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Bâtir un monde où chacun aura sa place

Et voilà, une nouvelle année de close. Une nouvelle année débute.  

Je profite régulièrement de cette période pour partager avec nos clients, partenaires et membres de notre communauté ce qui me semble être les grandes tendances qui structureront les prochaines années en matière de business.  

Sur le plan environnemental, je pense d’abord aux efforts sans précédent que nous entreprenons pour lutter contre le réchauffement climatique. Les investissements dans les énergies renouvelables ont dépassé ceux réalisés dans les énergies fossiles en 2019. Six des neuf limites planétaires ont d’ores et déjà été franchies. Elles se rappelleront constamment à nous dans les prochaines années.  

La CSRD entre en vigueur. Elle est une révolution qui complète l’obligation faite aux sociétés anonymes françaises de publier leurs comptes depuis 1867 ! 

Sur le plan économique, les taux directeurs de la BCE structurent une économie que nous n’avions pas connue depuis 2008 : la dette perd soudainement de son attrait. C’est l’inverse pour le capital. La lente dédollarisation du monde dit bien plus qu’un simple accroissement relatif des échanges en devises hors USD. Une nouvelle forme de course mondiale à l’industrialisation et à l’accès aux ressources a débuté afin de sécuriser ce qui peut l’être en matière de souveraineté économique des Etats. Nombre d’entre eux tentent de construire une nouvelle géopolitique qui fait de moins en moins de cas des organes multilatéraux sur lesquels nous comptions encore il y a peu, je pense ici à l’OMC et l’ONU. Le cyber est un nouvel espace de conflits où Etats et entreprises sont pris pour cibles. S’y déroule une guerre quotidienne qui n’en porte pas l’uniforme. L’IA générative est le dernier tsunami technologique de la décennie.   

Sur le plan social, la recherche des talents demeure une priorité pour la plupart des entreprises. Nous n’avons jamais autant parlé d’inclusion dans l’emploi et les études supérieures, souvent pour le meilleur, mais pas toujours. Se loger, même en travaillant, devient de plus en plus difficile. Après le remplissage du caddie, c’est l’accès au logement qui est en train de devenir le marqueur de l’appauvrissement de notre société.  

L’UE continue de s’occuper en priorité de ses consommateurs et de la planète. Ce n’est déjà pas si mal. C’est pour ses entreprises et l’emploi qu’elle est moins protectrice voire contreproductive. Et c’est pour ses citoyens que son absence se fait de plus en plus remarquer. Ce faisant, elle se fissure en même temps qu’elle s’oblige à se réinventer. 

Cette liste est non exhaustive, j’espère ne pas trop me tromper ici, surtout par omission. Je suis certain que vous la compléterez à votre goût. 

Toutes ces tendances sont si fortes et de natures si différentes qu’il est difficile d’identifier le chemin commun qu’elles pavent. Il existe pourtant ce chemin, c’est celui que nous empruntons tous les jours pour aller au bureau, emmener nos enfants à l’école ou nous rendre chez nos amis.  

Tout ne va pas pour le mieux dans le meilleur des mondes sur ce chemin, mais rappelons-nous aussi que nous avons de réels motifs de nous réjouir.  

Les entreprises se mettent en ordre de marche pour inventer ce qui me semble de plus en plus être « l’économie de l’essentiel ». L’essentiel est en train de revenir au galop, c’est ce qui me rend raisonnablement optimiste pour l’avenir. Dormir sous un toit, manger à sa faim, éduquer ses enfants, se soigner. Ce qui nous semblait acquis et donc secondaire au risque parfois d’avoir été délaissé redevient primordial au fur et à mesure que les contingences matérielles grandissent pour une partie croissante de la population. Des entreprises comme Green Got, Yuka, TooGoodToGo, montrent le chemin à leur manière et avec leurs moyens. Hasard ou pas, elles sont toutes dirigées par des femmes. Faudrait-il pouvoir mettre au monde pour le protéger ce monde ? Heureusement non, mais j’ai tendance à penser que cela aide.  

A se recentrer sur l’essentiel, ce qui se consomme moins ou pas prend davantage la lumière.  Comment expliquer le retour des pratiques religieuses et méditatives dans les sociétés occidentales sinon par le désir redevenu pressant de nourrir son âme ?  

Et puis mesurons la chance que nous avons tous. La plupart de celles et ceux qui liront cette lettre peuvent se dire « J’ai de la chance. J’y travaille, mais j’ai de la chance ». 

BlueBirds va bien aussi. Nous avons clos notre septième année consécutive de croissance rentable. Nous le devons surtout à mon équipe et à quelques personnes qui me lisent ici. Je les remercie chaleureusement. 

Pour le dernier épisode de l’année du podcast Histoires d’Entreprises, je rencontrais il y a quelques semaines le PDG de Seat et Cupra, Wayne Griffiths. Avec un accent typique de Manchester où il est né, Wayne me disait dans la langue de David Bowie que nous écoutons chanter au début de notre entretien : « Au fond, il ne s’est pas passé grand-chose pendant cinquante ans. En revanche, ces cinq dernières années, c’est fou ce que le monde a changé ». Je retrouve là les lignes droites du langage que nous aimons parfois taquiner chez nos amis outre-Rhin – Wayne a vécu 10 ans en Allemagne – mais j’ai trouvé la formule assez lumineuse.  

Il y a 5 ans, les investissements dans les énergies fossiles surpassaient encore les investissements en énergies renouvelables. « Seules » cinq des neuf limites planétaires avaient été franchies. La CSRD n’était encore qu’un texte en construction. 

Il y a 5 ans, les taux de la BCE dormaient proches de zéro. Hormis la Chine, les BRICS ne s’étaient pas encore mis en ordre de marche pour contourner le dollar américain et éviter ainsi les sanctions extraterritoriales de l’oncle Sam. Il y a cinq ans, la French Fab était tout juste née, OpenAI n’était encore qu’une association et ChatGPT un projet. 

Il y a 5 ans, les prix du gaz dansaient leur yo-yo été-hiver comme à l’accoutumée tout en restant abordables. La Russie ne s’était emparée « que » de la Crimée. Le Hamas restait caché sous terre. La France s’affichait décomplexée en Afrique sub-saharienne. L’UE dégageait un excèdent commercial de l’ordre de 200 Md€ par an. 

Il y a 5 ans, c’était hier et pourtant notre monde ne ressemblait pas vraiment à aujourd’hui ! Pour le dire autrement, hormis ce qui a trait à l’environnement, la plupart des grandes tendances que j’évoque plus haut sont récentes. Et ce qui me frappe davantage, c’est leur soudaineté à émerger. On ne les voit pas toujours arriver, ou si peu. 

Quel sera le prochain événement à venir infléchir soudainement notre futur et 2024 en particulier ? 

Je regarde attentiste les prochaines élections américaines. Dans l’hypothèse envisageable où Trump était réélu, je me demande s’il déciderait ou pas de continuer de soutenir l’Ukraine. Sans l’aide des américains, l’Ukraine tomberait. Difficile d’imaginer les conséquences d’un tel scénario. Jamais je n’ai ressenti si intensément que l’avenir de l’Europe et donc le vôtre en même temps que le mien dépendent d’élections de l’autre côté de l’Atlantique. Comme vous très certainement, j’aspire à décider librement de mon avenir. Je sens bien qu’il m’échappe ici et dépend sensiblement du vote de quelques cowboys au Texas ou en Arizona. Ce sera là mon premier vœu pour 2024 : que l’UE et ses Etats membres deviennent de nouveau maîtres de leur destin.  

En continuant de me demander quel pourrait être l’événement pouvant soudainement changer le cours des choses à l’avenir, je me suis rappelé ce qui sera pour moi la principale date à retenir de 2023 : le passage en septembre dernier du pape à Marseille, redevenue pendant quelques heures au moins « mosaïque d’espérance ». « Ceux qui risquent leur vie en mer n’envahissent pas, ils cherchent hospitalité », a lancé le pape François réussissant l’exploit de faire converger presque toutes les opinions vers sa parole.  

C’est un exploit car l’immigration est aujourd’hui surtout facteur de division. C’est aussi la dernière tendance que je n’évoque pas plus haut mais qui a toute sa place pour qui pense à l’évolution de nos économies à moyen terme. Plus les tensions migratoires s’exacerberont, plus nous aurons la politique économique de notre politique migratoire. Ce sera là mon second vœu : que nous établissions une juste politique migratoire. Ou une politique migratoire juste, c’est selon. Le pape le savait en s’invitant à Marseille : l’immigration est affaire d’humanité, elle est aussi sculptrice du destin commun de deux continents voisins l’un de l’autre qui travailleront de plus en plus l’un avec l’autre. 

Dans le texte de Saint Exupéry que nous avons choisi d’envoyer à nos clients et partenaires à l’occasion du passage à la nouvelle année, il y est dit : « Pour qu’un jour il soit donné à chacun de nous d’être homme, il nous faut bâtir un monde où chacun aura sa place ». Ce sera mon troisième vœu pour 2024. Que nous construisions un monde où chacun ait sa place. A être chacun à notre place, nous serions épanouis au travail, heureux à la maison, joyeux avec notre entourage. A être chacun à notre place, nous serions bien avec les autres et bien avec nous-mêmes.  

Nous serions en paix.  

Je vous souhaite à toutes et à tous une belle, douce et paisible année 2024. 

Martin