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13ème mois consécutif de contraction pour l’activité économique en France et pas un article sur le sujet.
Je suis moins inquiet par notre décroissance que par notre capacité collective à ne pas nous en préoccuper, ou à tout le moins le dire. C’est même assez fascinant pour quelqu’un comme moi que l’on a éduqué à regarder la vérité en face. Ce fut tout d’abord mes parents, puis mon épouse qui n’aime que les doux mensonges. Ce fut ensuite mon premier employeur amateur des analyses froides et de la vérité des chiffres. Vinrent mes enfants à qui on ne racontait des tarabistouilles qu’à Noël. C’est aujourd’hui mon équipe qui me lit comme dans un livre ouvert.
Un tel aveuglement collectif me stupéfait. En privé, vous êtes nombreux à le ressentir et à m’en faire part.
Que faire ? sommes-nous de plus en plus nombreux à nous demander.
La réponse dépend largement de notre perception du contexte actuel. Vous le connaissez comme moi ce contexte, je serai peu disert sur le sujet dans ces lignes. Il suffit d’ouvrir un journal pour s’en faire un aperçu. Quand tout cela va-t-il prendre fin ? Cette situation est-elle conjoncturelle ou est-elle devenue structurelle ? De la réponse à cette dernière question découle beaucoup celle à la première.
Le premier et peut-être le seul facteur conjoncturel à la marée descendante de notre économie est politique. Les circonvolutions de nos Premiers Ministres de passage ni même une nouvelle dissolution de l’Assemblée ne changeront le bazar ambiant. Il va nous falloir attendre 2027 au mieux pour retrouver de la visibilité politique et espérons-le, un peu de stabilité économique et sociale. Rêvons plus encore, cette stabilité pourra apporter un souffle nouveau aux entreprises et à leur activité. Mais pour aller à l’essentiel, si nous avions abordé un cycle conjoncturel négatif débuté en juin de l’année dernière il ne cesserait pas avant mai 2027. Plus que 20 mois !
Encore 20 mois à attendre et à serrer les dents. Je serai avec Patrick Martin et plusieurs milliers autres chefs d’entreprises à l’Arena de Bercy le 13 octobre prochain crier de faire gagner la France. Mais je crains que crier les dents serrées ne soit assez inefficace. J’attends désormais 2027, le reste n’est que bruits et gesticulations pré-campagne. Ils n’auront que peu d’effets sur un mot tombé aux oubliettes : la croissance.
Les facteurs structurels à la décrue de notre économie sont connus. Surtout ils sont plus nombreux, particulièrement efficaces et je crains qu’ils ne disparaissent pas de sitôt. Les Etats-Unis nous servent une nouvelle salve de taxes douanières et la Chine continue de déverser ses produits sur le continent européen à la vitesse de 12 millions de colis par jour. L’absence de réaction de l’UE face à la Chine, son incapacité à négocier avec les US, son envie insatiable de vouloir légiférer dans tout y compris dans l’IA comme au XXème siècle sont en train de lui mettre à dos tout le monde, y compris les plus convaincus des européistes comme votre serviteur.
La France quant à elle continue d’étouffer ses propres entreprises nous dit le Directeur de la Stratégie d’Airbus au Sénat. Dans la tension liberté-égalité chère à notre histoire racontée par Tocqueville dès le XIXème siècle, j’ai toujours eu le sentiment que la deuxième l’emportait sur la première. Elle semble désormais l’écraser. La France semble devenue collectiviste. Elle a lancé le concours Lépine de nouvelles taxes anti entreprises, anti-activité, anti tout. Avec 58% de dépenses publiques dans le PIB, la France tangente désormais la structure des économies des pays du bloc soviétique dans les années 50 dont rêve encore M. Poutine. Nous nous passerions volontiers des deux. J’espère que notre collectivisme ne sera que passager. Il s’est très mal terminé pour l’URSS et ses populations. La guerre des étoiles de M. Reagan ne fut pas la seule cause à l’effondrement de l’empire de M. Gorbatchev. L’absence de liberté d’entreprendre dans ce qui allait devenir la Russie de M. Eltsine joua également son rôle.
Etienne Lefèbvre dans son edito du 28 septembre dans les Echos nous indique que la dépense sociale est l’angle mort du débat budgétaire. Cet angle mort est malheureusement bien plus grand : il est le poids de la dépense publique totale dans notre économie. Il est intenable dans la durée. Le Portugal, l’Espagne, la Grèce, l’Argentine, le Canada, l’Italie tous sont passés par une courbe en U de leurs dépenses publiques quand il a fallu renaître ou rebondir. Tous se portent mieux. Tous se portent mieux que nous désormais même si l’herbe n’est jamais plus verte ailleurs. Tous se portent mieux mais ce serait mentir par omission que de ne pas rappeler les souffrances des populations passées par ces étapes de restructuration. Seule l’Italie a fait exception.
La position opposée aux entreprises consiste à leur demander un nouvel effort de prélèvements afin de redresser nos finances publiques. Pourquoi pas. La position du MEDEF et de la plupart des représentations d’entreprises a toujours convergé vers le souhait de contribuer à la solidarité nationale. Encore heureux. Mais jusqu’à quel point ? Les entreprises françaises sont les plus taxées de tout l’OCDE. Sans surprise, avec 33%, le taux de marge moyen[1] des entreprises françaises non financières est le plus faible de toute l’UE. L’Allemagne est à 39% et l’Italie à 46% (source : Eurostat). On comprend mieux à la lumière de ces classements le sentiment d’étouffement des entreprises françaises raconté plus haut. Ce n’est pas seulement un sentiment.
Rien n’indique pour l’instant que la France soit en train de changer de trajectoire économique et budgétaire. Rien n’indique que le pays souhaite redonner à son activité publique une place plus raisonnable. Rien de significatif, ni la fiscalité, ni les normes, ni le droit français ou européen ne laissent présager un nouveau souffle d’air pour son activité privée, les entreprises. Notre croissance économique a lentement décru depuis la fin des trente glorieuses. La voici tombée en territoire négatif dans une tendance longue de 50 ans.
Petit rappel :
Croissance annuelle moyenne française sur la période 1971-1980 : 4,4%
Croissance annuelle moyenne française sur la période 1981-1990 : 2,5%
Croissance annuelle moyenne française sur la période 1991-2000 : 2,3%
Croissance annuelle moyenne française sur la période 2001-2010 : 1,8%
Croissance annuelle moyenne française sur la période 2011-2020 : 1,4% (hors 2020, Covid)
Croissance prévisionnelle française en 2025 par la Banque de France: 0,6%. Ce 0,6% masque un chiffre négatif s’agissant de l’activité privée et une augmentation des dépenses publiques.
Notre problème est structurel et attend des réponses structurelles. C’est un peu le message envoyé par l’agence Fitch.
Alors que faire pour revenir à la question initiale ?
Les réponses ne seront pas les mêmes selon que l’on soit PME, ETI ou grand groupe. Elles ne seront pas les mêmes selon que l’on soit actif dans le secteur automobile, la banque ou la tech. Je n’ai évidemment pas de réponse toute faite. S’il existait une baguette magique, vous êtes comme moi, vous l’utiliseriez déjà. Je ne suis pas davantage magicien que vous.
Prendre acte d’un environnement structurellement dégradé, ou pour le dire autrement, ne pas attendre de retour structurel de la croissance en France hormis dans quelques secteurs « chanceux » surtout exposés à l’export, implique cependant plusieurs règles qui pourraient bien s’appliquer à la plupart d’entre nous. Je vous en propose trois, je ne doute pas qu’en réfléchissant davantage vous en trouverez d’autres.
1 – La stratégie d’une entreprise dépend de son environnement, pardon pour ce rappel de base. Relisez la à la lumière d’une conjoncture devenue structurelle. Peut-être vous direz-vous que certains projets pourraient attendre ou que d’autres au contraire devraient remonter la pile. Si vous pouvez jouer dans la cour des secteurs qui se comportent bien dans l’hexagone, n’attendez pas trop. Tout le monde s’y précipite. Je pense ici en particulier à la Défense.
2 – Concentrez-vous sur la solidité de votre P&L autant que sur sa hauteur et mettez des liquidités de côté. C’est cette solidité qui garantira la pérennité et la force de votre entreprise. N’attendez pas un éventuel réveil de marché quel qu’il soit. Et si vous voyez le mur arriver, n’hésitez pas à entrer dans une procédure de Redressement Judiciaire. Elle peut sauver votre entreprise. Ne faites rien sans prendre conseil. BlueBirds anime entre autres quelques experts en la matière.
3 – Nicolas Dufourcq demande aux chefs d’entreprise de prendre davantage la parole. Le dernier à ne pas avoir eu sa langue dans sa poche est Eric Trappier, PDG de Dassault Aviation auditionné à l’Assemblée. Il sermonne les députés rassemblés pour l’écouter. J’irais un cran plus loin comme le suggère Pierre Gattaz rencontré dans notre podcast : engagez-vous !
Prenez votre bâton de pèlerin et soutenez publiquement la création de richesse. Amasser une fortune personnelle ne fait pas un projet de vie, mais lutter contre la pauvreté collective peut. Or les deux sont souvent les faces d’une même pièce, n’en déplaise à M. Zucman et M. Piketti. Faire fuir les riches ou les rendre moins riches ne rendra pas les pauvres moins pauvres. Eternel oubli de notre pays qui à force de lutter contre l’inégalité a oublié de lutter contre son appauvrissement.
L’incompétence, l’absence et parfois l’idéologie absurde de certains de nos décideurs publics ont ouvert un boulevard pour les personnes de bonne volonté comme vous et moi.
Vous me jugerez peut-être pessimiste en me lisant. Je ne le crois pas. J’observe les tendances longues du pays qui m’a vu naître, ni plus ni moins. Il y a une bonne nouvelle à tout cela. Si je crois que nous entrons dans une longue période difficile, je crois aussi que nous pouvons en sortir en quelques mois. Un an ou deux suffisent me disait il y a deux jours Renaud Dutreil, ancien Secrétaire d’Etat au Commerce à l’origine de la loi portant son nom. Son texte législatif a sauvé et continue de sauver des milliers d’entreprises. Il reportait à l’époque à un certain Francis Mer, ancien capitaine d’industrie reconverti en Ministre des Finances et de l’Industrie. Avec des hommes comme eux, l’espoir est toujours permis.
Martin
[1] Excédent brut d’exploitation sur la valeur ajoutée