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L’épidémie du Covid-19 est un évènement d’ampleur historique. Au cœur de la gestion de crise, le système de santé a été sous le feu des projecteurs. Ultra-médiatisation, conscience acérée de l’intérêt des services publics et de santé, soutien aux soignants… Plus que jamais, le grand public s’est intéressé à l’organisation du système de santé, le taux d’occupation des lits ou encore le quotidien des professionnels soignants. Ce secteur déjà en crise traverse de profondes mutations depuis plusieurs années, à commencer par celle de son financement. Rapidement après la première vague de l’épidémie, en juillet 2020, les accords du Ségur de la santé ont consacré 8,2 milliards d’euros à la revalorisation des métiers des établissements de santé, EHPAD et à l’attractivité de l’hôpital public. La crise et les initiatives qui en découlent marquent désormais l’accélération de plusieurs transformations de fond, qui touchent à l’organisation et aux modes de travail du secteur sanitaire.
Le renforcement d’une culture de service communicante et fondée sur l’expérience patient
Comme tous les services, la santé est plus que jamais confrontée à un enjeu de communication, de transparence et de lisibilité de son offre auprès de ses usagers. L’accessibilité de l’information a conduit le grand public à être davantage acteur de sa santé et à s’interroger sur les services proposés, en particulier pour l’accès aux soins. Au niveau national, des sites comme Mesconseilscovid.fr ou santé.fr ont eu un rôle majeur dans l’information de la population. Au niveau des établissements de santé, les portails web gagnent en lisibilité et en simplicité : développement de la prise de rendez-vous en ligne, mise en place de chatbots pour orienter les patients dans leurs recherches par exemple. A l’inverse, le système de soins intègre de plus en plus d’informations remontant des patients eux-mêmes. Depuis mars 2020 par exemple, Santé publique France a lancé l’enquête CoviPrev afin de suivre l’évolution des comportements (gestes barrières, confinement, consommation d’alcool et de tabac, alimentation et activité physique) et de la santé mentale. Par ailleurs, les organisations représentatives des usagers en santé sont de plus en plus associées à l’élaboration des politiques publiques.
En témoigne par exemple, l’association de France Assos Santé aux réflexions du Ségur de cet été. Également dans le cadre de travaux menés par ComPaRe, la Communauté de Patients pour la Recherche de l’AP-HP, 3002 patients chroniques ont identifié les priorités pour améliorer la prise en charge des malades chroniques en France. Une première étude d’envergure pour recueillir les idées de patients en vue d’améliorer la prise en charge de leur(s) maladie(s) chronique(s) avait déjà été menée par la Communauté. Les patients avaient proposé 147 axes d’amélioration pour améliorer les consultations, l’organisation des hôpitaux et le système de santé en général1. C’est donc vers la démocratie sanitaire et une organisation fondée sur les besoins de patients devenus « experts », que le système de santé se dirige, assorti d’outils de communication efficients et adaptés.
L’intégration renforcée du numérique comme outil de travail
La période a également signé l’essor de la e-santé. Le confinement a amplifié l’usage du numérique qui s’est imposé comme une réponse efficace à la crise en favorisant la continuité des soins. Cet axe est réaffirmé dans le Ségur pour la santé à travers l’orientation « Développer fortement la télésanté en s’appuyant sur les acquis de la crise pour mieux soigner les Français ». Au niveau national tout d’abord, l’écosystème du numérique en santé s’est mobilisé en lançant rapidement de nouveaux services pour répondre aux enjeux des professionnels des secteurs sanitaire et médico-social. Ainsi, une plateforme de référencement d’outils numériques en direction des professionnels a été mise en place. Ces outils permettent de réaliser des téléconsultations, des suivis à distance (télésurveillance), de fluidifier la coordination entre différents professionnels de santé ou de faciliter la gestion d’un établissement. Parallèlement, des assouplissements dérogatoires ont été apportés au cadre réglementaire de la télésanté. L’essor des outils disponibles, appuyés par des incitations nationales fortes, ont trouvé un écho favorable sur le terrain parmi les organisations en santé. De nombreuses initiatives concrètes ont été prises : téléconsultation, télésuivi des patients ou usage d’outils numériques pour maintenir le lien patients / proches pendant les hospitalisations. Le nombre de téléconsultations a ainsi explosé : il est passé de « 10.000 par semaine » avant la crise « à plus d’un million au plus fort de la première vague de l’épidémie »2. Si pour beaucoup ces premiers usages ont été fait dans l’urgence, il s’agit désormais de poser des bases de fonctionnements pérennes, éthiques et probants. Enfin, Les professionnels de la santé ont eux aussi été confrontés aux outils du télétravail : téléconférence, téléstaff… Avec eux, une invitation à penser le travail différemment, et qui peut s’avérer pertinente pour les professionnels réalisant de nombreux déplacements (domicile, déplacements inter-sites).
Si elle s’installe de façon pérenne, le management devra désormais s’adapter à cette nouvelle modalité de travail.
La politique RH comme levier fondamental d’attractivité, de stabilité organisationnelle et de qualité des soins
Ces dernières années, les politiques publiques ont opéré un changement de paradigme en remettant les forces humaines au cœur du dispositif de l’hôpital. Il s’agissait en effet de répondre à de multiples enjeux tels que la raréfaction médicale, les déserts médicaux, les difficultés de recrutement, la dégradation des conditions de travail. L’absentéisme, dont le taux moyen s’élève à 13% pour les établissements sanitaires et médico-sociaux, est un indicateur de ces problématiques, qui déstabilise les organisations et altère la qualité des soins. Depuis la crise du covid-19, ces sujets sont devenus ceux de tous et des actions concrètes ont été prises dans le Ségur de la santé : revalorisation des métiers, recrutements massifs, fin de l’intérim médical, fondations pour une véritable politique de gestion de carrière et des compétences. Ainsi, outre l’augmentation quantitative des effectifs, les enjeux RH sont remis au cœur du système de santé. Longtemps négligés, ils apparaissent aujourd’hui comme un levier fondamental pour une organisation stable, attractive et gage de qualité. On voit alors éclore des projets de plus en plus ambitieux sur le plan de la GRH, de l’amélioration des conditions de travail, de l’expérience collaborateurs : nouveaux modes de formations, dispositifs d’onboarding, crèche ou conciergerie par exemple. Pendant la crise, les applications de mise en relation entre structures de soins et professionnels libéraux intérimaires ont permis de répondre à l’urgence. Demain, elles pourraient être des outils pérennes pour répondre aux besoins de flexibilité des organisations. Enfin, en réponse aux aspirations croissantes des professionnels, l’évolution des organisations s’oriente vers des systèmes de management décloisonnés et participatifs et une gestion « en mode projet ».
Des organisations de plus en plus autonomes, flexibles et porteuses de leurs innovations
Enfin, c’est vers l’autonomie et la flexibilité que va se diriger le système de santé. Le Ségur pose comme orientations de donner aux territoires les principaux leviers de l’investissement en santé dans l’intérêt de leurs habitants, plus de marge de manœuvre aux professionnels et aux établissements pour améliorer le quotidien de tous, ou encore financer l’ouverture ou la réouverture de 4000 lits « à la demande ». Derrière ces mesures, l’autonomisation des organisations en santé, qui disposent de plus en plus du choix de leur organisation et de leurs modes de travail. Des capacités flexibles, qui permettent de laisser une marge de manœuvre pour répondre aux aléas des besoins locaux. Un peu auparavant, dans le cadre des appels à projets découlant de l’article 51 de la loi de financement de sécurité sociale pour 2018, les professionnels ont démontré leur volonté et leur capacité à porter des projets innovants : plus de 500 projets visant à expérimenter des organisations innovantes grâce à des modes de financements et d’organisation inédits ont été déposés.
Pour conclure, les transformations de fond s’accélèrent dans le secteur de la santé. Certaines étaient déjà en cours et d’autres s’imposent, en réponse à la crise mais également aux évolutions technologiques et sociétales, aux aspirations des professionnels eux-mêmes, aux orientations de l’Etat. Ces transformations invitent plus que jamais les acteurs de la santé à adapter leurs organisations et trouver de nouveaux modes de travail, autonomes, patient-orientés, flexibles, modernes, participatifs et pérennes.
Agathe Gros
Consultante en stratégie et management spécialisée dans le secteur de la santé
Membre de la communauté NC Partners On Demand
1 Tran VT, BMJ Qual Saf 2019
2 Source : Direction du numérique en Santé