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Fou fou fou

Mais que retenir encore de ce mois fou fou fou ?!

Tout a été dit me semble-t-il sur l’ambiance politique actuelle sauf peut-être ou pas assez que nous avons les politiques que nous choisissons. Les premiers responsables à la cacophonie ambiante, ce sont ceux qui font vivre la démocratie, c’est nous !

C’est Nicolas Baverez invité par Anne-Emmanuelle Isaac le 22 octobre qui a eu les meilleurs mots me semble-t-il sur le projet de budget. « Toutes les discussions se passent comme s’il n’y avait aucun problème financier. Le seul consensus qui se dégage c’est plus de dépenses publiques, plus d’impôts, plus de déficits et plus de dette. C’est un déni de réalité ». Je crains moins le budget s’annonçant comme le plus hystérique depuis que j’observe notre pays que le retour de la réalité évoqué par l’économiste.

Ce retour de la réalité semble advenir plus vite que prévu. Standards & Poor’s a accéléré son calendrier pour dégrader la note de la dette publique française à A+ en réponse à l’annonce par le Gouvernement de la suspension de la réforme des retraites. La France emprunte désormais à des taux supérieurs à la Grèce. J’aurai 64 ans en 2040 avais-je écrit en janvier 2023 au moment du débat sur le report de l’âge de départ à la retraite. J’ai pris quelques rides depuis mais le texte, lui, non. Il est ici.

La dette publique de la France est sociale nous dit Nicolas Dufourcq dans son dernier ouvrage. Je l’interviewe dans un épisode du podcast enregistré demain. Nous nous prévalons d’être justes et de rechercher chaque jour l’égalité. Nous sommes surtout prompts à envoyer la facture de notre niveau de vie à nos enfants. Le PDG de la BPI le dit avec ses mots : notre dette est un crédit à la consommation. Il y a là un égoïsme générationnel qui me fait honte. Non seulement nous vivons au-dessus de nos moyens, mais nous exigeons aussi de nos filles et de nos garçons de régler l’addition. Ils sont en train de jouer aux billes ou de danser en soirée étudiante. Comment pourraient-ils s’opposer à notre volonté ? Tout cela cessera que nous le voulions ou non. 2025 est la première année dans l’histoire de notre pays où le nombre de décès naturels excède le nombre de naissances. Les mathématiques nous rattraperont tôt ou tard.

46,8

Jamais nous n’avons autant demandé aux entreprises françaises devenues les plus taxées de l’OCDE et à qui l’on demandera davantage encore en 2026 si le budget est voté. Elles sont aussi devenues les moins rentables de toute l’Union Européenne. Il y a évidemment cause à effet même si la fiscalité n’est pas la seule explication à la piètre performance de nos sociétés. Tout concourt à leur étouffement.

C’est sans surprise que les défaillances d’entreprises dépassent désormais le niveau d’avant COVID avec environ 68 000 concernées. Ces cas malheureux sont la partie émergée de l’iceberg de nos difficultés économiques. Avec 46,8, l’indice PMI composite de la France indique la continuation de la contraction de notre activité privée pour le 14ème mois consécutif. La typologie des demandes entrantes chez BlueBirds a brusquement changé en quelques semaines. Nos clients viennent nous interroger pour renforcer leur P&L par la bottom-line, optimiser leurs achats, renforcer leurs démarches lean, optimiser leurs CAPEX ou leur BFR. Nous avons rencontré plusieurs cas de RJ.

Nous aimerions bien être aidés de nos députés mais ils semblent au contraire s’efforcer à empirer la situation. Il ne faut pas leur en vouloir, ils ne connaissent pas le monde de l’entreprise. 37% d’entre eux seulement ont exercé en entreprise privée dans les 5 dernières années (source : HATVP). Ceci explique peut-être cela. Ce chiffre se détériorera avec les règles qu’imposent la HATVP. Quel privé se lancerait en politique sans possibilité de retourner à ses anciennes activités avant 3 ans après son départ de la vie publique ? Il faut changer ces règles sinon nous aurons de plus en plus d’élus déconnectés du réel. Et en la matière, ils atteignent maintenant des sommets.

Dans la montagne d’irresponsabilités en discussion en ce moment à l’Assemblée Nationale figure entre autres la taxe Zucman revisitée. Le Gouvernement voudrait fragiliser le peu qui reste de nos ETI industrielles qu’il ne s’y prendrait pas autrement. Nous en parlons dans un autre épisode à venir d’Histoires d’Entreprises avec Renaud Dutreil, ancien Ministre à l’origine de la loi éponyme. A quoi sert-il de nommer un nouveau Ministre de l’Industrie connaissant les sujets d’industrialisation si nos députés scient la branche sur laquelle il n’a même pas eu le temps de monter ?

Chers lecteurs, je vous le dis le plus calmement du monde : nous marchons sur la tête.

Pendant que nous discutons à l’Assemblée Nationale, la Chine, elle, accélère. Le combo innovation et IA, robotisation à marche forcée de ses capacités industrielles, dumping et ventes à l’export, et enfin fermeture de ses propres marchés est un tsunami à toute l’économie européenne. Les exportations chinoises vers la France et l’Allemagne ont respectivement crû de 24% et 22% entre mai 2024 et mai 2025.

Le chancelier Merz freine désormais ouvertement sur la date de terminaison de la vente de véhicules thermiques en Europe pour protéger son industrie de l’invasion chinoise.

En France, Luc Chatel qui dirige la Plateforme Automobile (PFA) se plaint lui de l’absence du soutien de notre Gouvernement. Que l’Allemagne se désaligne des positions françaises n’est pas nouveau et a plutôt tendance à s’accélérer en ce moment. Il suffit d’observer la bataille à la gouvernance du SCAF pour s’en convaincre. L’Allemagne est en train de se créer une armée et fera tout pour prendre le leadership européen. Mais que le Gouvernement français veuille continuer d’enterrer le première industrie française laisse songeur. N’interprétez pas mal mes propos, il y a un avenir au véhicule électrique en Europe. C’est raconté de manière plutôt drôle et juste par Alexandre Astier producteur et acteur de Kamelott. Mais à moins de vouloir des véhicules exclusivement américains ou chinois sur le marché européen et créer quelques centaines de milliers de nouveaux chômeurs en plus de casser un moteur essentiel aux ressources de la Nation, il nous faut modifier la politique automobile européenne. En un mot, elle est trop abrupte : 3500 entreprises du secteur en France sont maintenant en danger. Il faut les protéger et leur donner les conditions de leur transformation. C’est tout à fait à portée de main.

L’Europe peut encore contribuer à de superbes projets industriels. Regardez le rapprochement en cours de Thales, Airbus et Leonardo dans le spatial. Vous cherchez une bonne nouvelle en ce moment ? En voici une !

Shein et la SGM

Nous pourrions nous rassurer d’un commerce se portant bien. La consommation des ménages malheureusement chute. Elle a été de l’ordre de -0,2% sur le premier semestre 2025. Inquiets, les Français épargnent. Leur taux d’épargne s’est envolé à près de 19% de leurs revenus disponibles. C’est 4 points de plus qu’avant la pandémie.

La décroissance de la consommation ne masque pas le succès d’un nouveau commerce low cost incarné par Shein, Temu ou encore TikTok. Ces sites mettent à mal les enseignes milieu de gamme que nous connaissons depuis toujours. Jennifer a été mis en liquidation judiciaire en avril dernier, Esprit en 2024. Ce fut le cas pour Kookai en 2023. Naf Naf, IKKS, Comptoir des Cotonniers et Princesse Tam Tam sont actuellement en RJ. Shein, dont le CA en France est estimé à 3Md€, a pris pied au BHV et aux Galeries Lafayettes via la SGM. Evidemment, cela déplaît à la majorité d’entre nous, à la Banque des Territoires qui a rompu ses négociations avec SGM, à Disneyland Paris qui a annulé son projet de partenariat avec le BHV pour Noël et à d’autres encore. Une douzaine d’enseignes ont quitté le magasin historique du Marais en réaction à la décision de la SGM. Je vous épargne la colère de Yann Rivoallan Président de la Fédération du Prêt à Porter Féminin que j’interviewe dans un podcast à venir. Mais passées les réactions des uns et des autres, reconnaissons qu’il y a dans le développement de Shein beaucoup de nos contradictions et au moins une question encore en suspens.

Tout d’abord, Shein joue sa carte en même temps qu’elle se joue de nos règles. A nous de changer les règles si nous jugeons ces acteurs inhospitaliers et/ou mettons nos règles en application. Yann s’y emploie à Paris et à Bruxelles. Aidons-le pendant qu’il est encore temps.

Si Shein avec Temu et d’autres grandissent, c’est aussi que nous sommes leurs clients. A vrai dire, peu d’entre vous qui me lisent le sont, mais j’observe comme vous de nombreux Français compter leurs centimes dès le début du mois. Il suffit de prendre le RER tous les jours. Eux se préoccupent moins des conséquences industrielles, sociales ou environnementales de leurs achats. Ils se demandent s’ils arriveront au bout du mois. Beaucoup d’entre nous feraient vraisemblablement la même chose si nous étions à leur place.

Le Traité sur le Fonctionnement de l’UE (TFUE) empêche la France de décider seule en matière de commerce mais elle peut agir de manière autonome en invoquant le respect des normes européennes, la protection des consommateurs ou encore sa législation environnementale. Le Gouvernement dispose de nombreux leviers pour agir dès maintenant, mais comment vous dire… Ces dossiers se traitent dans le temps long et nous changeons de Ministre comme de chemise.

La croissance de Shein en France pose enfin une question essentielle que je n’entends pas assez à l’Assemblée en ce moment-même. Comme redonner du pouvoir d’achat aux Français ? Vous connaissez ma réponse usuelle : il faut produire et créer les conditions de cette production. Mais ne soyons pas naïfs. Shein apporte un élément de réponse aux plus démunis d’entre nous. Même si cette réponse creuse notre tombe économique et sociale à moyen terme en plus de jeter un voile pudique sur des conditions de production à l’autre bout de la Terre inacceptables chez nous, elle n’en est pas moins une réponse pour le tiers des Français n’ayant plus que 100€ sur leur compte en banque le 10 du mois. C’est cette équation qu’il nous faut résoudre.

Les Aciéries de Bonpertuis

Loin du textile, c’est l’acier qui montre la voie. L’UE vient d’ériger de nouvelles barrières douanières à l’acier non européen. Plus précisément, l’UE a abaissé ses quotas d’importations et élevé à 50% les taxes douanières sur une série de produits sidérurgiques. Le texte doit encore être voté et il ne sera pas mis en application avant juin 2026. Je fais la grimace en observant notre monde se replier sur lui-même mais il faut se réjouir de mesures adaptées à sa nouvelle géopolitique. L’UE bouge. Enfin.

Aucun continent ne peut vivre sans acier et c’était le risque que nous prenions à continuer sur la trajectoire passée.

Ce risque n’est pas encore totalement écarté quand j’observe l’état de la métallurgie en France. Le tribunal de commerce de Lyon a prononcé ce 23 octobre la liquidation judiciaire des Aciéries de Bonpertuis. Une centaine d’emplois seront perdus et 600 ans de savoir-faire avec. Je ne sais pas si les plus anciennes forges d’Europe disparaissent à cause d’une faute de gestion mais je sais une chose. Cette nouvelle fermeture n’est pas seulement un drame pour les familles concernées. Elle l’est pour l’Isère et pour notre pays. Peut-être même pour notre continent. Chaque site en difficulté, chaque usine qui ferme nous affaiblit au moment même où nous cherchons des forces sur notre propre sol. Il faut des forges pour construire des armes. Ce n’est pas le chef d’état-major des armées venant de demander à nos militaires de se préparer à un choc violent avec la Russie qui me contredira.

Nous n’aimons pas le repli du monde mais c’est ainsi. Il nous faut nous y adapter. Les nouvelles restrictions de ventes de terres rares par la Chine en plus de celles déjà décidées en février dernier, le yo-yo des taxes douanières américaines se terminant toujours par une hausse nous rappellent que nous devons nous autonomiser dans de nombreux secteurs essentiels. Notre dépendance à l’égard de la Chine par exemple dans les métaux est devenue intenable. Et j’ose à peine vous rappeler celle dans la tech à l’égard des US. La bulle de l’IA outre Atlantique n’enlève rien aux capabilities qui s’y trouvent et qui grandissent à vue d’œil.

J’aimerais vous dire que ces sujets au centre des préoccupations de nos entreprises et de nos concitoyens sont discutés à l’Assemblée Nationale. Ils ne le sont pas ou peu. Rien ne semble pouvoir arrêter l’aveuglement de nos élus et du Gouvernement jusqu’à la prochaine échéance présidentielle. Leur absence élève un peu plus chaque jour nos attentes.

Soyons patients, 2027 approche vite maintenant. Ne nous décourageons pas, gardons espoir ! Le CAC40 atteint de nouveaux sommets, c’est bien que l’avenir paraît enthousiasmant, au moins pour les grandes entreprises et les investisseurs, et donc un peu pour nous !

Martin