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Le social commerce ou le e-commerce expérientiel: futur du e-commerce ?

Constat 

Le succès du e-commerce est lié à la facilité de trouver ce que l’on cherche, d’acheter et de se faire livrer, puis éventuellement de renvoyer le produit. La pandémie de la Covid-19 n’a fait que révéler de façon accrue ces avantages. Cependant il y a un désavantage majeur par rapport à l’achat en point de vente : c’est un acte d’achat « froid ». Le consommateur regarde une fiche produit avec du texte, des visuels, parfois des vidéos, clique sur « mettre dans le panier » et paye ensuite. L’expérience n’est pas mémorable ; elle peut être un frein pour certains achats. Pour le maquillage, il est difficile de voir l’effet du produit en réel, pour l’habillement il n’est pas facile d’apprécier les tailles ou le rendu au porté. Le retour « gratuit » est la réponse à ce frein, mais comme rien n’est jamais vraiment gratuit, cela vient obérer le coût produit, sachant que celui-ci est déjà majoré par la livraison à domicile initiale.

Réponse 

Ce sont les Chinois qui ont trouvé la solution. Avec un consommateur hyper connecté : 900 millions d’utilisateurs d’internet sur téléphone mobile, 765 millions d’utilisateurs des paiements sur mobile (Source :  SCMP research, China Internet Report 2020), le e-commerce a explosé pour devenir le 1er marché mondial avec une GMV réalisée en 2020 de US $1510 milliards (9759 milliards de RMB), + 14,8% vs 2019 selon les données publiées par le Ministère du commerce (MOFCOM). Ce montant représente 24,9% de toutes les ventes au détail de biens de consommation réalisées en Chine.  Pour rendre le mode d’achat plus chaleureux et réduire le taux de retour, les Chinois ont eu une idée de génie : le « social selling » ou « live streaming » que les grands acteurs comme Alibaba, JD.com, Tencent (Wechat), Bytedance (DouYin) ou PinDuoDuo ont su structurer pour créer une véritable expérience lors de l’achat en e-commerce et ainsi monétiser l’audience des influenceurs et influenceuses.

1. Origine et développement 

1.1 L’activité d’influenceur / d’influenceuse 

Elle s’est développée sur internet avec Facebook, Whatsapp, Instagram, Pinterest ou spécifiquement en Chine avec Weibo, Wechat ou QQ. Au tout début des personnes généralement non connues donnaient leur avis sur des produits qu’ils avaient achetés. Elles ont pu aussi diffuser en partie ou en totalité leur vie quotidienne.

1.2. C’est devenu un métier 

Ces personnes ou du moins celles qui réussissaient à développer un groupe qui les suivaient sur les réseaux sociaux se sont professionnalisées et ont proposé leur savoir-faire à des marques qui les ont alors rémunérées pour générer des messages positifs, échanger avec les abonné(e)s et ainsi créer du contenu utilisateur. Des journalistes de magazines ont aussi étendu la diffusion de leurs articles aux réseaux sociaux. Ce phénomène est maintenant mondial. Mais le marché chinois l’a poussé à l’extrême en y intégrant du e-commerce

1.3. Intégration au e-commerce

Le social commerce a débuté en Chine dès 2010 sur Wechat avec des personnes privées proposant à leurs contacts Wechat dans un groupe dédié des offres commerciales obtenues grâce à leurs réseaux (Guanxi). C’est d’ailleurs l’origine du succès des « DaiGou », ces acheteurs pour particuliers chinois qui parcourent les grands magasins et les magasins des marques de luxes à Paris, Milan, Londres ou New York. Ils postent alors en photo ou en mini-vidéos leurs trouvailles, leurs contacts Wechat achètent le produit, payent directement avec Wechat Pay et reçoivent le sac, la montre, le bijou en colis express. En Chine, sur le marché local, les pages des influenceurs ou influenceuses (Appelé(e) KOL, pour Key Online Leader) se sont progressivement enrichies en intégrant du e-commerce (fonction intégrée au site ou renvoi vers un site extérieur, type mini-programme Wechat), puis des mini-vidéos et enfin de la diffusion en direct. A partir de 2016/2017, les acteurs du e-commerce Chinois Alibaba et JD.com, poussés d’ailleurs par de nouveaux entrants (Douyin, Pinduoduo, Xiaohongshu…) structurent et développent fortement cette innovation commerciale appelée « social selling » sur les réseaux sociaux ou « Live streaming » sur les sites de e-commerce. C’est ce que j’appelle le e-commerce expérientiel ou du social commerce.      

2. Une proposition de vente unique

Le e-commerce expérientiel ou le social commerce, c’est faire fusionner le e-commerce, les réseaux sociaux et la vidéo pour en faire une vente interactive. C’est de la diffusion de contenu sur un produit, soit organisé par une marque et présentée par un ou des animateurs, soit organisé par une personne privée (Indépendant, artisans, agriculteur) et dont le but est de vendre en direct au consommateur sans sortir du site où a lieu la diffusion.

C’est une proposition de vente unique à trois niveaux

2.1 L’expérience 

C’est complètement interactif. C’est en fait une version moderne du bouche-à-oreille. Le « KOL » (Key Online Leader), en qui vous avez confiance, présente des produits, les décrit, les teste, répond aux questions des personnes connectées. Chacun peut réagir aussi en direct, donner son avis ou son expérience produit qui apparaitront sur le fil de l’évènement.  

Le cadre, le contenu éditorial, les messages peuvent être complètement adaptés à l’image de la marque et au secteur. Les marques de luxes comme les marques de biens de grande consommation utilisent ce nouveau canal de vente en Chine.

Il n’y a pas de contrainte de lieu puisque cela se passe sur votre téléphone portable en direct. Vous pouvez donc suivre votre « KOL » préféré quelque soit l’endroit où vous êtes. Le replay existe aussi, mais il y a alors moins d’interactivité.

2.2. La fluidité 

Si les réseaux sociaux ont été les premiers supports du social commerce avec des textes, des photos ou des mini-vidéos, c’est bien tout d’abord l’existence de système de paiement électronique utilisé par tout le monde qui a rendu l’expérience d’achat fluide. Puis l’évolution des technologies a permis la diffusion en ligne et en direct de vidéos de façon sûre. Enfin l’intégration de cette offre dans une seule app a favorisé son développement grâce à la simplicité d’utilisation.

Exemple : La vente de maquillage MAC

Une vidéo en direct qui défile sans rupture, en surimpression les avis et questions des personnes qui suivent l’évènement. En un clic vous êtes sur la page de commande des produits que vous pouvez payer directement avec votre compte Wechat ou Alipay. Tout cela sans sortir de l’évènement en cours !

Crédit photos : Chatly / www.chatly.com

2.3. Une innovation disponible pour tous

Le e-commerce expérientiel est très facile d’accès aujourd’hui. Un téléphone portable suffit pour la production des images. Les outils techniques pour diffuser et vendre en e-commerce dans une seule app existe aussi. Toutes les marques ou sites de e-commerce peuvent mettre cela en place très facilement.

Mais cela peut aussi un être moyen de toucher de nouveaux consommateurs. On l’a vu en France durant le 1er confinement, des commerçants ont diffusés leurs offres sur les réseaux sociaux (Facebook live) pour toucher leurs clients qui ne pouvaient plus venir dans leurs magasins.

Cela peut-être aussi un nouvel outil pour le développement des circuits courts. En Chine, Alibaba a lancé un vaste programme pour aider les agriculteurs à utiliser le e-commerce expérientiel pour présenter leurs produits et les vendre en direct.  Aujourd’hui des villages entiers tentent l’expérience et proposent leurs produits sur TaoBao Live.

3. Une offre plus substantielle que du télé-achat 

Pour deux raisons principales :

3.1 Une expérience relationnelle :

Social commerce ou e-commerce expérientiel       

Télé-achat

En télé-achat, il n’y a pas de relation. Le consommateur regarde la télé sur une chaine dédiée, un ou deux animateurs présentent des produits qu’il est possible d’acheter en appelant un numéro de téléphone. Le canal de vente est vertical, le message émis est dans un seul sens

A l’inverse, le e-commerce expérientiel ou social commerce permet aux consommateurs d’avoir une véritable expérience produit et un échange avec la marque et / ou les animateurs. C’est un cercle vertueux enrichi par les commentaires des consommateurs / acheteurs et par les réponses des animateurs ou de la marque. D’ailleurs c’est bien ce caractère interactif qui permet d’avoir une relation directe avec ses consommateurs, d’enrichir cette relation conformément à l’image de la marque qui séduit les grandes marques internationales ou les marques de luxe.

A l’inverse, l’expérience en télé-achat est pauvre et par conséquent propose essentiellement des produits sans marques à bas prix.

3.2. L’audience 

En télé-achat, l’audience est limitée par le diffuseur, l’audience de la chaine et la disponibilité du consommateur pour être présent devant la télé. En e-commerce expérientiel ou social commerce, il n’y pratiquement pas de limite puisque chacun peut avoir accès à la diffusion sur son téléphone portable et que les utilisateurs actifs des réseaux sociaux ou des sites de e-commerce se chiffent en dizaines ou en centaines de millions !

Perspective :  Un véritable succès en Chine

  • Estimé en 2017 à 516 milliards de rmb (€ 65 milliards), soit 8,5% du total e-commerce, le groupe Alibaba estime que le commerce expérientiel / social commerce attendra une GMV de 363 milliards de dollars en 2021, soit 18% à 20% du total e-commerce en Chine (+35% vs 2020).
  • Taobao Live qui est le site de e-commerce expérientiel du groupe Alibaba a généré une GMV de 400 milliards de RMB en 2020.
  • En 2017, 223 millions de consommateurs Chinois utilisaient le social commerce (Source UBS report) ; ils étaient plus de 600 millions en en 2020 !
  • En 2019, Huang Wei (mieux connue sous le nom de Viya) une des principales « KOL » en Chine avec des millions de fans a atteint une GMV de 30 milliards de RMB. Soit à peu près le chiffre d’affaires de l’enseigne Carrefour en Chine… Et ce n’était que la troisième année qu’elle vendait des produits via le social commerce ou e-commerce expérientiel.

Ce succès est lié à quatre facteurs clés 

1. Des consommateurs hyper connectés.

2. Des outils de paiement électronique simples d’utilisation largement répandus et utilisés

3. Une distribution physique qui ne couvre pas tout le territoire ce qui laisse un formidable espace de développement pour le e-commerce

4. Une main d’œuvre abondante et bon marché qui permet de contrôler les coûts de la livraison à domicile

Et en dehors de Chine ?

Si je prends le cas de la France :

  • La distribution physique est mature et couvre bien le territoire…donc moins d’espace de développement pour le e-commerce
  • L’outil de paiement électronique n’est pas développé. Le seul qui soit transversal aux banques est l’Apple Pay, sinon chaque banque propose ou va proposer son propre outil (La carte bleue est facilement utilisable pour un paiement sur internet, mais n’a pas la simplicité d’usage d’un Alipay ou d’un Wechat pay).
  • Le coût du dernier kilomètre est bien supérieur au même coût en Chine.
  • C’est finalement seulement sur l’item « consommateurs hyper connecté », que nous rapprochons un peu du consommateur Chinois.

J’en déduis que le marché Français ou plus globalement les économies développées ne connaîtront pas le même développement fulgurant du social commerce ou e-commerce expérientiel qu’en Chine. Néanmoins c’est un outil particulièrement intéressant pour créer du lien avec son consommateur sur le net, les marques, les réseaux sociaux et les sites de e-commerce l’ont bien compris et tentent une percée sur ce nouveau canal de vente :

Sur TikTok (sœur de l’app chinoise DouYin) des marques ou des grossistes Chinois proposent des offres. Mais, pour l’instant il n’y a pas interactivité, ce n’est pas du direct. C’est de la publicité produit qui renvoie vers le site de l’annonceur pour l’achat. 

En Juillet 2020, Cultura a fait un essai sur le site de l’enseigne avec un produit à marque propre, la palette aquarelle Monali. Les chefs de produit ont présenté le produit et répondu aux questions des consommateurs qui pouvaient donc l’acheter en direct sur le site.   

Du 2 au 8 Novembre c’est Moulinex qui a monté une opération sur Youtube pour présenter son nouveau produits Cokéo avec la participation de chefs, dont Cyril Lignac et d’influenceurs comme Natoo. L’opération était aussi diffusée sur les sites de Boulanger et Darty, les personnes pouvaient donc acheter en même temps. Il y a eu 330 000 vues en direct et 4 millions de replay 

Le 10 février, c’est au tour de L’Oreal professionnel et de Grazia.fr de faire une opération de e-commerce expérientiel avec la démonstration du lisseur à vapeur Steampod. Des personnalités étaient présentes comme Fabien Giambona, le coiffeur de la marque, l’influenceuse Flora Coquerel et la responsable éditoriale de Grazia.fr. Les internautes pouvaient acheter le produit sans sortir de l’environnement vidéo. 

A suivre…de près !

Ce point de vue à été rédigé par Jean-Luc Rossignol, Manager de Transition spécialisé dans les biens de consommation & Retail en France, Chine et Allemagne.