Siham Sentissi, le talent de la stratégie

Siham Sentissi est la directrice générale de BlueBirds Maroc. Son objectif aujourd’hui ? Développer l’activité commerciale depuis Casablanca, en accueillant de nouveaux profils de haut vol dans la communauté et en multipliant les missions auprès des entreprises marocaines en plein effervescence.

Soyons clairs, Siham Sentissi n’avait pas très envie que l’on écrive ce portrait. Mais après avoir entendu chanter ses louanges (pendant des années) il était impossible pour votre fidèle rédactrice de ne pas s’intéresser à cette personnalité centrale – que dis-je ? – incontournable de BlueBirds. Bras droit de Martin Videlaine et directrice de l’antenne de Casablanca, Siham Sentissi, 38 ans, opère comme un couteau suisse, pour recruter, manager et débloquer les situations délicates. De la plus touffue à la plus farfelue, en la traitant toujours avec le même sérieux. Mais toujours dans l’ombre, jamais sous le feu des spotlights. Peut-être parce que, comme elle le dit elle-même, son “métier de cœur” reste le conseil en stratégie. Et derrière cette phrase si anodine, on perçoit à la fois le besoin de résoudre des problèmes complexes, l’envie de toujours faire mieux et surtout de se sentir utile. Mais aussi une humilité et une bienveillance qui font du bien. 

Cette envie profonde remonte à l’enfance de Siham. Fille d’une famille de pharmaciens et de médecins, elle s’est longtemps destinée aux professions du soin avant de changer de voie, à la fois lucide sur ses envies, ses ambitions et ses limites. “À l’époque, le Maroc n’avait pas un système de couverture sociale aussi étendu. Même aujourd’hui, l’accès aux soins reste très inégal. Je me voyais mal faire payer des gens aux revenus modestes pour des traitements à la fois basiques et indispensables. Cela aurait été un crève-cœur.” Elle décide donc se lancer dans des classes préparatoires en France, comme une évidence, avec l’objectif d’intégrer une grande école. “J’ai grandi en regardant la télé française. Dans mon entourage, partir étudier en France allait presque de soi. Plus qu’un choix réfléchi, c’était la suite naturelle d’un parcours.”, rappelle-t-elle. En 2007, elle rejoint l’INSA Lyon pour un parcours en ingénierie des télécommunications. Diplômée en 2010, elle rejoint immédiatement les équipes de Talan pour un poste junior dans le conseil : “Mon stage de fin d’études m’avait paru beaucoup trop technique et je me suis tournée vers cette voie, consciente que ce serait la voie qui m’ouvrirait le plus de portes.” 

L’amour des casse-têtes

En parallèle, elle lance sa propre start-up de micro-paiement avec deux associés. Elle n’hésite pas à démissionner pour se consacrer à l’entrepreneuriat mais l’agrément bancaire nécessaire ne permet pas de garantir une rentabilité économique immédiate. Qu’à cela ne tienne ! Siham Sentissi se met à la recherche d’un VIE (Volontariat international en entreprise) pour valoriser son expérience. Altetia la recrute et lui propose carrément d’ouvrir une filiale du cabinet au Maroc en 2013, à tout juste 26 ans. “J’ai sauté sur l’occasion, car c’était pour moi l’occasion de tester le marché marocain.” Elle s’envole donc pour le Maroc et revient un an plus tard pour diriger l’antenne depuis les bureaux parisiens. “Pour moi, cela ne faisait pas sens de ne pas être sur place. D’autant plus qu’au Maroc, tout est basé sur le réseau. Sans cela, il est tout bonnement impossible de développer son activité.” Elle rejoint Sia Partners, toujours dans le conseil. Elle se spécialise rapidement en stratégie opérationnelle DSI et IT. Faire et défaire, tordre la réalité dans tous les sens pour parvenir à l’adapter aux besoins du moment. De vrais casse-tête qu’elle adore. Son évolution dans la société est à l’image de son épanouissement professionnel : Siham Sentissi enchaîne les promotions tous les six mois jusqu’à devenir manager chez Sia Partners.

Siham Sentissi, le retour aux sources

Mais voilà, en 2018, Siham Sentissi et son époux lui aussi franco-marocain réfléchissent à fonder une famille. Ils ont envie d’espace, de soleil et de voir leurs enfants grandir avec leurs proches. À Paris, cela semble impossible. Ils décident alors, en précurseurs de cette génération intellectuelle, formée en Europe, qui décidera de rentrer au pays, de s’installer à Casablanca. Rapidement, Siham Sentissi est recrutée par le groupe Majorel, spécialisée dans les centres d’appel partout en Afrique. “Je me suis sentie bien dans l’entreprise – et ce n’était pas gagné d’avance. Le métier, je ne le connaissais pas ; le secteur, j’en avais beaucoup d’a priori. Et pourtant, j’ai fini par l’aimer. Le seul bémol, c’est que trois semaines sur quatre, j’étais en déplacement à l’étranger. Avant même mon départ en congés maternité, je planifiais mes déplacements pour mon retour. J’ai même continué de voyager jusqu’à 8 mois de grossesse. J’avais bien conscience que ce n’était pas jouable sur le long terme.” Elle commence à parler dans son entourage de son envie de changement professionnel. Et comme souvent au Maroc, le bouche à oreille fait son œuvre (une cousine, une amie et une camarade de promo…). Et en quelques semaines, Siham Sentissi rejoint les équipes de BlueBirds, en juin 2020.

Elle est d’abord recrutée comme Chief of Operations. Et au début, c’est un petit bouleversement pour la jeune femme. Elle qui, en grande amoureuse du conseil, se serait bien vu réaliser telle ou telle mission, doit désormais placer des indépendants et répondre aux exigences de clients toujours pressés, dans un milieu particulièrement concurrentiel. Et petit à petit, elle trouve sa place. “Nous croisons des profils très divers tout le temps. On découvre des métiers, des gens intéressants mais au-delà de ça, c’est aussi une matière très riche humainement. On rentre dans la vie des indépendants. On sait qui a des soucis de garde ou de santé. Ils nous appellent quand ils sont en situation de crise. C’est un lien de confiance privilégié.” Un an après son arrivée à BlueBirds, Siham prend en charge la gestion du bureau de Casablanca, comme Managing Director. Aujourd’hui, elle est même associée à part entière au cabinet. Un job exigeant mais qui lui permet de vivre de manière épanouie avec ses trois petites filles : Nour, Jana et Aya.

par Déborah Coeffier.