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Samir Sadaka

L’heure de la retraite ne semble pas avoir sonné pour celui qui vient de passer plus de trois décennies chez Capgemini Invent. À presque 64 ans, le fringuant désormais ex-consultant entame sa seconde vie professionnelle, comme coach auprès des managers et dirigeants d’entreprise.

Samir Sadaka ne porte par l’uniforme du parfait consultant. Certainement pas. Avec ses lunettes rondes en écailles aux bords épais, son teint halé, sa barbe poivre et sel, son blazer en tweed à rayures gris clair sur une chemise, tiré à quatre épingles, il m’évoquait plutôt un architecte, un designer ou un professeur. L’habit ne fait pas le moine, direz-vous. Mais je ne pouvais m’empêcher de rester surprise par ce look décontracté chez un homme qui ne se lève jamais après 6h30, connaît par cœur son agenda trois mois à l’avance et se définit comme l’archétype du cartésien. Et qui, accessoirement, a un diplôme d’ingénieur, un autre d’actuaire, et vient de passer 33 ans chez Capgemini Invent. Une longévité hors-norme dans le monde des cabinets de consultants de la place parisienne qui forcément interroge, là où les parcours sont souvent construits par cycles de trois à cinq ans dans une entreprise, puis sa concurrente.

Fils d’un diplomate libanais arrivé en France avant la guerre civile, Samir étudie à Centrale Lille, passe quelques années dans une entreprise d’informatique puis dans une banque, avant d’être recruté comme consultant bancaire en 1988 par le cabinet Ernst & Young. Le jeune ingénieur, coopté Associé huit ans après, exerce plusieurs responsabilités de management avant d’intégrer le comité de direction du cabinet en tant que Directeur des opérations chez Capgemini. « Comme dans toute carrière professionnelle, moi aussi j’ai eu des doutes. J’ai parfois reçu des offres intéressantes d’entreprises… Je crois que l’explication la plus simple à la raison de ma longévité chez Capgemini, c’est que j’étais attaché à la profession de consultant qui est fondamentalement un métier d’écoute et d’observation »,analyse le solaire, le très réfléchi et — on le devine — quelque fois tourmenté nomade des temps modernes.

Loyauté, discernement et instinct

Samir Sadaka ne joue pas les faux modestes. Mais ce qu’il ne dit pas, c’est qu’il a aussi su tout au long de sa carrière faire preuve de loyauté, de discernement et d’instinct. En 2004, il pressent les impacts organisationnels de la vague réglementaire et crée une offre de conseil dédiée. Idem en 2018, il crée la Direction des opérations pour arbitrer les staffing complexes, en faisant de l’affectation des collaborateurs un enjeu de direction générale. « La vraie performance dépasse la dimension économique : les équipes, c’est le cœur du réacteur. Il est impératif d’en prendre soin, de rester à leur écoute, de les traiter avec respect et dignité, même en temps de crise. »

Tout au long de sa carrière, Samir Sadaka a mis un point d’honneur à soutenir ses collaborateurs. C’est sans doute ce qui explique pourquoi il se tourne aujourd’hui vers le coaching. Après une formation en 2019-2020 à HEC, il s’est jeté à l’eau cet été en quittant l’entreprise qui lui a presque tout appris. Un peu à la surprise générale d’ailleurs. À l’heure où il aurait simplement pu quitter le monde professionnel et couler des jours heureux avec sa famille. « Peut-être que c’est un alibi pour travailler sur moi-même. Ou peut-être que c’est la peur du vide, s’amuse le jeune sexagénaire. Plus sérieusement, parce que c’est une passion, parce que c’est sans doute le moment… et parce que j’ai toujours soif d’apprendre. »  

Le coach n’est ni un psy, ni un mentor

Alors pourquoi le coaching ? « J’ai toujours eu un goût pour l’accompagnement, notamment dans le développement professionnel des consultants. Il y a toujours des accidents dans la profession, parfois de la souffrance. Moi aussi, j’en ai fait l’expérience. La vie en entreprise est tellement plus difficile aujourd’hui. Mais quand on écoute sincèrement les gens, on peut les aider à progresser. » En leur faisant voir une problématique d’une autre manière. En leur faisant bénéficier de son expérience, puisqu’il a été à leur place.

Il faut l’avouer, le coaching ne véhicule pas qu’une image positive. Souvent qualifié de « gadget », c’est pourtant une discipline sérieuse, parfois en mal de reconnaissance, mais qui a fait ses preuves. « Le coach n’est ni un psy qui vous aide à faire un travail introspectif sur votre passé pour comprendre les ressorts de votre personnalité, ni un mentor qui vous transmet un savoir tel un gourou tout-puissant. Non, le coach est quelqu’un qui vous aide à trouver les ressources en vous pour affronter de nouveaux challenges. Exemples : Comment prendre les habits d’un leader ? Comment gérer mes relations avec mes pairs ? Comment remettre en question ma pratique managériale ? Comment avancer sur mon « coup d’après » ? En tant que coach, j’aide mes clients à trouver leurs propres méthodes pour réussir mieux. Je ne leur donne pas de solutions toutes faites ; ce n’est pas une recette miracle. Chaque coaching est singulier », résume Samir. Le coaching est aussi une démarche qui prend du temps. À raison d’une huitaine de séances de 1h30 à 2 heures étalées sur plusieurs mois.

Apprentissage continu

Une discipline très exigeante où il est important de pouvoir « recevoir » les émotions des autres, alterner entre confrontation et neutralité, et toujours être dans l’instant présent. « On ne peut pas s’improviser coach, c’est un apprentissage continu. Il faut être supervisé par des confrères régulièrement, pour remettre en cause sa pratique, apprendre à réagir dans des situations plus complexes. Nous sommes d’ailleurs en train de monter une supervision collective avec des anciens de la promo d’HEC. »

Oui, Samir Sadaka ne fait jamais, jamais les choses à moitié. Ni dans son travail, ni dans ses loisirs. Il vient de reprendre les cours de chant pour améliorer sa technique, se faire plaisir et — pourquoi pas ? — un jour rejoindre un groupe musical. Chanter quoi ? Des classiques de Brel ou Gainsbourg ou Johnny… « Ça, c’est mon côté has been assumé ! » pouffe-t-il tel un adolescent farceur. Toujours à se donner à fond, à repousser ses limites. Mais avec méthode, en anticipant les risques et en les prenant parfois. Un homme qui vous tend la main, sans pour autant servir de béquille. Un homme dont on a envie de découvrir les secrets et de lui confier les nôtres. Un coach qui fera jaillir le meilleur de vous-même.