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Laurent Delpey, faim de transformation

Après une vie professionnelle dans la grande distribution avec un crochet par le secteur de la santé, Laurent Delpey (re)devient manager de transition avec son cabinet, Picamine Conseil.

Dans le monde où nous vivons, rares sont ceux qui sont parvenus à tracer leur voie en toute indépendance. Laurent Delpey, 55 ans, fait partie de ceux-là. Certes, le manager de transition a grandi à Boulogne-Billancourt dans une famille de cadres dirigeants. Pour autant, son parcours est loin d’être classique. En cause ? Sa soif de liberté et son besoin d’autonomie. Un trait de caractère qui a d’ailleurs guidé toute sa vie : “Après le bac, je me suis tourné vers des études scientifiques, mais j’ai vite compris que ce n’était pas pour moi. Les cadres trop strictes ne me permettent pas de m’exprimer”, raconte-t-il mi-amusé, mi-sérieux.

Le jeune homme opte alors pour un BTS Action Commerciale. C’est concret, c’est rapide et c’est efficace. Il poursuit jusqu’en licence et à la sortie, se retrouve bombardé manager d’une équipe de 20 personnes dans un magasin Carrefour qui a pignon sur rue. Très vite, on lui confie l’encadrement de 80 salariés. À 24 ans. Et c’est probablement là que sa carrière entière se joue, même si Laurent Delpey n’en a pas tout à fait conscience. “La vérité, c’est que j’ai eu beaucoup de chance : je suis tombé sur une équipe exceptionnelle. Ce sont eux qui m’ont tout appris, à être à la fois exigeant et bienveillant. C’était de la vraie réciprocité” Ses collaborateurs sont généreux et ambitieux, aiment battre les records et innover, donnent d’eux-mêmes, de leur temps personnel. Le tout dans une ambiance qui tient de la cour de récré. Forcément, ça marche et les résultats s’envolent.

Une « Business unit » de 500 millions d’euros

En 1993, à 27 ans, la direction lui confie une mission stratégique. Assez avant-gardiste pour l’époque : créer dans le contexte d’une entreprise culturellement décentralisée, la première « Business unit » centralisée « end to end » sur les produits culturels pour Carrefour France. Avec un budget de 15 millions d’euros. Comment a-t-il fait ? Lui qui n’a aucun réseau. “J’avais un poste dans un magasin en vue, les performances économiques de mon secteur étaient bonnes et les gens se sentaient bien. On mettait en place des nouveaux outils informatiques. J’imagine qu’il y a eu des visites sur site et que ce qui a été vu a plu.” Mais au-delà des chiffres, il n’y a qu’à observer quelques instants Laurent Delpey pour réaliser ce qui a fait mouche : il est sérieux, il est “focus” et il va vite. Très vite. Avec un goût assez prononcé pour les problèmes complexes (pour ne pas dire autre chose), dans des situations à enjeux.

La direction lui laisse quasiment carte blanche pour penser la nouvelle activité. C’est une véritable révélation pour Laurent Delpey. Il aime le challenge, partir à la découverte de nouvelles possibilités comme un chercheur d’or. Il ne compte pas ses heures et on le lui rend bien. Il grimpe les échelons sein d’un groupe international, dans différents comités de direction fonctionnels ou opérationnels, parfois dans un contexte de management d’équipes multi culturelles, jusqu’à devenir senior directeur.

Définitivement, le parcours professionnel de Laurent Delpey repose à la fois sur des opportunités, savant mélange de hasard et de travail, mais aussi sur sa capacité à comprendre les environnements complexes, à en saisir les enjeux, les problématiques et les risques intrinsèques, quand on est à la croisée des chemins. Dans le jargon, on parle de “situations de retournement”, de “transformation” ou de “business development”. Chez Carrefour, de mission en mission, Laurent Delpey se forge une carrière et une réputation. Celle d’un homme qui aime résoudre les problèmes et être à la manœuvre pour atteindre les performances sur la business unit dont il a la responsabilité.

Le challenge permanent

Mais en 2017, l’appel du large est là. Il quitte le port pour faire route vers de nouveaux horizons : il monte son cabinet, Picamine Conseil, et se spécialise dans la redéfinition des stratégies, le « catégorie management » et les achats dans un contexte de retournement. Bref, quand une entreprise veut virer de bord et tout reprendre depuis le début.

Pourquoi ? Parce que c’est ce qui lui plaît. Ni plus ni moins. “Je n’aime pas les choses faciles. J’ai profondément besoin de me remettre en question, de douter, de réfléchir, de me challenger. Les contextes sont souvent difficiles, mais ce sont aussi des aventures humaines. J’aime voir l’évolution d’équipes qui passent de la difficulté à la satisfaction, de gens qui redéployent des savoir-faire oubliés ou qui se rendent compte de leurs capacités. C’est ce qui m’anime. Aujourd’hui, je le fais en tant qu’indépendant mais je pourrais aussi bien le faire en PME ou en entreprise cotée. C’est la transformation qui fait écho en moi”.  Et son carnet d’adresses est bien la preuve de la qualité de ses prestations. Laurent Delpey compte parmi ses clients les plus belles entreprises du CAC40 : L’Oréal, Auchan, Métro…

Il se fait même embaucher par un de ses clients, une entreprise du secteur médical, qui n’hésite pas à s’appuyer sur son expérience à la faveur d’une levée de fonds et d’une LBO dans le cadre d’un accroissement ambitieux de son activité. Le terrain de jeu favori de Laurent. Même si pour le commun des mortels, il tient davantage du parcours du combattant que de la promenade de santé.

À ses heures perdues ? Entre deux sessions de bricolage et de jardinage, Laurent Delpey est administrateur d’Emmaüs Alternatives. Parce que même au repos, l’homme a besoin d’activité permanente. De se sentir utile et de mettre à contribution ses compétences. Même s’il n’aime pas en parler, même s’il n’aime pas trop faire étalage de sa générosité.

Déborah Coeffier