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François Rojas, 45 ans, dirige un cabinet spécialisé dans l’organisation, la transformation et le restructuring de PME. Un véritable secouriste pour les entreprises arrivées à la croisée des chemins.
« A priori, je ne suis pas trop chiant. » Une phrase de bon augure et qui de si bonne heure, un froid matin de décembre, réchauffe les cœurs. François Rojas intrigue. Le genre que vous étudiez à la loupe pour surprendre un regard, une moue, une mimique, pour anticiper le cours de ses pensées, deviner quels mécanismes complexes animent un esprit à la fois pragmatique et sarcastique, avec juste ce qu’il faut d’auto-dérision. Chemise immaculée au col droit, taillée pour le nœud papillon, lunettes aviateurs, la mèche rebelle mais disciplinée, le quadra affiche le look d’un concertiste. Pas surprenant lorsque l’on sait qu’il fut un pianiste particulièrement doué dans sa prime jeunesse.
L’homme se livre peu, ou avec pudeur. Il parle de son métier avec honnêteté et passion, dans un discours fleuve, émaillé d’analyses pointues, d’anglicismes et d’une touche de gouaille : « Je n’ai jamais compris cette manie de caler des réunions importantes aux aurores. Il faut se lever encore plus tôt, se taper une heure de transport avec des gens aussi blasés que vous. Comme si la souffrance était un préalable au labeur. Je sais que j’exagère, mais c’est le reflet d’une organisation à l’ancienne où il faut montrer qu’on est sérieux en arrivant tôt le matin et qu’on est travailleur en partant une heure plus tard que tous les autres. Ça n’a jamais fait sens pour moi. »
« La compétition, c’est du temps d’incertitude »
Cette organisation, François Rojas s’en est affranchi. Le travail en distanciel, armé d’un téléphone et branché à la wifi, voilà des années qu’il le pratique. Depuis 2011, lorsqu’il avait quitté sa place de directeur associé pour se mettre à son compte. Un soulagement à l’époque de « ne plus être dans l’ambiguïté permanente avec les clients et de ne plus se sentir marcher sur les plates-bandes des collègues. La compétition, c’est du temps d’incertitude. » Il a troqué la lourdeur des structures hiérarchisées pour la souplesse de l’indépendance, s’associant régulièrement à des partenaires en qui il sait pouvoir faire confiance. « Seul, on ne fait jamais rien », aime-t-il rappeler.
L’homme est un efficace dans l’âme, qui ne rechigne pas à la tâche, en particulier lorsque le contexte est dégradé. Il faut savoir mettre les mains dans le cambouis, ne pas compter ses heures et — parfois — poser le doigt où le bât blesse. Son cabinet de conseil est spécialisé dans le restructuring et la gestion de crise. Quand une entreprise fait appel à ses services, c’est qu’elle souhaite se réorganiser profondément ou qu’elle va mal, et peut-être très mal. Souvent à quelques mois de la cessation de paiement. « À plusieurs occasions, j’ai dû expliquer à des clients qu’ils avaient un retard sur la concurrence et qu’ils devaient évoluer. Ce n’est jamais facile de leur annoncer qu’il faut restructurer la société fondée par leur père ou leur grand-père. La charge symbolique est énorme. » Il y a aussi bien sûr des décalages entre les têtes pensantes et la réalité du terrain, les caractères avec lesquels il faut composer, les directives qu’on ne vous donne pas mais qui sont implicites…
Une partie de ses activités le conduit régulièrement aux quatre coins du pays, à collaborer avec des PME-ETI (de quelques dizaines à quelques centaines d’employés), souvent des entreprises familiales et historiques, pour transformer leur modèle d’organisation. « J’aime la notion d’électrochoc positif. Mon travail n’est pas simplement celui d’un urgentiste qui poserait un pansement sur une plaie béante. Je suis un secouriste au sens complet du terme. J’accompagne les entreprises pour trouver la source du dysfonctionnement, j’interviens en salle d’opération et je suis présent pendant la phase de convalescence. » Du diagnostic à la rémission, il faut des solutions sur mesure, chaque entreprise est unique.
Le but est toujours de sauver la structure, ses emplois, son avenir et des familles. François Rojas regarde la réalité en face, sans rien taire des obstacles à franchir. Son honnêteté, parfois déconcertante, est le reflet d’un investissement sincère et d’un professionnalisme de tous les instants. Sans angélisme, mais avec humour et bienveillance, il fait de son cabinet l’antidote et le remède pour toutes les entreprises en quête d’un second souffle.
Déborah Coeffier