2003 avec un double diplôme d’ingénieur et un MBA. “Je me suis lancée dans le double cursus parce que lors d’un stage chez un fleuron de la logistique française, j’ai compris que les véritables décisionnaires n’étaient pas les ingénieurs mais les responsables finance et marketing. Comme j’aime régler des problèmes et prendre des décisions… Je me suis dit que c’était une façon intéressante de compléter mon profil et de m’ouvrir des portes.” Déjà, la jeune femme fait preuve de traits de caractère qui forment son identité professionnelle profonde : une formidable capacité de travail, une intelligence peu commune, une volonté de fer et surtout une forme de lucidité. De cette capacité à prendre du recul, de la hauteur, à observer les choses dans leur ensemble, elle tire l’énergie pour décider, impulser un rythme et faire bouger les lignes. 

Ascension fulgurante 

Sa carrière débute chez BNP Paribas, après son stage de fin d’études. Elle travaille comme analyste crédit en direction générale pour les clients d’Amérique latine. C’est le départ d’une ascension fulgurante au sein de la banque française. En 2005, elle part en Suisse comme analyste pour le négoce des matières premières (pétrole, métaux, produits agricoles…), avant de devenir responsable adjointe du service en 2008, puis commerciale en 2010. Le tout en se mariant et en ayant trois enfants. En 2013, Virginie Poulin accède à un poste managérial en tant que responsable du département du crédit du négoce de matières premières où elle encadre une vingtaine de personnes. Un an plus tard, à la faveur d’une réorganisation, elle reçoit la responsabilité de l’équipe commerciale moscovite et de sujets transverses au sein de la nouvelle Business unit Russie-Ukraine-Pays baltes. “Quand la Russie a envahi la Crimée en 2015, ça a secoué. Il a fallu sortir du risque financier russe brutalement, soutenir l’équipe commerciale de Moscou, dans une ambiance de fin du monde. J’ai gagné 10 ans d’expérience en quelques mois.” 

Virginie, en véritable battante, continue de gravir les échelons. En 2016, à 38 ans, elle encadre une centaine de personnes comme responsable des clients existants de l’activité de négoce et est membre du comité exécutif. Elle pilote aussi un grand nombre de projets nécessaires à la continuité de l’activité. “On m’a dit parfois que j’étais ambitieuse mais ce n’est jamais pour me mettre en valeur. J’agis parce que je m’en sens capable et on me le propose. Si j’ai la capacité d’encadrer les gens calmement, c’est mon devoir de le faire, y compris et surtout dans les périodes difficiles”, réfléchit l’intéressée. 

Mais à force de faire trois jobs en un, Virginie se fatigue. Son corps lui envoie des signaux qu’en bonne workaholic elle n’écoute pas. Jusqu’à ce que son médecin l’arrête en 2017. “Avant qu’il prononce le mot burn-out, je n’y avais même pas pensé.” Elle passe un premier mois à dormir et enchaîne ensuite la randonnée et les trails. “J’ai dû gravir tous les sommets autour de chez moi dans un rayon de 20 km, je pense”, raconte-elle, hilare. Elle entame aussi un bachelor de psychologie et un travail avec une business coach : “Après 15 ans la tête dans le guidon, j’avais envie de faire un bilan.” 

Quand les planètes s’alignent 

Quand elle revient au travail, son poste a été pourvu. Ce qu’on lui propose ? Rester en transition ou des postes de junior dans d’autres services. L’idée de quitter l’entreprise l’effleure. Mais “sortir par la petite porte” lui est insupportable. Elle a trop donné, pour l’organisation, pour ses collaborateurs, dans des contextes parfois très durs. Virginie ne se démonte pas et propose à sa hiérarchie de se pencher sur les transformations durable et digitale, dans un métier où le papier est encore roi. C’est la dernière mission qu’elle mènera pour la banque : créer un outil de finance durable pour un secteur qui en a besoin. Mi-2019 alors qu’on lui propose une possible évolution en Allemagne, elle quitte l’entreprise. “J’avais des projets, une stratégie d’avenir, je me sentais enfin légitime pour partir.”

Dans la foulée, un cabinet de conseil la recrute pour travailler sur la transformation durable des entreprises. C’est là que le Covid frappe. À la sortie du confinement, on lui demande de se pencher sur des propositions de restructuration industrielle. Ce n’est pas pour elle, Virginie préfère poursuivre son chemin. Elle tente l’aventure du secteur public suisse mais ne s’y retrouve pas en termes de rythme et de gouvernance. Alors que faire ? L’idée de créer sa boîte la traverse mais elle n’ose pas. “J’avais peur de vouloir le faire par réaction épidermique. Je voulais prendre le temps de la réflexion.” 
Finalement, c’est la vie qui décidera pour elle. Début 2023, Virginie reçoit le coup de fil d’un ami qui lui permettra de sauter le pas. Une association financière a besoin d’une directrice à temps partiel. Quelques semaines plus tard, son réseau la met en relation avec une start-up qui a besoin d’une directrice financière et RH. Elle a aussi du temps pour continuer la psycho. Voilà qui est parfait : Sparkle Lab SA naît en un mois. “Je pense que le plus compliqué, c’est de s’affranchir du regard des autres, de leur idée de la réussite. Nous devons au monde et à nos enfants d’essayer de nouvelles voies, de sortir des chemins tout tracés et de réfléchir à notre avenir commun. Si nous n’apportons pas notre pierre à l’édifice, à quoi bon ?” Forte de cette conviction, Virginie a sauté le pas et accompagne désormais les entreprises comme manageuse de transition, notamment financière et en durabilité, ou comme administratrice auprès de start-up et PME. Et elle démarre son master de psychologie, car l’humain reste sa préoccupation première.

Déborah Coeffier