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Edito Mai 2020 : Après la sidération

Après la sidération

Cela fait maintenant un peu plus de 7 semaines que nous sommes tous confinés chez nous, un peu plus de 7 semaines que nous nous demandons comment nous pourrons retrouver le chemin du travail ou de l’école et 7 semaines que nous réorganisons nos équipes et nos foyers. 

Microsoft Teams et consorts ont fait des émules, nous redécouvrons ou découvrons ce qu’une réunion efficace signifie, certains projets de digitalisation ne sont jamais allés aussi vite. De nouvelles personnalités de l’humour sont en train d’émerger. Osons le dire, il y a eu une forme d’énergie bienfaitrice nouvelle dans le confinement.

Nous sommes encore dans cette phase de sidération dans laquelle une grande majorité des Français n’a pas réellement eu à éprouver la catastrophe économique et sociale que nous vivons. Un salarié sur deux est maintenant au chômage partiel, mais peu ont perdu leur travail : le nombre de demandeurs d’emploi de catégorie A s’est accru de « seulement » 246 000 en France sur le mois de mars (source : Dares, 27 avril). Les travailleurs de l’informel, les intérimaires, les indépendants et les CDD ont été les premiers à ressentir dans leur quotidien la crise qui grandit. Mais pour la grande majorité des Français, la douleur économique et sociale est à venir. Les Américains n’en diraient pas autant : 26, 4 millions d’Américains se sont inscrits au chômage en 5 semaines. Eux sont entrés dans la phase post sidération.

Si les foyers ont été relativement épargnés pour l’instant, c’est que le gouvernement français a choisi d’envoyer la facture aux futures générations. De 15% du PIB en 1974, la dette publique passera de 100% en février 2020 à 112% à la fin de l’année selon les dernières estimations du Ministère des Finances français. Ce taux sera amené encore à se dégrader le temps que nous nous remettions de ce qui est en train d’arriver. Cela prendra plusieurs années. La France et d’autres pays avec elle ressortiront très appauvris de la période qui débute. Les premiers signes de détresse alimentaire de certaines populations ne nous contrediront pas.

Evidemment conscient de cela, le gouvernement cherche une ligne de crête dans sa stratégie annoncée le 28 avril dernier. Trop confinée, l’économie du pays ne s’en remettrait pas et n’arriverait plus à couvrir les besoins élémentaires de sa population. Pas assez, et les hôpitaux seraient de nouveau saturés et nous verrions la courbe des décès reprendre une forme plus sombre qu’elle ne l’est déjà. 

La stratégie du déconfinement ne se substitue pas à une stratégie économique de relance pour limiter les faillites qui s’apprêtent à advenir. Tous les Etats concernés par la pandémie y travaillent. Jean Peyrelevade dans les Echos le 30 avril rappelle que c’est l’accès au capital qui va le plus manquer aux entreprises dans les prochains mois. Le financement par la dette ne suffira pas. 

De fait, vous regardez désormais avec nous et les membres de la communauté spécialisés en finances vos fonds propres et la trésorerie en vous demandant comment faire redémarrer l’activité sans mettre en danger vos collaborateurs. Jamais nous n’avons effectué autant de stress tests et construit autant de scenarii d’atterrissage. Avec comme scenario de référence une reprise douce et erratique, structurée par les stop & go de l’offre et de la demande et les effets de congestion de vos supply chain amont et aval. Charles Sadone, Client Partner chez nous, évoque le sujet ici. Et comme scenario du pire une nouvelle vague de malades et un deuxième confinement généralisé si ni vaccin ni traitement n’était trouvé d’ici là. Il n’est pas besoin d’être un économiste chevronné pour comprendre que de nombreuses économies ne se relèveraient pas d’un tel scénario.

Passée la phase de sidération et celle des incertitudes liées au déconfinement, il faudra réinventer le monde de demain. Les pessimistes nous expliquent déjà que tout redeviendra comme avant, le chômage, les masques et les tests sérologiques en plus. Les rêveurs nous disent que « rien ne sera jamais plus comme avant », que l’Europe pourrait bien vivre en autarcie face à la Chine et aux Etats-Unis, que la France pourrait bien se passer de l’Allemagne ou Paris de sa banlieue. Et pourquoi pas planter tous nos pommes de terre dans nos jardins, fussent-ils disponibles ? La vérité sera vraisemblablement entre les deux : plus digitale, plus verte, moins globalisée et davantage portée par le sens de l’action. 

Amsterdam a déclaré le 7 avril dernier suivre la « stratégie du donut », inspirée du best-seller « Doughnut Economics : Seven Ways to Think Like a 21st Century Economist », écrit par Kate Raworth, économiste, enseignante et chercheuse à Oxford et Cambridge. D’après l’auteur, le développement économique et social de notre société pourrait s’inscrire entre deux cercles. Le premier, proche du centre, correspond aux besoins vitaux sociaux de la population : la santé, la nourriture, l’éducation, le logement, autres. Le second cercle est celui du plafond de croissance imposé par l’environnement. Amsterdam, un benchmark de modèle de développement pour demain ? Réponse dans 30 ans.

Nos pensées vont toujours vers vos proches et vos collaborateurs en espérant qu’ils ne sont pas ou peu touchés par la maladie.

Ghita & Martin