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Natalia Regalado

La jeune femme ingénieure chimiste et titulaire d’un MBA, passée par le groupe Roullier et le cabinet Simple and New, s’est spécialisée dans le conseil en stratégie dans des secteurs aussi variés que la cosmétique de luxe, l’alimentaire et la distribution.

“Je me dis souvent que rien n’arrive par hasard et que j’ai eu beaucoup de chance.” Un mantra que répète plusieurs fois Natalia Regalado, 36 ans, coupe au carré, voix douce et lunettes sages. Née en Equateur, la jeune femme a d’abord appris à parler français. Son père, ingénieur de formation, part poursuivre ses études en Belgique alors qu’elle n’a que quelques mois. “Nous parlions espagnol à la maison mais toute ma vie était en français.” Trois ans plus tard, quand toute la famille rentre en Amérique du Sud, pour ne pas perdre les atouts du bilinguisme, elle entame une scolarité au lycée français de Quito. “C’était ça ou l’école de bonnes soeurs”, s’amuse-t-elle.

Brillante élève, issue d’un milieu privilégié et ouvert sur le monde, elle décroche une bourse d’excellence du gouvernement français qui lui permet de s’envoler pour le Vieux Continent à tout juste 18 ans, pour ses classes préparatoires à Montpellier. “Je me suis retrouvée seule, dans un pays que je ne connaissais pas. Je vivais dans un minuscule studio, avec toute la gestion du quotidien à assumer seule. En cours, les choses n’étaient pas faciles. Je bossais énormément mais les notes ne suivaient pas. Paradoxalement, j’ai progressé quand j’ai accépté que je ne pouvais pas être la meilleure partout.” Mais à force de travail acharné, Natalia est reçue à l’Ecole nationale supérieure de Chimie de Lille. C’est aussi à partir de là qu’elle s’immerge complètement dans la culture française : “À Montpellier, je vivais entourée d’étudiants Sud-Américains. À Lille, j’étais seule et je me suis intégrée plus facilement. J’y ai d’ailleurs rencontré mes meilleurs amis. Ils ont mis un point d’honneur à organiser des soirées dégustation de vin, en écoutant du Brassens et du Johnny. J’ai découvert qu’ils étaient aussi moins tactiles et plus provocateurs…” Tant et si bien que pour la première fois, elle envisage de ne pas retourner s’installer en Equateur.

Retour à Quito

En 2011, la jeune femme finit ses études par un stage chez Carrefour, au sein de la direction du contrôle qualité. L’expérience est si concluante que le groupe devient son sponsor pour son premier titre de séjour et lui offre un CDI. Elle travaille en étroite collaboration avec les acheteurs et le marketing. La tâche se révèle passionnante : “Il y avait un gros volet innovation et de travail sur la qualité, avec la mise sur marché de nouveaux produits.”

Deux ans plus tard, Carrefour propose à Natalia de devenir elle-même acheteuse grâce à sa connaissance des fournisseurs. Mais elle décline l’offre : “Quand on est expat’, on se questionne toujours sur un éventuel retour au pays. On oscille toujours entre deux pôles.” Elle décide donc de rentrer en Equateur. Elle qui croyait se retrouver comme un poisson dans l’eau, est vite déstabilisée. À la fois par sa condition de femme, l’insécurité galopante, mais aussi par des conditions de travail particulières. Le système quasiment calqué sur celui des Etats-Unis permet certes de donner sa chance aux jeunes, mais pour un niveau de salaire et de congés relativement bas face aux exigences des postes. C’est ainsi que Natalia se retrouve à 26 ans responsable des ventes B2B pour Danec SA, un des plus gros exportateurs d’huiles végétales du pays. Sans rien connaître du travail de commercial ou de manager, elle est à la tête d’une équipe de six cadres en charge des négociations de géants de l’agroalimentaire comme PepsiCo, Nestlé ou encore Ferrero. “J’ai été extrêmement soutenue par ma hiérarchie. Tout particulièrement dans les moments difficiles. J’ai appris à obtenir la confiance de mes équipes, qui m’était loin d’être acquise au départ.”

Suivre une fusée quand on en croise une

Une expérience qui lui donne envie de transformer l’essai. Objectif ? Passer un MBA pour compléter son cursus et rentrer en Europe. Elle est finalement retenue pour intégrer l’Essec et décroche même non pas une, mais deux bourses au passage. Elle vend donc sa voiture, fait un prêt et prend un aller simple pour Paris. 15 mois plus tard, après un séjour sur le campus de Singapour et un stage en Tanzanie, elle pose ses valises à Saint-Malo, quartier général du groupe Roullier, après un entretien décisif avec Philippe Dumargue, directeur commercial d’une Business unit France. “On m’a laissé carte blanche pour développer des partenariats de l’agrofourniture avec de grandes entreprises de l’agroalimentaire.” Elle travaille en étroite collaboration avec la R&D et les équipes commerciales, “pour mettre du lien entre deux univers qui ne se comprennent pas toujours”. En quelques mois, Natalia ne mène plus ce projet pour une business unit mais pour six. La PDG lui confie même la direction des projets stratégiques pour l’ensemble du groupe. “Roullier est un groupe qui donne sa chance aux jeunes. Peu importe par quelle école vous êtes passé, on s’attache uniquement à votre potentiel.”

Avec l’arrivée du Covid, Natalia a envie de se rapprocher de ses amis et de repartir à Paris. Elle croise par hasard la route d’Emmanuel Nizard, fondateur du cabinet Simple & New. “Dans ma vie, il y a une boussole : si je croise une fusée, je lui cours après. C’est ce que j’ai ressenti quand j’ai rencontré Emmanuel. Je savais que j’allais apprendre énormément avec lui.” Entre deux missions de strat’ avec déclinaison opérationnelle pour Hermès ou FitnessPark, elle travaille à ses côtés sur ses autres entreprises. Mais son patron décide de mettre ses activités en pause. Natalia se retrouve du jour au lendemain sans projet. Une fois encore, le hasard fait bien les choses. Elle se met à son compte et s’envole pour l’Amérique du Sud pour passer l’été en famille. Elle y tombe amoureuse d’un ancien camarade de classe, aujourd’hui devenu son conjoint. À partir de là, sa vie sera toujours entre deux avions pour le retrouver. Son travail d’indépendante s’y prête particulièrement bien : elle enchaîne les missions parfois (très) chronophages et entre deux peut se consacrer à sa vie personnelle. Elle y a trouvé une forme d’équilibre.

Sa dernière mission en date ? Chez Allianz, auprès de Romaric Hatit (“une autre de mes fusées”), directeur de la transformation à l’époque, comme chief of staff. Ses atouts : sa capacité à écouter attentivement sans que l’on ait besoin de se répéter et à ne pas avoir peur de se retrousser les manches, et le faire parfois en territoire hostile : “Je devais y passer six mois et j’y suis toujours en partie aujourd’hui. Je pense que c’est parce que je suis une bonne éponge naturellement. J’absorbe tout très rapidement, jusqu’à être autonome.”

Par Déborah Coeffier