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Jean-Louis Jorus, fuir l’ennui

Fort de ses 14 ans d’expérience comme apporteur d’affaires auprès de fonds d’investissement et de grands électriciens en Europe et comme consultant indépendant auprès de bailleurs de fonds et d’investisseurs privés en Afrique de l’Ouest dans le secteur des énergies renouvelables, Jean-Louis propose désormais des formations à ceux qui veulent se lancer dans l’aventure du travail indépendant.

Jean-Louis Jorus a le verbe facile. L’œil est pétillant, le sourire avenant et le cheveu en pétard. Il a toujours une petite anecdote, un trait d’humour ou l’expression gouailleuse qui va bien. Juste ce qu’il faut pour détendre l’atmosphère. Juste suffisamment succinct pour ne pas perdre son interlocuteur. Un doigté appréciable, qui illustre un instinct et une intelligence sociale qui font forcément mouche en affaires. Son succès en témoigne d’ailleurs, sur le marché des énergies renouvelables comme en tant qu’investisseur immobilier. Pourtant, sur le papier, rien ne prédestinait particulièrement ce fils de prof et d’ingénieur, un poil rebelle à l’adolescence et qui ne s’épanouissait pas à l’école, à se distinguer plus qu’un autre en tant que consultant. Peut-être est-ce son côté compétitif ? Avoir un frère de 18 mois plus jeune que lui y a forcément contribué. Peut-être est-ce sa façon de lutter contre l’ennui et la monotonie du quotidien.

Diplômé en 1987, il décide de commencer sa vie professionnelle comme volontaire à l’étranger, dans le cadre du VSNE, pour apprendre l’anglais. “Mon prof d’anglais disait qu’il n’y avait que deux moyens d’apprendre la langue : soit d’avoir une affaire avec une  anglophone, soit de vivre sur place. Et comme je n’avais pas d’anglaise dans mes relations…” Pendant 2 ans, il sillonne ainsi le Nigeria pour optimiser la gestion des stocks de pièces détachées auprès de la Société Commerciale de l’Ouest africain (SCOA). À la fin de son contrat, une entreprise parapétrolière lui offre un job très bien payé. Il préfère dire non, à la fois parce que l’Afrique des années 1990 l’aurait trop marqué professionnellement et parce que la violence est à tous les coins de rue. “A l’époque, le siège conducteur dans certaines voitures de fonction était surélevé. Pourquoi ? Pour qu’on puisse y mettre un fusil à canon scié.” Mais le goût des chemins de traverse est déjà là.

 Du Vietnam à Gemini Consulting

Après un périple en Asie du Sud-Est en sac à dos, le jeune Jean-Louis rentre sagement en France et intègre une petite société de dessalement d’eau de mer. Il a la chance d’être formé à la gestion de projet par deux passionnés. Mais deux ans plus tard, il préfère quitter l’entreprise. Son nouveau responsable le micro-manage et il n’aime pas ça. “Je ne supporte pas d’être marqué à la culotte !” Il fonctionne déjà à la confiance et à l’autonomie. Il rejoint alors Alstom pour 5 ans où, comme ingénieur d’affaires et de projets, il gère la production puis la vente d’équipements de centrales électriques de Hong Kong aux Philippines en passant par la Chine. Mais voilà, le curieux Jean-Louis veut aller plus loin. “Je faisais le job. Tout se passait bien et un directeur m’a dit qu’il me voyait bien faire ça 20 ans. Autant vous dire qu’il n’y avait rien de mieux pour me faire fuir”, dit-il en explosant de rire.

L’ingénieur s’inscrit donc à l’Insead pour décrocher un MBA en 1997. Mais contrairement à ses camarades de promo, il ne se dirige pas vers le conseil en stratégie. “J’ai besoin d’être chez le client, d’être dans l’opérationnel. Je préfère passer du temps dans les ateliers et les usines que dans des bureaux.” Il passe ainsi 5 ans chez (Bossard) Gemini Consulting aussi bien à travailler dans l’industrie pharmaceutique, l’Oil & Gas que la sous-traitance automobile sur des problématiques commerciales, de supply chain, d’investissement et de production, ce qui fait de lui un vrai généraliste. “Le business, c’est moins compliqué que le monde des idées : il faut augmenter le chiffre d’affaires, diminuer les coûts et gagner en efficacité. Il y a des phénomènes contre-intuitifs, souvent autour de la psychologie et de la sociologie, mais la plupart du temps, ce n’est que du bon sens.” Et, avoir recours à un œil extérieur permet de mettre le doigt sur ce qui dysfonctionne et d’apporter l’organisation, les méthodes et l’énergie nécessaires aux changements.

Tourner la page et franchir le Rhin

En 2003, Cap Gemini Ernst & Young, en pleine refonte stratégique, se sépare d’une partie de ses profils seniors. Jean-Louis fait partie de la charrette et en profite pour réfléchir à son avenir. Il a envie de faire autre chose. Et pourquoi pas le renouvelable en plein boom ? Il décide de contacter différents acteurs allemands de l’énergie éolienne. Une “lettre d’amour” et un entretien plus tard, Jean-Louis est recruté comme développeur de projets et d’affaires en France depuis l’Allemagne. Idem, en 2005, quand il est recruté par l’électricien espagnol Iberdrola, puis en 2007, par le fonds d’investissement britannique Platina Finance. Le point commun ? Des entreprises qui souhaitent se développer sur un marché français, louvoyant et compliqué, qui ont besoin de quelqu’un d’efficace, d’autonome, suffisamment bien renseigné et très bien introduit dans les milieux d’affaires. Et qui ne s’éternisera pas une fois le contrat rempli.

“En 2009, quand mes affaires ont pris fin avec les Anglais, je n’avais pas envie de retourner vers le salariat, parce que de fait je travaillais déjà comme un indépendant. C’est à ce moment-là que je me suis mis à mon compte.” Jean-Louis a 44 ans, un large réseau, une connaissance aiguë du marché international des énergies renouvelables. Connu comme le loup blanc et à l’aise dans la séduction commerciale, il se constitue rapidement une clientèle qui salue son sens du contact et sa persévérance. Un exemple ? Une société avec un gros parc éolien qui cherche à s’en séparer lui promet un pourcentage de la vente s’il arrive à trouver un acheteur sérieux avec qui les dirigeants ne sont pas déjà en contact. Le défi est lancé : “Depuis 2006, je suivais pratiquement au jour le jour toutes les fusions-acquisitions sur le marché français ; je leur ai donc présenté une société suisse qui cherchait des acquisitions depuis 2 ans et le deal est allé jusqu’au bout !”

Du conseil indépendant vers l’immobilier et la formation

Depuis, les affaires sont plutôt florissantes au point qu’il a pu investir dans l’immobilier locatif à partir de 2013 et se former sur le tas aux travaux et à la gestion locative. C’est d’ailleurs aujourd’hui sa principale source de revenus. En 2023, en bon hyperactif qui s’ignore et pour sortir d’un certain confort, il crée une formation à destination des salariés qui souhaitent se mettre à leur compte : “Il y a dedans tout ce que j’aurais aimé savoir quand je me suis moi-même lancé : comment trouver des clients qui paient, comment rédiger un contrat équilibré mais robuste, comment choisir le statut le mieux adapté et toutes les ficelles accumulées pendant 14 ans ou récoltées auprès d’une trentaine de travailleurs indépendants et de professionnels du travail indépendant.”

Début 2024, la formation est prête mais un infarctus l’oblige à faire une pause. Et c’est l’occasion de faire un bilan de vie : “J’ai décidé de ne me focaliser que sur ce que je peux faire avec le cœur : promouvoir le travail indépendant, limiter le conseil à des sujets très précis et continuer l’immobilier, mais à plusieurs.” Au-delà de l’envie d’être stimulé intellectuellement et de travailler avec des personnes “qui m’inspirent”, Jean-Louis souligne une approche plus fondamentale des choses : “La ressource la plus rare n’est pas l’argent, qui va et qui vient, mais le temps, qui ne revient jamais. C’est encore plus vrai pour les indépendants : il faut accepter de dire non à une opportunité moyenne pour dire oui, plus tard, à une opportunité de qualité.” Un principe qui irrigue toutes les composantes de sa vie.

Par Deborah Coeffier