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Dans un point de vente physique, les étapes les plus importantes de l’expérience client se situent aux points de contact entre les clients et les acteurs en magasin. Ce sont des moments cruciaux. A eux seuls, ils peuvent déterminer la réussite ou l’échec de tous les efforts réalisés en amont, et en aval, quel que soit le type et la durée de la vente.
Les comportements ou attitudes mis en œuvre dans ces moments paraissent pourtant élémentaires : écouter, sourire, questionner, regarder, etc. Malgré leur apparente simplicité, c’est sur eux que trébuchent la plupart des projets de transformation. Ils constituent un véritable défi pour les retailers.
Leur modification n’est pas chose aisée. Ce n’est pas uniquement une question de mise en œuvre. C’est d’abord une question d’analyse et de choix des leviers adaptés. Il y a 3 raisons à cela :
1/ Multiples interprétations
Les situations à changer sont souvent familières. Chaque partie-prenante possède sa propre analyse, par exemple : compétences, engagement, conflit de valeurs, difficultés à travailler ensemble, etc. Le premier défi des organisations consiste à choisir une seule voie et à créer un consensus. C’est une condition indispensable pour une mise en œuvre de qualité.
2/ Les mêmes causes peuvent générer des effets différents
Même lorsque le consensus est présent, la réalité peut donner du fil à retordre. Dans les sujets de relations, il est fréquent que des situations différentes produisent les mêmes effets et que des situations identiques produisent des effets complètement différents. Une caractéristique (manque de compétence, de communication…) pourra ainsi expliquer la situation d’un point de vente mais pas nécessairement celle de tous les autres.
3/ Déconnexion entre les moyens et les résultats
Les deux précédents points ne facilitent pas la décision sur les leviers à activer. Mais lorsqu’une démarche est arrêtée, il est également fréquent de constater une certaine déconnexion entre les moyens mis en œuvre et les résultats. C’est pourtant ce qui permettrait de vérifier les causes des dysfonctionnements.
Lors de la mise en place de formations par exemple, la mesure des impacts réels sur la performance individuelle et collective n’est pas réalisée de manière systématique. Cela permettrait pourtant de mettre en place une boucle vertueuse d’ajustement. Comment changer ce qu’on ne mesure pas ?
Adopter un autre point de vue
Pour faire évoluer les situations, il est souvent utile d’adopter soi-même un autre point de vue, de prendre du recul.
Gregory Bateson, l’un des plus grands penseurs de la Psychologie moderne, présente une façon originale d’aborder les situations de changements. Dans les années 70, il accueillait ses nouveaux étudiants avec la question suivante1 :
“Une mère récompense son fils avec une glace à chaque fois qu’il mange des épinards.
Question : Quelle information nous permettrait de prévoir si l’enfant sera amené à :
● Aimer ou détester les épinards ?
● Aimer ou détester la glace ?
● Aimer ou détester sa mère ? “
Réponse de Bateson : “C’est le contexte du comportement de la mère et du fils qui permet de le savoir.”
Cette question d’apparence anodine est en fait un condensé de la pensée systémique. C’est l’idée que c’est le contexte qui fait l’efficacité de l’action de changement.
Appliquée à l’organisation cela signifie que lorsqu’on met en place une démarche, aussi bien pensée soit-elle, son résultat n’est pas garanti. Le contexte de réalisation est un élément clé. Beaucoup de situations prennent alors un jour nouveau.
Le contexte est l’élément qui peut tout changer, indépendamment des collaborateurs, de leurs compétences ou motivations. Il donne le sens à l’action. Il nous contraint à questionner nos convictions sur ce qui fait la réussite ou l’échec d’une relation client. Ce qu’on dit ou fait ne prend de sens que dans un contexte particulier. C’est également le secret d’un plan de transformation réellement efficace.
Le contexte implique une infinité de paramètres, dans le temps et dans l’espace. Ils sont impossibles à appréhender de manière exhaustive. Il existe pourtant une façon simple et pratique de les mesurer : l’expérience. Cette mesure résume simplement l’ensemble des éléments du vécu, et ce quel que soit la complexité ou la durée de la relation. C’est donc l’indicateur clé du contexte.
Aujourd’hui, on pourrait répondre à Bateson : “C’est l’expérience de la mère et du fils qui permet de le savoir.”
Case study chez un acteur de la grande distribution
Chez un acteur majeur de la grande distribution, les évaluations des clients pointent une qualité insatisfaisante de l’accueil en magasin, notamment par les vendeurs. Cette étude a été le point de départ d’un programme de transformation ambitieux : Affichage, parcours client, organisation, système d’informations, formation des vendeurs, etc. Tous ces projets ont été menés à leur terme. Mais lorsque le bilan est réalisé, l’entreprise ne constate aucune variation du NPS (Net Promoter Score) et du chiffre d’affaires.
L’entreprise décide alors de changer de point de vue et de réaliser un diagnostic de l’expérience des vendeurs et de leurs comportements de vente. Corrélées avec les performances individuelles et collectives, des différences significatives apparaissent. Les meilleurs vendeurs et les meilleurs magasins se distinguent par :
Ces problématiques n’avaient pas initialement été adressées par les différents chantiers de transformation, qui, par construction, avaient donc une faible chance d’avoir un impact positif. Une nouvelle démarche, ciblée sur ces éléments, a donc été lancée. Elle eut comme résultat la multiplication du NPS par 2 et un impact significatif sur le chiffre d’affaires…
Notez que cette approche a également permis de :
Ce qu’on ne sait pas sur le contexte et le vécu des collaborateurs nous contrôle. Intégrer l’expérience des collaborateurs dans la stratégie de développement est un levier de transformation particulièrement efficace.
Frédéric Le Serrec,
Consultant en management, spécialiste de la performance des points de ventes et Psychologue du travail
Membre de la communauté NC Partners On Demand
1 Gregory Bateson : Vers une écologie de l’esprit