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Pénuries et hausses matières : quelles actions court et long-terme pour les Directions Achats ?

Nous avons vu fleurir récemment de nombreux articles sur la pénurie – et donc les augmentations de prix – des composants électroniques. En cause, le déploiement de la 5G, les nouvelles habitudes de télétravail, l’électronique embarquée automobile de plus en plus complexe. L’arrêt des chaînes de production de Stellantis ou Toyota fait les gros titres.

Mais les industriels savent que c’est l’ensemble des matières qui subit depuis novembre dernier, des hausses spectaculaires : métaux, plastiques, carton, alimentaire, sans compter le fret maritime et aérien.

En un an, le CRB (Core Commodity Index), qui regroupe les évolutions de 19 produits (énergie, agricole, métaux précieux et métaux industriels), a bondi de plus de 50%.

Source : https://tradingeconomics.com/commodity/crb

Le prix du conteneur, lui, a presque quadruplé.

Source : https://www.drewry.co.uk/supply-chain-advisors/supply-chain-expertise/world-container-index-assessed-by-drewry

Il s’agit donc d’une pénurie globale, due à une reprise économique plus forte ou plus rapide que prévue, et une difficulté à remettre en route des chaînes d’approvisionnement qui s’étaient adaptées à la récession mondiale due à la crise sanitaire, comme illustré par l’évolution du PIB de la zone Euro et des Etats-Unis.

Source : https://tradingeconomics.com/euro-area/gdp-growth-annual

Remettons tout d’abord ces évolutions dans une perspective plus longue. Il ne s’agit pour l’instant pas, loin de là, des hausses de prix matières de la période 2005-2008 juste avant la fameuse ‘Crise Economique Mondiale’, ni même des hausses de 2011-2012 qui suivirent.

Il n’en reste pas moins que les risques pour les entreprises sont nombreux :

  • non-livraison clients et perte de CA alors que l’activité reprend après une longue hibernation,
  • impact des hausses fournisseurs sur marges et trésorerie, alors l’entreprise doit à nouveau supporter les coûts de main-d’œuvre directe et indirecte,
  • dans le cas d’un appel d’offres client pour une livraison dans plusieurs mois, le dilemme de ne pas obtenir le marché avec un prix trop élevé, ou de prendre un risque impossible à évaluer sur la profitabilité future du projet
  • dans le cas de covenants bancaires, un risque de dégradation rapide et donc de remboursement anticipé alors même que la position de trésorerie se détériore,

Quel est alors le rôle de la Direction Achats ?

A Court Terme

  • Bien entendu, tout d’abord essayer au maximum d’assurer les livraisons client
    • en étant en liaison fréquente avec les fournisseurs, même ceux considérés comme les moins importants – la production peut s’arrêter pour une vis manquante
    • en revoyant les quantités de commande avec la Supply Chain et donc les objectifs de stocks avec la Finance – il faut probablement repousser à plus tard les objectifs de flux tendus
    • si besoin, en dédiant des ressources pour aider les fournisseurs à trouver des sources de matières et composants
    • si possible, en demandant à la Direction Commerciale si les clients peuvent peser de leur poids chez vos fournisseurs – ils ont parfois les mêmes clients
    • en essayant d’évaluer le risque de l’amont et des concurrents lors de l’achat – si vous souhaitez acheter le même acier que Renault-Nissan, ou le même microprocesseur que Dell, vous ne serez pas le premier à être servi
    • S’il n’est pas trop tard, essayez de trouver des fournisseurs alternatifs, en suivant évidemment les procédures de qualité strictement, afin de ne pas fournir un remède pire que le mal
  • Dans le cas où un risque de rupture a été identifié
    • en informant les Directions Générale et Commerciale le plus tôt possible, pour communiquer les éléments précis possibles aux clients, de manière à ce qu’eux-mêmes puissent informer leurs clients
  • Dans le cas où des hausses de prix sont exigées par les fournisseurs avec risque de rupture
    • En essayant de repousser celles-ci, tout en vérifiant la santé financière de ses fournisseurs (ils ont les mêmes problèmes que les vôtres)
    • En enregistrant l’augmentation des demandes et en les reliant au maximum à des index externes, publiés et vérifiables
    • En avertissant immédiatement et précisément le service des affaires générales et le service commercial pour transférer l’augmentation du prix de vente si possible

A Moyen-Long Terme

  • Dès la crise de livraison terminée, en restaurant le plus rapidement possible la profitabilité de l’entreprise
    • transparence des coûts : peut-on évaluer en confiance l’impact des variations de matière, transport, emballage ?
    • suivi des indices : le fournisseur répercute-t-il intégralement les baisses d’indices ?
    • historique des prix : les fournisseurs qui ont demandé des hausses lors de la crise ont-ils répercuté des baisses des années précédentes ?
  • A plus long terme, en réévaluant le risque fournisseurs à l’aune de cette crise
    • que doit-on changer avec les fournisseurs : planification, engagements volumes, niveau de stock, flux d’information ?
    • doit-on changer de fournisseurs ?
    • comment mieux connaître les évolutions de marché, voire les anticiper ?
    • comment connaître et maîtriser les fournisseurs de nos fournisseurs ?

Ces listes n’ont pas la prétention d’être exhaustives, et chaque entreprise doit bien entendu développer sa propre réflexion. Le propos est de montrer le rôle central que les Directions Achats doivent jouer pendant et après cette crise d’approvisionnement, afin de

  • préserver autant que possible, et. restaurer aussitôt que possible la profitabilité de l’entreprise,
  • identifier et réduire proactivement les risques pour anticiper la prochaine crise d’approvisionnement.

Car une seule chose est certaine, elle arrivera un jour.

Ce point de vue a été rédigé par François Roblin, Directeur Achats de groupes industriels internationaux , Ingénieur Matériaux de formation et membre de la communauté BlueBirds. François a travaillé pour des grands groupes ou des portefeuilles de fonds d’investissement, de 250M€ à 25 milliards de CA, et a géré des équipes mondiales jusqu’à 200 personnes.