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Sophie Le Pennec, alchimie sociale

Forte d’une longue carrière à des postes à hautes responsabilités dans l’industrie, passée par Eramet, Thalès ou BASF et spécialiste HSE-RSE, Sophie Le Pennec vient de lancer sa structure : SLP & You (Trusting Our Future). Son but ? Accompagner les entreprises sur les enjeux environnementaux, sociétaux et de sécurité pour construire un modèle plus durable.

Comment résumer la personnalité de Sophie Le Pennec en quelques mots ? Elle est chaleureuse mais réservée, s’exprime parfois avec une appréciable gouaille parfois dans un langage excessivement corporate, est une scientifique jusqu’au bout des ongles mais ne s’intéresse plus vraiment qu’à la RSE aujourd’hui. Un vrai paradoxe. En réalité, elle est une femme qui ne renonce à rien, qui ira jusqu’au bout des missions qui lui sont confiées, mais qui mènera toujours sa barque comme elle l’entend. La preuve ? Depuis 20 ans, elle partage son temps entre sa résidence principale à Metz où son mari et ses enfants voguent des jours heureux, et son pied-à-terre parisien où elle passe une partie de ses semaines pour des raisons professionnelles. L’art du compromis.

Cette persévérance et cette fiabilité, la jeune quinqua les tient probablement de sa jeunesse passée entre la Picardie et les Ardennes. Fille de professeurs issus eux-mêmes d’un milieu modeste, Sophie Le Pennec a grandi dans un environnement serein où les efforts ont toujours payé. La méritocratie à la française. Elle se dirige vers des études de chimie : “Je me demande encore pourquoi, s’amuse l’intéressée. Peut-être parce je passais les mercredis dans les labos avec mon père quand il préparait les TP.” Après son bac et un BTS, elle rejoint l’École nationale supérieure de chimie de Lille (groupe Centrale-Nord aujourd’hui) d’où elle sort diplômée en 1990. Elle est recrutée par une filiale de BASF, fleuron de l’industrie chimique, où elle travaille notamment au transfert de technologies et dans les laboratoires sur un site classé Seveso. “L’entreprise était pilotée par des Américains, en avance sur la gestion des risques. Il fallait connaître son sujet et être performant. J’ai été biberonnée à cette exigence et cela a marqué toute ma carrière.”

Le jean, le café et le plan de cessation des activités

Une décennie plus tard, à 34 ans, Sophie a gagné en expérience et commence à regarder ailleurs, vers les enjeux en lien avec le HSE. Elle est recrutée par Eramet à un moment décisif. Nous sommes au début des années 2000, dans le Nord de la France, dans l’industrie métallurgique et une entreprise profondément marquée par deux accidents mortels les années précédentes. Elle découvre un milieu où les générations d’une même famille se succèdent dans les usines, où pratiquer les “métiers du feu” est synonyme de fierté dans toute une région mais où il faut aussi se faire une place. “Être une femme qui parle de maîtrise des risques et de changement de méthodes, ça a été parfois un peu raide. J’ai passé beaucoup de temps en jean et en bottes, à faire du café, pour convaincre les uns et les autres. C’était une aventure humaine passionnante.”

Malgré un discours un peu lisse, il est évident que Sophie a été profondément marquée par cette période. Aussi parce qu’après des années à mettre en place une petite révolution interne, elle doit gérer la cessation d’activités du site et son démantèlement dans un contexte d’explosion des prix du charbon. “Ça a été dur. Imaginez des gaillards de 120 kg en pleurs dans votre bureau, dont la femme ne travaille pas, qui vont perdre leur emploi. On avait tous peur que quelqu’un fasse une bêtise avec une corde au fond du garage. Il a fallu distribuer les coups de pied aux fesses et les encouragements pour les aider à retrouver du travail.” Mais l’acharnement de Sophie et de l’équipe dirigeante paye : trois ans plus tard, 75% des 350 employés ont retrouvé un emploi en CDI.

Grâce à son investissement total, Sophie grimpe les échelons. La direction générale du groupe lui propose en 2007 de prendre en charge le département environnement au sein de la direction du développement durable. Elle va ainsi passer 10 ans à harmoniser les bonnes pratiques dans 57 sites et 20 pays, en matière de gestion des risques, des déchets, de pollution air-eau, de protection des populations, de la biodiversité… Au Gabon, en Indonésie, en Amérique ou encore en Nouvelle-Calédonie. Elle contribue même à la rédaction de certains standards de performance opposables aux grands projets pour la SFI (Société financière internationale).

Légion d’honneur

En 2017, la carrière de Sophie Le Pennec, devenue une véritable spécialiste de la HSE-RSE, prend un nouveau tournant. Elle est chassée par Thalès : “Le groupe voulait évoluer sur la HSE-RSE et créer une vraie culture d’entreprise. Mon profil avait l’avantage de proposer un regard décalé mais avec une maîtrise experte du sujet.” À 50 ans, le challenge est magnifique. Sophie se lance dans l’élaboration d’une stratégie HSE à l’échelle du groupe – basé sur la prévention de la sécurité des personnes, la décarbonation, les achats responsables, les stratégies produits ou encore le risque climat – laquelle est approuvée en 2019. Deux ans plus tard, après la crise de la Covid 19, la crise énergétique s’impose et le gouvernement demande aux industriels de réduire drastiquement leur consommation d’énergie pour éviter des coupures d’électricité nationales. “Une task force dont je faisais partie a été mise en place et nous avons dépassé les objectifs fixés.” Parallèlement, Thalès propose son nom pour la Légion d’honneur. “Je n’y avais jamais songé et ça m’a remué de la recevoir.”

En 2023, l’ambitieuse Sophie s’interroge : alors que Thales est reconnu numéro 1 sectoriel sur ses sujets de prédilection et que tous les objectifs sont dépassés, quelle est la prochaine étape de sa carrière ? Thalès temporise ; une nouvelle direction vient d’être nommée et il s’agit de stabiliser les moyens, d’intégrer les forces en présence avant d’entreprendre d’autres changements. Mais Sophie ne le voit pas de cet œil et préfère quitter le groupe. L’occasion pour elle de se lancer à son compte, de tenter une nouvelle aventure à laquelle elle réfléchit depuis plusieurs années. Elle veut mettre à disposition sa longue expérience dans la HSE-RSE pour en faire bénéficier les structures qui n’ont pas le temps ou les moyens d’employer quelqu’un à plein temps sur ces questions. “Il faut accélérer la prise de conscience sur les enjeux, mais de manière pragmatique. Je crois que je ne me suis pas trompée dans ma carrière. J’ai décidé de me faire confiance. Après tout, les résultats opérationnels et humains sont là.” C’est pour cette raison qu’aujourd’hui, elle rejoint la communauté BlueBirds, prête à embrasser une nouvelle carrière.

Par Déborah Coeffier.