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Le temps long, c’est maintenant !

La petite musique de la planification fait son grand retour. L’Environnement, l’Industrie, la Défense et leurs promoteurs appellent de toutes leur forces un cap que l’on tiendrait dans le temps. Enfin !

Enfin quoi ? « Certains ont essayé, ils ont eu des problèmes »[1] parce que démocratie et temps long ne font pas toujours bon ménage. Il y a planification et planification.

En matière d’environnement tout d’abord. La couleur de l’Assemblée n’aura que peu d’effets sur celle de nos champs ou de nos gazons. La France ne représente que 3% des émissions de C02 dans le monde en incluant les émissions des produits et services qu’elle importe. Quoi que nous fassions, quelle que soit notre ambition, notre impact sur le réchauffement de la planète sera donc marginal. Mais l’inaction n’étant pas une option, il va nous falloir nous concentrer sur une chose et une seule s’agissant du climat, notre empreinte carbone. Guillaume Poitrinal le rappelait très bien au micro de Radio Classique le 19 mai dernier. Ecoutez- le, c’est ici : https://podcast.ausha.co/l-invite-politique/guillaume-poitrinal. Evitons d’acheter de l’électricité allemande produite à partir de lignite,  renouvelons pour cela notre parc de centrales nucléaires tant que nous n’avons pas trouvé de solution scalable à une électricité de base décarbonée, augmentons la part du renouvelable dans notre mix énergétique, mais ayons conscience que planifier touche vite ses limites en matière de production et s’applique peu ou pas en matière de consommation : à quand l’application comparable à Yuka mesurant absolument tout de notre consommation sur notre empreinte carbone ? S’agissant des entreprises, trois questions clés long terme se posent :

  1. Comment réduire mon empreinte environnementale?
  2. Comment m’adapter à un environnement des affaires qui sera de plus en plus contraint ?
  3. Comment adapter mon activité au réchauffement climatique et à la baisse de la biodiversité ?

Le Ministre de l’Economie et des Finances renouvelé souhaite faire de la souveraineté industrielle une priorité. Là encore, comme Rome ne s’est pas faite en un jour, il nous faut une politique industrielle stable. Plusieurs quinquennats se succéderont à celui qui démarre avant de voir un quelconque effet sur l’emploi industriel en France.

Essayons en premier lieu d’établir un environnement favorable à l’émergence de nouvelles ETI. (S’agissant de la Tech, nous sommes déjà en chemin malgré l’étonnante disparition du Ministère au Numérique!) Elles sont souvent familiales et s’inscrivent également dans le temps long. Philippe Grodner, Président du Family Business Network nous dit : « L’Entreprise familiale porte de vraies valeurs qu’il faut savoir préserver. Il est démontré que sa performance est bien souvent supérieure à celle d’autres modèles, notamment grâce à une vision long terme […]» 

Le METI s’est fait entendre pendant la campagne présidentielle en demandant une diminution des impôts de production par exemple. Quand bien même le Mouvement aurait reçu l’écoute du tout nouveau Gouvernement et quand bien même la nouvelle Assemblée la ferait suivre d’effets, rien ne semble garantir qu’une telle politique industrielle ne soit suivie dans la durée tant les visions économiques des principaux partis susceptibles d’accéder au pouvoir sont différentes. J’en parlais dans ces lignes le mois dernier. Est-il possible d’établir une politique industrielle dans la durée qui varie peu sur 10 à 15 ans malgré les changements inhérents à la respiration naturelle de notre démocratie ? L’Allemagne a réussi un tel tour de force. La plupart des pays anglo-saxons y arrivent également. Pas nous, ou plutôt si, mais c’était il y plus de 50 ans et le monde a un peu changé depuis. EDF, Engie ou encore Airbus ont grandi comme cela à l’époque. Peut-être y a-t-il une ou deux leçons à tirer de cette époque en les adaptant au XXIème siècle.

Enfin, la Défense a toujours fait l’objet de lois programmatiques. L’outil de planification que représentent ces lois fonctionne, il faut s’en réjouir. L’enjeu est donc probablement ailleurs, dans la vision que nous nous faisons de cette Défense. La France milite presque seule pour une Défense européenne. Cette voix aura d’autant plus de mal à se faire entendre si l’OTAN continue de se renforcer avec la dynamique en court en Europe du Nord. Il y a là une forme de paradoxe. Nous sommes prêts à confier la défense militaire de l’Europe aux Etats-Unis qui par ailleurs nous livrent une guerre économique totale. Nous ne rappellerons jamais assez l’asymétrie des lois extraterritoriales que produit le Congrès américain. Frédéric Pierucci, ex VP Alstom, le raconte très bien. Son histoire gagne à être connue, elle est ici dans Thinkerview. Il faut que cela cesse dans les meilleurs délais ou que l’UE produise des directives équivalentes. En d’autres termes, dans la Défense comme dans tout, la vision précède l’ambition qui précède elle-même la planification d’un projet.

D’autres domaines mériteraient une vision long terme : la Santé, la Justice ou encore l’Education. Tout ou presque à y regarder de près. Avec des dépenses publiques qui peuvent sembler sans limite et que l’on a indiquées comme telles pendant deux ans, il est facile de penser que l’Etat pourrait construire seul le monde meilleur que nous appelons de nos vœux. Nous déchanterons si nous pensons cela. Kennedy le résumait très bien à la toute fin de son discours d’investiture en 1961.

Si j’aime à penser que l’Etat ne peut pas tout, il peut tout de même un peu, parfois beaucoup. Inscrivons donc le temps long dans notre démocratie, dans la façon dont nous élisons nos représentants. Construisons des lois programmatiques dans tous les domaines régaliens.

Et comme tout cela mettra des années à produire des effets, changeons nos comportements dès maintenant!

Martin


[1] Que notre client la SNCF nous excuse de cette sortie de route par Chevalier et Laspalles