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Décembre, c’est Diftember !

J’étais invité chez un couple d’amis samedi dernier. Mon épouse et moi avons pris notre plus beau parapluie et bras-dessus bras-dessous, nous nous sommes rendus vers la gare RER la plus proche direction Paris. Il faisait déjà nuit quand nous avons claqué la porte de la maison. Il pleuvait à grosses gouttes et le vent rabattait la pluie sur nos vêtements. Nous sommes arrivés saucés le temps de marcher d’Auber à St Lazare.

En entrant dans l’appartement que je découvrais, Noël avait déjà fait irruption. Des colonnes de lumières multicolores entouraient la cheminée. Le sapin juste à côté attendait ses décorations. Il faisait bon à l’intérieur. La musique de fond aidait à cette atmosphère si particulière de décembre. Pendant que nos manteaux séchaient dans l’entrée, j’ai fait connaissance avec l’aîné de leurs enfants. Il s’était amusé à préparer le dîner. Leur fille de 20 ans, souriante, préparant son avenir comme nous préparons 2026, nous a fait coucou en passant. J’ai instantanément aimé l’ambiance qui régnait. C’était chaleureux. C’était réconfortant. C’était familial en même temps qu’amical.

Une fois assis à tartiner nos tapenades pour l’apéritif, passé le champagne dans les coupes, il nous a fallu 90 secondes environ pour parler de la France.

L’ambiance s’est un peu rafraîchie.

Ambiance ambiance !

Le constat, nous le partagions. Je vous épargne la litanie de nos indicateurs en train de se dégrader. Avec 49,9, l’indice PMI composite devenu ma principale boussole était toujours sous 50 en novembre. La récession du secteur privé débutée en septembre 2024 se poursuit. L’OAT à 10 ans bouge peu ou pas, c’est déjà cela et c’est même très bien ! Comme quatre ingénieurs étaient en train de se parler et qu’ils ont souvent l’habitude de regarder le monde sous le prisme problème-solution, nous avons exploré le champ des possibles.

Comment freiner l’afflux massifs de fonds d’assurance-vie en train de se réfugier au Luxembourg au point que les banques luxembourgeoises soient débordées ? Comment convaincre nos dirigeants de ne pas déménager en Italie ? Comment nous convaincre de ne pas protéger notre épargne face à des sénateurs ayant eu la nouvelle idée de contraindre les grandes fortunes de prêter à l’Etat à taux zéro ? Je ne suis pas concerné compte-tenu des seuils de richesse évoqués. Mais ces seuils, s’ils naissaient un jour, toucheraient immanquablement une partie croissante de la population.

Certains d’entre vous m’opposeront qu’aucune des créativités parlementaires de ces dernières semaines n’a pour l’instant vu le jour. Vous avez raison. Mais à force d’essayer, je crains que nos gouvernants n’obtiennent un jour gain de cause. Je n’attendrai pas ce jour. J’ai appelé ma banque la semaine dernière. J’ai travaillé toute ma vie pour constituer une épargne modeste. L’Etat n’y touchera qu’avec mon consentement.

Le communisme économique

Comment faire en sorte que notre Parlement cesse ses délires dignes d’un soviétisme qu’ils ont visiblement déjà oublié ? Je croyais que le communisme économique était resté dans l’esprit de quelques rares utopistes n’ayant pas vu le désastre qu’il avait apporté avec lui. Je m’étais trompé.

Ce communisme est aujourd’hui plus puissant qu’il ne l’a été depuis des décennies en France. C’est ce que révèlent ces dernières semaines avant toute chose.

Nos grands-parents ont craint les missiles de Kroutchev. Ils ont fui comme mon grand-père les chars de Brejnev envahissant la Tchécoslovaquie. Nos parents ont salué le glasnost sous Gorbatchev. Nous devrons expliquer à nos enfants que les kolkhozes ont ruiné l’URSS.

Nous devrons faire comprendre à nos parlementaires que le capital, même le plus lent et le plus attaché à nos territoires comme le capital familial, finit par partir à force d’être honni. Ou il disparaît un jour faute de rentabilité. C’est ce que tente de nous rappeler Renaud Dutreil, ancien Secrétaire d’Etat au Commerce, dans l’épisode de la semaine d’Histoires d’Entreprises.

Nous devrons expliquer à nos équipes, à nos voisins, à nos amis, à notre famille que notre pays ne s’enrichira pas d’une collectivisation comme celle votée dans l’acier ce mois-ci. Il s’appauvrira un peu plus qu’il ne s’appauvrit déjà. Changer le capital d’une société ne change pas son environnement concurrentiel. ArcelorMittal souffre d’une concurrence déloyale. Cela fait 10 ans que le Groupe demande des mesures de protections contre cette concurrence venue d’abord de Chine. Ce sont les règles du jeu concurrentiel d’ArcelorMittal qu’il faut revoir de fond en comble, pas son capital. La nationalisation d’ArcelorMittal ne changera rien aux difficultés de tout un secteur que BlueBirds connaît bien. Au contraire, une telle manœuvre affaiblirait le Groupe et avec elle tous ses clients et les clients de ses clients, c’est-à-dire nous tous. L’acier est partout.

Nous devrons expliquer à nos élus les règles de base de la compétition entre entreprises dans un monde ouvert malgré tout. Ils ne les comprennent pas, ils ne les comprennent plus. Il suffit de les écouter interroger Frédéric Merlin Président de la Société des Grands Magasins à l’origine d’un partenariat entre le BHV et Shein pour s’en convaincre.

Shein

Shein fait désormais face à une plainte comme notre commerce n’en a jamais connu. 25 millions de consommateurs en France sont concernés. Rien que pour cela, le procès mérite d’être suivi de près. Mais plus largement, Shein et sa percée en France révèlent tant de notre temps et de notre pays.

J’ai pris la mesure du sujet en rencontrant Yann Rivoallan, Président de la Fédération Française du Prêt à Porter Féminin pour un épisode à venir d’Histoires d’Entreprises. Je peux vous paraître parfois trop engagé. Lui est remonté comme un coucou. Il est avec 12 fédérations et 63 entreprises à l’origine de la plainte déposée contre Shein. Le CA de Shein en France n’est pas officiel. Il est évalué entre 5Md€ et 10Md€. Pardon pour l’imprécision, mais c’est tout de même bien plus que la première enseigne spécialisée de magasins de textile neuf en France qu’est Kiabi. Kiabi Europe indiquait un CA de 1,3Md€ en 2024.

Shein a grandi en France pour plusieurs raisons. La première d’entre elles est le prix. Si tant de Français achètent Shein, c’est que la plateforme répond d’abord à leurs difficultés de pouvoir d’achat. Ils nous le rappellent à chaque sondage. La croissance du pouvoir d’achat et donc la croissance tout court devient la mère de nos batailles économiques et sociales. C’est ce que nous enseigne Shein entre autres.

Je n’ai pas pris le temps de vérifier les preuves apportées par l’accusation et peu importe ici. La justice passera. Espérons qu’elle passera vite. Si certains d’entre vous pouvaient l’aider à s’équiper d’IA qui dépileraient le dossier remis par Yann et les co-dépositaires de la plainte, nous y gagnerions tous. La justice de notre pays n’a pas encore pris ce virage. Bien faire en 2025, c’est le minimum. Bien faire et vite aidé d’un robot devient la norme.

La visite impromptue de cinq Ministres aux douanes de Roissy il y a quelques jours pour inspecter les colis venus de Chine dit beaucoup aussi de notre impuissance politique. Les soupçons de non-conformité de certains produits – par ailleurs déjà avérés et jugés – auraient dû vraisemblablement conduire à la diminution ou à l’arrêt temporaire voire définitif des activités de Shein. On interdit la construction d’une usine pour une grenouille ou un oiseau. On laisse faire Shein dont on peut dire sans prendre trop de risque que son impact environnemental et social est un peu plus grand qu’un croâ batracien d’une marre dans la Creuse ou qu’un battement d’aile dans les Alpes.

On laisse faire Shein qui joue de notre législation inadaptée. Peut-être que la plateforme est dans son bon droit malgré les écarts abjects qu’elle a pu commettre, là encore n’est pas mon propos au risque de me répéter. Cela a été dit et redit, mais il faut le redire : nous ne pouvons plus permettre l’importation de produits qui ne respectent pas la législation de production en vigueur sur notre sol. Avec 70Md€ en 2024 d’exportations vers la France peu ou pas contrôlées, la Chine organise avec notre blanc-seing notre agonie industrielle et sociale. Il faut y mettre fin. Maintenant que les usines ont quitté nos campagnes, que restera-t-il du pays quand les commerces de ville auront disparu ? Le 6 novembre dernier, Nicolas Dufourcq DG de la BPI écrivait dans les Echos un article prémonitoire sur le sujet.

Shein pose la question du commerce que nous désirons, ni plus ni moins. Nous pouvons favoriser l’import de produits à bas prix comme c’est le cas depuis que la Chine a rejoint l’OMC en 2001. Nous pouvons aussi favoriser l’épanouissement de commerces en centre-ville comme à Paris, Angers ou dans un village que j’aime bien dans les Landes, le Frêche. Nous pouvons surtout chercher un équilibre. Je n’ai pas entendu beaucoup de questions en ce sens pendant l’audition de M. Merlin. Lui, le BHV et Shein sont les bouc-émissaires d’un manque flagrant de réflexion et de vision de notre part. Quel commerce pour la France et l’Europe en 2040 ? La réponse n’est pas dans cet édito. Nous l’attendons peut-être à tort d’un pouvoir public national qui subit plus qu’il n’influence la mise en œuvre d’une feuille de route européenne essentiellement tournée vers le consommateur, peu vers le producteur ou le citoyen.

Le modèle économique de Shein, on l’a dit et redit aussi, soulève les cœurs au point que 83 députés s’en sont émus dans la Tribune Dimanche. Certes, mais tout n’est pas à jeter chez Shein. La capacité à créer des nouveautés à un rythme qu’aucun concurrent ne peut suivre, à flécher les demandes de modèles vers une réseau de milliers de fabricants, à envoyer la marchandise en quelques clics, à utiliser l’IA sur tous les maillons de chaîne de valeur, à répondre à la demande la plus chirurgicale des consommateurs, tout cela doit aussi nous interpeler. Le retail des années 2000 n’avait déjà rien à voir avec celui des commandes de nos mères sur le catalogue de la Redoute ou des 3 Suisses. Shein réinvente le retail textile, et pas seulement pour le pire. Tout acteur novateur dans le textile doit aujourd’hui se demander ce qu’il rejette de Shein – cela ne devrait pas être trop difficile – mais aussi ce que cela lui inspire.

Plus largement, Shein et ArcelorMittal avec elle posent la question de ce qui peut demain être importé et de ce qui doit être produit, même partiellement, sur le sol européen ou national. Pas seulement dans le textile ou l’acier : dans la chimie, l’automobile, la tech, les services, l’agro-alimentaire. Nous importons de tout, il faut se poser la question partout. Y répondre est source d’immenses opportunités de création de richesse.

Joyeux Noël !

L’UE, doucement, prend conscience de cette opportunité. Son budget militaire fait place à une forme de Made in Europe. Les résultats peuvent parfois surprendre voire faire bondir, mais ils ont le mérite d’exister. La tech aussi s’y met, aidée de Mistral, SAP, de la France et de l’Allemagne.

En France, à part dire « nous devons nous industrialiser, nous devons assurer notre souveraineté », je n’observe aucune réflexion structurée en cours, ni au Gouvernement, ni au Parlement.

Ah si, il y a bien eu une commission dirigée par M. Rodwell. Elle a duré une centaine d’heures au cours de 54 auditions. Son rapporteur était heureux de nous partager une suite de recommandations pour réindustrialiser le pays. Il avait visiblement fait de nombreuses découvertes. Son rapport est intéressant même si ce n’est qu’un rapport. Vous le trouverez ici. Il est un peu long aussi : 537 pages. Il débute par les mots de Paul Valéry : « La meilleure façon de réaliser ses rêves est de se réveiller ». 

C’est Noël dans quelques semaines et j’ai envie de terminer ces lignes comme elles ont commencé : au coin du feu, entouré de la chaleur d’amis et d’une famille. Que puis-je vous souhaiter au pied du sapin ?

Un livre. Lisez Paul Valéry !

Un don à l’association de votre cœur. A l’initiative de Dift, je vous invite à participer au Diftember en créant votre propre cagnotte à destination de l’association que vous aurez vous-même choisie ou bien à contribuer à celle que j’ai créée pour l’occasion : Wild !

Joyeux Noël !

Martin