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Le consultant de 36 ans, spécialisé en stratégie et l’amélioration de la performance des organisations, a développé une méthode de conseil basée avant tout sur l’écoute et sur la relation humaine. Aujourd’hui, il se lance dans un nouveau défi : faire vivre Hinga Yé, l’association qu’il vient de fonder pour envoyer des livres scolaires en Centrafrique, pays dont il est originaire.
« Ma mère m’appelle Obed. Mon père m’appelle Hyppolite. Vous choisissez le prénom que vous préférez. »
Chemise impeccable dont le col dépasse d’un pull-over en laine grise, lunettes carrées noires ayant tendance à finir sur le haut de son crâne et dents du bonheur, Obed Hyppolite Hibaïlé, 36 ans, est un personnage naturel et solaire. L’homme se livre avec simplicité et humilité, mais sans fausse pudeur.
« J’ai grandi en République centrafricaine, dans une famille très modeste. Je suis l’aîné d’une famille de huit enfants et j’ai eu la chance après mon bac de décrocher une bourse de l’Agence marocaine de coopération internationale (AMCI) pour étudier au Maroc. C’était quelque mois après le coup d’Etat de 2003. Ça n’a pas toujours été facile, je le reconnais. En quittant mon pays, je n’avais qu’une envie : réussir. »
Il n’en dira pas plus, sinon que contrairement à la majorité des enfants de son pays, il a pu suivre une scolarité complète, encouragé par des parents pratiquants, qui lui ont donné une force de travail peu commune et la mission d’être un exemple pour ses frères et sœurs.
Au Maroc, entre Fès et Tanger, il se forme pour devenir ingénieur en Génie Mécanique. À la sortie de l’école, il intègre une filiale de Caterpillar, afin de travailler au suivi et à l’amélioration des équipements du géant américain des engins de génie civil. Sauf que voilà, Obed s’ennuie.
« En soi, c’était loin d’être inintéressant. J’ai beaucoup appris mais faire juste que de la technique n’est pas du tout ce qui me correspondait. »
Trop de machines et pas assez d’êtres humains. Alors Obed décide de retourner à l’école et quitte le Maroc pour la France où il atterrit à Troyes — une évidence pour ce francophone de naissance. Un master en management plus tard, il est recruté par Alcatel-Lucent, en 2012, comme chargé de mission pour travailler à la certification dans les télécoms. Son profil d’ingénieur séduit. Dans la foulée, une autre filiale de Caterpillar, Bergerat Monnoyeur, le débauche pour participer au programme de transformation de l’entreprise en prenant en main une partie du plan de transformation de la direction SAV de l’entreprise.
« Après la crise, le groupe Monnoyeur voulait sécuriser ses revenus, améliorer la performance de ses opérations et se lancer sur de nouveaux marchés. C’est à ce moment-là que j’ai décidé de faire du conseil. »
« La moitié des solutions réside dans le fait de poser les bonnes questions »
Obed passe une flopée d’entretiens pour intégrer les plus grands cabinets. On lui claque gentiment la porte au nez. Mais il ne jette pas l’éponge, passe un MBA et se lance à son compte en 2016.
« Je pense que je suis quelqu’un de résilient. C’est peut-être lié à mes origines… ».
Homme de réseau,ceréseau lui a permis de trouver ses premières missions. De fil en aiguille, il se forme une clientèle ; qui se révèle extrêmement fidèle : il est régulièrement rappelé pour travailler sur de nouveaux projets.
« Par essence, je suis un généraliste. Je n’ai pas la prétention de savoir tout faire mais je crois que c’est mon approche des problèmes qui interpelle. Je parle très peu et j’écoute beaucoup. Quand on est consultant, la moitié des solutions réside dans le fait de poser les bonnes questions. »
Non, Obed ne débarque jamais dans une entreprise avec une bonne vieille méthode de conseil, bien huilée et appliquée sans distinction à tous les domaines.
« Ça n’a absolument aucun sens. Les entreprises ne sont pas les mêmes, les gens ne sont pas les mêmes et les interactions sont toujours beaucoup plus complexes qu’elles n’y paraissent. Les simples données économiques ne suffisent pas. »
Remettre l’humain au cœur des problématiques, prendre le temps d’écouter et creuser, voilà ce que fait Obed. Sans prétention mais sans naïveté.
Car c’est bien ce qui se dégage de l’homme : une force tranquille et sereine, une farouche envie de progresser et d’aider le monde qui l’entoure, de faire le bien autour de soi. Point de vœux pieux ici ou d’argument marketing, juste un sens des valeurs solidement ancré. Obed donne souvent plus qu’il ne reçoit et ce n’est pas grave. C’est son moteur, à l’image de cette association qu’il vient de lancer : Hinga Yé pour « Avoir la connaissance » en sango. Grâce à cette structure et à son réseau, Obed collecte les livres scolaires d’occasion et les expédie en Centrafrique, pour que les orphelins, pauvres et toutes autres personnes en difficultés d’accès à l’éducation puissent apprendre à lire et à écrire et — pourquoi pas ? — fonder un réseau de bibliothèques. Après deux décennies de guerre civile, ils sont nombreux à avoir tout perdu, dans un pays où l’État est souvent défaillant et où deux tiers de la population vit de l’agriculture.
« Envoyer de l’argent, c’est très bien, cela permet de pallier le plus urgent. Mais après ? Pour que les jeunes aient un avenir, il faut qu’ils reçoivent une éducation. Cette association, c’est ma façon d’apporter ma pierre à l’édifice et de donner de l’espoir à ceux qui n’ont pas eu la même chance que moi. »
Obed envisage également de rentrer un jour en Afrique, où il voyage régulièrement :
« J’aimerais faire du conseil pour les jeunes PME émergentes, les aider à se développer, à toucher de nouveaux marchés. »
En attendant ce jour, Obed continue de se former — oui, l’école, toujours l’école. Quand d’autres regardaient le monde s’effondrer, il a profité du confinement pour passer une double certification : l’une à Central Supélec, l’autre à HEC.
« Il n’y a pas de secret ou de recette magique : pour réussir il faut travailler. »
Déborah Coeffier