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Réflexion sur une vision réaliste du Change Management
Tout changement est un phénomène complexe. Il ne peut se réduire à un seul élément, à une seule volonté. Le philosophe Henri Bergson nous a montré que le changement est inhérent à la vie. La réalité est changement, mouvement. Il en est de même avec la vie des organisations.
Le changement dans nos vies organisationnelles est toujours multifactoriel (métiers, clients, produits, actionnaires, processus, relations, outils, …), surdéterminé en cela qu’il est regardé non pas comme une accumulation de facteurs mais comme un fait en soi, parfois même comme un objectif. Mais le plus important est qu’il est « partout », dans la mesure où un changement se déroule toujours en interaction avec l’environnement extérieur de l’organisation (marché, société, environnement, …). On peut dire sans se tromper que le changement est permanent autour de nous.
De ce fait il est exagéré d’attribuer, dans le monde des organisations, le changement à une personne ou à un leader. Les grands patrons, même les savants, ne peuvent pas revendiquer l’apanage du changement. Les grands changements sont plus mus par la nécessité, par le marché, par l’évolution des comportements ou de la technologie, par les habitudes de consommation ou encore par de grands mouvements sociétaux ou environnementaux (il suffit de porter le regard sur le changement dans les télécoms, ou de par les réseaux sociaux pour s’en convaincre).
Les transformations des organisations, qui sont plutôt des conséquences de ces mouvements de fond constituent les champs d’exercice des leaders, une fois qu’ils ont pris conscience, qu’ils sont entrés dans la complexité du changement et se sont rendus capables (jamais seuls) d’en tirer une volonté de transformation. Les transformations des transports ou des secteurs économiques basés sur l’usage (plutôt que la possession) le démontrent.
Dans les phases de transformation il est courant d’utiliser un vocabulaire « guerrier » ou politique pour caractériser les objectifs et les actions conduites pour réussir le changement. On entend ainsi parler de « vaincre les résistances », de « mobiliser les équipes », de dresser la carte « des alliés » ou de lancer des actions pour « fédérer » les collaborateurs…
Ce vocabulaire est pourtant inadapté. Principalement du fait de ce caractère protéiforme du changement, il est rare que les acteurs adoptent une posture uniforme face aux changements. Mais le plus important est que l’utilisation de ce vocabulaire préjuge que les personnes qui vont vivre ce changement n’ont aucune connaissance ou capacité de comprendre pourquoi, comment et ce qui va se passer.
Plus grave encore, il suppose qu’il va falloir « emporter » le combat sur les résistants au changement présentés alors comme des « faibles d’esprit » qui n’ont pas compris que le changement « était bon pour eux » et qui représentent des forces réactionnaires qui empêcheront le progrès…
Une réalité est à affirmer en matière de « résistance au changement » : Les gens ne résistent pas au changement, mais résistent aux faits, réels ou anticipés, qu’ils perçoivent pendant le mouvement de changement. Ce n’est pas le changement qui rebute, mais les sacrifices, les pertes, les désavantages supposés qu’il apporte. Les gens ne sont pas stupides ou passifs. Ils savent réfléchir, comme les leaders le font. Les exemples du projet de transformation de EDF, trop complexe et opportuniste ou encore celui de la super league de football européen peuvent nous y faire réfléchir.
Une bonne majorité des méthodologies de la conduite du changement présente l’injonction préalable à l’urgence ou à la dramatisation de la prise de conscience comme une nécessité. Il s’agit encore une fois d’une vision assez méprisante des équipes sur le terrain. S’il y a vraiment urgence, elles le savent mieux que quiconque. S’il n’y a pas vraiment urgence, alors pourquoi « crier au loup » ?
Le besoin n’est pas tant de développer la « conscience des masses » (méthode dont on connait le caractère volontiers manipulatoire) mais de développer l’action dans un contexte de changement. C’est, il me semble ce qui a été fait chez Carrefour dans le plan de transformation actuel.
Mais là encore, il ne s’agit pas pour le leader d’entrainer les troupes dans l’action, mais bien plus efficacement, de rendre les gens, à leur niveau, acteurs du changement.
Comment faire ? En ne leur cachant rien de la situation, en les informant, en leur donnant des moyens, en encourageant leurs idées, en leur donnant de l’espace pour y travailler. Les vertus d’un groupe d’acteurs sont incroyablement supérieures à celles d’un groupe de suiveurs.
C’est la capacité à se déterminer devant les tenants et aboutissants d’une situation, qui rend acteur. Donnez cette capacité aux équipes avant de dire où il leur faut aller et vous décuplerez la dynamique ! Ayez confiance en l’intelligence professionnelle.
Dans un contexte de changement, dans le cadre d’une transformation importante, quel rôle doit jouer le manager, quel que soit son niveau hiérarchique ?
Comprendre les enjeux du changement, les rendre opérants en construisant de la compréhension partagée avec ses équipes (réfléchir ensemble) afin de construire des projets adaptés à leur situation et aux enjeux. C’est par l’action (et donc des projets dans lesquels les équipes sont acteurs) que le changement peut réussir.
Le manager doit favoriser l’émergence de projets à travers lesquels le changement se concrétise, et génère des résultats. Ce n’est pas lui qui conduit le changement, il contribue à sa réussite par une animation et un « empowerment » des équipes qui, elles, réalisent la transformation.
L’empowerment ne se nourrit pas d’ordres, d’injonctions ni de slogans mobilisateurs. Il se nourrit d’une chose essentielle : le pourquoi. C’est à sa capacité à formaliser, à entretenir, à maintenir clair, vivant et partagé, un « pourquoi » commun que l’on peut juger de l’impact et de la qualité d’un leader.
En résumé, il est nécessaire de sortir des clichés de la conduite du changement. Cela se réussit à travers la construction d’un espace de compréhension commun, l’animation d’une dynamique libératrice des énergies et des initiatives, l’« empowerment » d’acteurs engagés pour eux-mêmes et l’affirmation d’un pourquoi partagé et vivant !
Alexis de Rougé est consultant en management, spécialisé en change management et en développement du leadership depuis plus de trente ans, il a pu accompagner ou contribuer à des missions de transformation dans des secteurs diversifiés (industrie, défense, finances, santé, secteur public, media, services, …).