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Après avoir passé plus d’une décennie à Hong-Kong en tant que managing director dans une banque d’investissement, ce spécialiste du financement de projets a décidé d’opérer un retour aux sources, en posant ses valises d’homme du monde en région parisienne et en se lançant dans le consulting indépendant.
Marc-Henry Lebrun, 45 ans, n’est pas à proprement parler une personnalité extravertie. Il le dit lui-même, il est d’un naturel réservé. Derrière son écran d’ordinateur et ses lunettes, il se tient bien droit presque stoïque ; la voix calme, posée, contrôlée. Pourtant, à mesure que les minutes passent, il se livre sans fausse pudeur et relève une personnalité cartésienne et riche d’une franchise sans fard, parfois même déconcertante, et d’une abnégation sans pareille. Oui, tout cela en même temps.
Quand on lui demande ses origines, la réponse de Marc-Henry Lebrun fuse : « Bourgeoise, catholique, française ! » Élevé dans le 16e arrondissement de la capitale par deux parents médecins, il traverse l’adolescence comme d’autres traversent la route : tranquillement, facilement, sans faire de vague. Déjà, il s’intéresse aux jeux vidéos qui n’en sont encore qu’à leurs balbutiements, aux grands classiques de la littérature et à l’astrophysique. Intello et bon élève, il débarque en prépa à Janson-de-Sailly pour faire maths sup-maths spé, avant d’intégrer les Ponts et Chaussées en 1995. Et contrairement à des légions d’étudiants, ce choix était délibéré. « Je savais ce que je ne voulais pas faire. Je ne m’imaginais pas du tout médecin ou avocat. Mais je ne savais non plus vers quoi me tourner précisément. Mes prédispositions naturelles me poussaient vers des études scientifiques. Pour moi, les Ponts, c’était un aboutissement académique. » Il sera d’ailleurs le seul de sa promo à décrocher le ticket d’entrée pour la grande école.
« Le conseil financier va bien au-delà d’un tableur Excel »
En 1999, son diplôme en poche, il s’envole une première fois vers l’Asie où il devient analyste financier en banque. L’occasion de joindre l’utile à l’agréable : « J’ai souvenir d’une mappemonde accrochée au-dessus de mon bureau en prépa. À l’époque, je rêvais de contrées lointaines et exotiques… Internet n’existait pas encore. » Il atterrit donc à Hong-Kong. Rapidement, il se spécialise dans le financement de projets et la levée de fonds pour favoriser le développement des entreprises. « La bourse et les marchés, je l’avoue, m’intéressent assez peu. C’est un secteur trop peu rationnel, qui repose énormément sur les émotions. Je préfère maîtriser tous les maillons de la chaîne. »
De fait aujourd’hui et après avoir gravi les échelons un à un, Marc-Henry Lebrun maîtrise les deux faces d’une même médaille.Il évalue aussi bien la viabilité économique des projets et des structures qui les portent, qu’il guide et conseille d’autres entités pour obtenir des financements. Il a essentiellement travaillé dans le transport et l’énergie (au sens très large), deux secteurs qui à l’aube de la révolution écologique mondiale ont un rôle de plus en plus important pour réussir une transition nécessaire. Et c’est tout l’intérêt pour Marc-Henry : « Le conseil financier va bien au-delà d’un tableur Excel. On a un rôle de chef d’orchestre. Il faut monter des contrats protecteurs pour les banques et les porteurs de projet dans des pays où les législations le sont moins. Il faut comprendre les enjeux économiques, technologiques et surtout environnementaux et sociaux. Regardez la question de la production d’hydrogène… » Croyez-le ou non, cher lecteur, c’est à cet instant précis que votre dévouée rédactrice comprit le principe de l’électrolyse de l’eau. Car Marc-Henry Lebrun est un passionné qui s’investit, mais aussi un pédagogue qui s’ignore. Son succès professionnel en est la preuve.
De Hong-Kong à la Mongolie
Comme dans toute chose, vie pro et perso s’entremêlent chez ce financier de haut-vol. En 2001, il croise par hasard la route d’une jeune Mongole qu’il épouse — sa « plus belle réussite » — avant de rentrer en France poursuivre sa carrière. Ensemble, ils repartent avec leurs enfants pour Hong-Kong en 2007, ville chère à leurs cœurs. Comme son métier l’exige, Marc-Henry travaille régulièrement jusque tard dans la nuit, jusqu’à l’invention de la tablette. « C’est comme ça que j’ai commencé le télétravail avant tout le monde. Je voulais maintenir un équilibre avec ma vie de famille et je m’astreignais le plus possible à rentrer à une heure décente et à travailler de la maison. Peut-être que c’était déjà un signe… »
Il fonde également avec son épouse une association, la Tsolmon Ireedui Foundation, qui vient en aide aux enfants des banlieues pauvres d’Oulan-Bator, la capitale de la Mongolie. « Le niveau de pauvreté est extrême et les problèmes sociaux importants. Beaucoup de mères élèvent seules leurs enfants. L’hiver, les températures peuvent descendre jusqu’à – 40°C. Du coup, elles attachent les enfants en bas âge quand elles partent travailler, par peur qu’ils sortent dehors par un froid polaire et mortel… » Ainsi, le couple Lebrun a construit une crèche pouvant accueillir gratuitement une cinquantaine d’enfants et emploie une douzaine de personnes pour s’en occuper et aider les familles à scolariser les petits. L’association vit essentiellement de dons et de l’organisation de voyages en Mongolie. « Ce n’est pas toujours facile, surtout avec la situation sanitaire qui n’a pas permis de lever de fonds depuis l’hiver dernier, mais ce que nous faisons là-bas change la vie des gens concrètement. »
La famille avant tout
Les années passent et au milieu des années 2010, le couple envisage de rentrer en métropole. « Mon fils cadet qui a 16 ans aujourd’hui souffre de problèmes d’apprentissage. Les possibilités pour qu’il suive une scolarité adaptée à Hong-Kong étaient assez limitées. Nous avions aussi envie que notre fille qui est née là-bas connaisse la France et apprenne à aimer cette partie de son identité. » Mais les choses traînent… Finalement, en 2019, Marc-Henry Lebrun se jette à l’eau et rentre en France avec sa famille.
Avec son pedigree, la possibilité de trouver du travail dans un grand groupe ne représentait pas une difficulté majeure. Mais l’appétence n’était pas là. « J’avais envie d’autre chose. J’ai fait le choix de l’indépendance en sachant que je renonçais à un certain niveau de revenus, mais je suis beaucoup plus épanoui aujourd’hui. Je passe du temps avec mes enfants, je choisis les projets sur lesquels je travaille, avec la confiance de mes clients. Croyez-moi, ça n’a pas de prix. » Il partage donc son temps entre des missions de quelques mois et des projets de plus long terme qui font sens à ses yeux, comme le développement d’une plateforme de vente de gaz naturel liquéfié produit en Afrique de l’Ouest. Et quand il s’ennuie ? Entre deux balades sportives dans la forêt des Yvelines, Marc-Henry Lebrun réfléchit à deux inventions dont il aimerait faire déposer les brevets. Oui, rien que ça.
par Déborah Coeffier