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Notre monde devenu si imprévisible a tenu ses promesses en juin.
Nouveau mois, nouvelle guerre. Elle aura duré 12 jours nous dit-on. Vous connaissez mon attachement au temps long. Ces 12 jours si particuliers sont la continuation d’un risque qui émergea en 1979. Il aura fallu 46 ans et quelques poussières pour en arriver où nous en sommes. L’histoire nucléaire militaire de l’Iran s’arrêtera-t-elle avec un coup de marteau américain ? On peut en douter. Il faut être Président des Etats-Unis pour regarder les caméras du monde entier et annoncer sans ciller que les installations iraniennes ont été éliminées. Qui sait vraiment ? Mais surtout, ces frappes ont-elles mis fin à la volonté iranienne de s’équiper de l’arme ultime ? On peut en douter également. Un cycle d’un demi-siècle s’achève. Un nouveau débute.
Je me suis intéressé de près à la révolution islamique iranienne pour la première fois en écrivant Réindustrialiser il y a un peu plus d’un an. J’avais découvert qu’à cette occasion le prix de baril avait changé de dimension. La guerre du Kippour en 1973 et la prise du pouvoir de l’ayatollah Khomeini multiplièrent à elles deux les prix du baril par 10. Il passa alors de 3$ à 30$. Ces deux événements marquèrent le début de notre désindustrialisation. Avec l’explosion des coûts énergétiques, les entreprises françaises perdirent soudainement en compétitivité et commencèrent à péricliter. Le chômage de masse naquit. Nos finances publiques entrèrent dans le rouge pour ne plus jamais en sortir. Vous connaissez la suite de cette histoire que j’ai déjà trop racontée dans ces lignes.
Etrange comment l’actualité de ces dernières semaines rappelle celle des années 70. Le Moyen-Orient fait la une du monde tous les jours, l’état catastrophique de nos finances publiques préoccupe tout le monde hormis peut-être quelques-uns réunis en conclave ou d’autres à la Haye, notre désindustrialisation a repris son cours et le chômage repart à la hausse (source : INSEE). Symbole de cette désindustrialisation, l’automobile. Elle disparaît sous nos yeux sans que nous ne fassions rien de structurant. C’est une des lectures que je fais du départ de Luca de Meo à la tête de Renault. « Les dés de toute l’industrie européenne sont jetés. J’ai par ailleurs fait le job chez Renault et l’offre de Kering est alléchante. A quoi bon continuer ? » a-t-il certainement pensé. Pas surprenant en revanche d’observer les yeux des marchés rivés sur le prix du baril. Il a peu varié malgré les risques de fermeture du Détroit d’Ormuz que le Parlement iranien avait pourtant voté. Le baril de brent est aujourd’hui de 67$, proche de son minimum des trois dernières années.
Le sang de l’économie
Ces derniers événements nous rappellent encore à quel point l’énergie est le sang de l’économie. Nous l’aimerions décarbonée cette énergie, mais on ne se sèvre pas d’une drogue dure avec un coup de baguette magique. J’ai regardé notre Parlement s’écharper sur la proposition de loi portant programmation nationale pour l’énergie et le climat pour les années 2025 à 2035 en me réjouissant au moins d’un point. Tous nos députés ont compris l’importance du sujet. Je sais, il n’y a pas de quoi trop se réjouir vue l’ambiance du Palais Bourbon et le sur-place que nous faisons depuis un an. Mais rappelez-vous. Le mot nucléaire était tabou il y a encore peu. Il revient en force, il était temps.
Sans entrer dans trop de détails techniques sur ce sujet pourtant passionnant, je me suis fait trois remarques.
L’énergie électrique est devenue politique et c’est bien regrettable. Elle était autrefois réservée à des ingénieurs assez géniaux et à quelques décideurs publics et privés qui maîtrisaient leur sujet. Aujourd’hui, on confond puissance et énergie, on enlève des TWh chez les uns (EnR) ou en rajoute chez les autres (nucléaire) la nuit entre deux votes. Si ces investissements se mesuraient en milliers d’euros, on en sourirait. Or ils se mesurent en dizaines de milliards d’un argent public qui n’existe plus. L’énergie définit un pays, demandez au Portugal et à l’Espagne ce qu’ils en pensent. Nous avons maintenant quelques explications au black-out qu’ils ont subi.
Je regrette par ailleurs l’opposition désormais systématique entre EnR et nucléaire. Les deux sont pourtant décarbonées. La plupart des technologies ont leur place dans notre mix. La question n’est pas de savoir s’il faut l’un ou l’autre. Il faut les deux. La question est « dans quelles proportions ? » Rappelons-nous en avant de prendre fait et cause pour le RN ou Europe Ecologie les Verts dans ce domaine. Pauvre Fessenheim qui n’avait rien demandé. Comme nos grand-mères, elle nous rendait un fier service. Nous lui avons demandé de se taire à jamais sans motif. Et voilà maintenant qu’il faudrait la faire sortir du tombeau dans lequel nous l’avons jetée. Les mots me manquent.
Et puis enfin, il faut revoir le mode de scrutin de la PPE et d’autres lois programmatiques comparables. Elles mériteraient d’être largement exposées au grand public. Elles mériteraient surtout d’être évaluées. Qu’aurions-nous gagné, qu’aurions-nous perdu à ce que la loi soit votée ou comme cela a été le cas, qu’elle ne le soit pas ? Je parle ici d’emplois et d’investissements publics ou privés, d’activité pour les grands groupes comme EDF, ENGIE ou ORANO et leurs sous-traitants ETI et PME. Je parle d’autonomie de production, de dépendance en approvisionnements divers et variés (ex : uranium enrichi, métaux de base, métaux rares), d’avantage technologique, de balance commerciale, d’émissions de CO2, d’emprise foncière, de nuisances diverses, etc. Enfin, je parle de prix de l’électron pour les consommateurs, les grands comme les petits dont vous et moi faisons partie. Soyons honnêtes, nous ne savons pas.
Nous gagnerions à éclairer notre propre route dans le brouillard épais que devient le monde. Toute entreprise pèse et soupèse ses décisions stratégiques. Notre Parlement serait avisé de s’en inspirer.
J’entends autour de moi beaucoup de dirigeants sincèrement anxieux, un peu usés, attendant les vacances tout en se demandant à quelle sauce ils seront mangés en septembre. Rien de très surprenant. En juin, l’activité du secteur privé français a continué de se contracter, avec un indice PMI composite à 48,5, en dessous du seuil de croissance de 50. Le secteur privé est en récession en France. Si vous faites partie de ceux qu’une telle situation affecte, voici quelques remèdes à vos maux de têtes. Rien de très ambitieux, mais si cette lettre peut vous aider à vraiment débrancher cet été, elle aura été un peu utile.
L’Heure des Prédateurs
Tout d’abord le pire n’est jamais certain. Il y a objectivement matière à espérer. J’observe beaucoup de voix commencer à porter pour que le pays se redresse et nos entreprises avec lui. Le nouveau Président de la CPME Amir Reza-Tighi fait par exemple un travail remarquable. Mais surtout, les chefs d’entreprise ont l’obligation d’afficher leur sourire. Souriez. Sourire ne coûte rien et n’affectera pas votre P&L. Je vous garantis en revanche qu’il boostera vos équipes et affectera positivement l’entreprise dont vous avez la charge.
Exportez toujours davantage. Le salut de nos PME et nos ETI est dans la vente à l’international. Les grands groupes le savent mieux que quiconque malgré la géopolitique contemporaine et ses empêchements.
Innovez et innovez vite. Notre siècle est entre autres celui du basculement dans l’IA. Les opportunités sont partout. (Les risques aussi, je sais, mais j’arrive à la fin de ces lignes, il s’agit d’être optimiste). Ma dernière découverte en la matière est sakana ai qui nous informe avoir créé une nouvelle méthode d’apprentissage des modèles LLM. C’est ici.
Si la dimension technologique de l’IA vous intéresse moins que sa dimension anthropologique, filez lire le livre que j’évoque ci-après. Cela vous permettra d’être cette petite souris invisible s’invitant à une réunion à Montréal en présence de Justin Trudeau à l’époque 1er Ministre du Canada, Geoffrey Hinton, Prix Nobel de Physique 2024 et ex Google, Yoshua Bengio, Prix Turing 2018, ponte de l’IA et pionnier de l’apprentissage profond et enfin Yann le Cunn qui dirige le laboratoire d’IA de Meta (Facebook, Insta, Whatsapp, etc). Cette même souris écoutera Kissinger discuter avec Sam Altman, CEO d’Open AI. Peut-être ressortirez-vous de cette lecture un peu plus conscient comme moi du futur qui advient. Cet edito est aussi l’occasion de vous faire la promotion de BlueBirds. Venez frapper à notre porte, je suis chaque jour un peu plus surpris des compétences en la matière de certains des membres de notre plateforme.
Je finirai cette lettre donc par quelques lignes de Guiliano Da Empoli dans L’Heure des Prédateurs. Son livre fait moins référence aux années 70 comme je viens de le faire qu’à l’Italie du XVème siècle. A cette époque, les Borgia dirigent Florence comme d’autres aujourd’hui dirigent les Etats-Unis, la Russie ou l’Arabie Saoudite. C’est sa thèse.
« Ce qui intéresse le Florentin, c’est de comprendre comment le pouvoir s’affirme au milieu du chaos, quand tout le monde se bat contre tout le monde et que la force redevient la seule règle du jeu […] Les leçons que les Borgia de tous les temps peuvent en tirer sont fort nombreuses, mais l’une d’entre elle se démarque de toutes les autres : la première loi du comportement stratégique est l’action. En situation d’incertitude, lorsque la légitimité du pouvoir est précaire et peut être remise en cause à tout moment, celui qui n’agit pas peut être sûr que les changements auront lieu à son désavantage ».
Ne soyons pas les Borgia des temps modernes, il y en a déjà bien assez. Mais agissons.
Martin