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Les enjeux d’optimisation de la Supply Chain dans l’industrie pharmaceutiques sont connus de longue date :
Ajoutons à cela, même si cela n’est pas un enjeu en soi, la digitalisation accélérée de maillons entiers de la Supply Chain.
Et pourtant, depuis de nombreuses années, les nombreux projets menés visant à réduire les niveaux de stock n’ont produit que des résultats limités par rapport à d’autres industries comme l’automobile ou l’agro-alimentaire. Autant de capital immobilisé, qui représente un cout d’opportunité, freinant par exemple le financement de la croissance externe. De même, les améliorations de niveau de service sont infimes dans une industrie où une rupture de stock, à l’exception de certains médicaments OTC (2) signifie rarement une vente perdue. Ainsi, on peut estimer qu’un point d’OTIF(3) représente moins de 0,1% de chiffre d’affaires supplémentaire. Et pourtant, ces dernières années, la majorité des grands labos ont engagé d’ambitieux programmes de refonte de la Supply Chain, tout au moins dans les montants investis, la plupart du temps autour de mise à niveau des technologies supportant les différents processus de la Supply Chain. Alors pourquoi autant d’efforts pour des résultats ne représentant pas au final un véritable saut de performance ?
D’abord pour des raisons structurelles. Avec la délocalisation en Chine et surtout en Inde des usines de principes actifs en amont, une part croissante du manufacturing aujourd’hui sous-traitée (les grands labos travaillent avec en moyenne 100 à 200 Contract Manufacturers)(4), et à l’autre extrémité, un footprint commercial toujours plus étendu, les chaines de valeurs se sont complexifiées. Ensuite, au-delà du morcellement du schéma industriel, la complexité croissante du portefeuille produit et les exigences réglementaires de disponibilité de certains médicaments dans certains pays (ex. : Russie), entrainent mécaniquement une hausse des stocks de sécurité et des cycles . Ainsi, une partie de l’amélioration des niveaux de stock et de service, se trouvent en permanence réduite par ces facteurs. Enfin l’arbitrage coût / capital / service est fortement contraint par la Finance (impératif de disponibilité produit compte tenu des marges brutes) d’un côté et le manufacturing (sérialisation, qualité et conformité) de l’autre. Nous avons là une partie de la réponse à cet apparent manque de progrès, en tous cas dans les chiffres.
Alors, cette « sous-optimisation » de la Supply Chain est-elle une fatalité ? L’industrie est-elle condamnée à investir dans de plus en en plus dans la digitalisation pour des ROI limités ou qui seront absorbés par les tendances exposées ci-dessus ? Pas si sûr … Voici à notre avis 3 grandes pistes d’optimisation.
En effet, parler de la Supply Chain dans l’industrie pharmaceutique comme d’un monolithe a peu de sens. Quels points communs entre la Supply Chain d’un médicament grand public OTC et celle d’un produit biotech à très haute valeur ajoutée distribué à quelques dizaines de milliers de patients dans le monde ? Très peu, pour ne pas dire aucun.
Le portefeuille produit peut être catégorisé en 3 grandes familles, chacune répondant à sa propre logique en termes de stratégie Supply Chain :
Ces modèles sont plus ou moins reconnus au sein des grands laboratoires, mais, hormis au niveau du Customer Service, ils se traduisent encore peu dans la réalité du pilotage de la Supply Chain. Les modèles d’organisation et de collaboration sont souvent les mêmes, les KPIs et incentives des managers les mêmes, les processus de planification et déploiement des stocks peu différenciés.
Au final, les technologies (APS et autres), les organisations intégrées entre ces 3 modèles, empêchent bien souvent de faire vivre un ADN de la collaboration sur des chaines de valeur, qui bien souvent ont peu en commun. Une stratégie Supply Chain cohérente basée sur cette segmentation permet d’équilibrer flexibilité et coûts au travers de tous les composants de Supply Chain, et ainsi d’allouer au mieux le capital.
La visibilité d’un bout à l’autre de la chaine de valeur reste complexe à obtenir, la cartographie même des flux produits, du principe actif aux opérations commerciales étant un exercice que tous les grands labos ne maitrisent pas. Ce manque de visibilité rend chaque maillon de la chaine trop prudent dans le dimensionnement de ses stocks entrants. Les organisations et les systèmes d’inventaire font le reste : chacun optimise encore à son échelon local, le résultat étant un niveau de stock excessif sans pour autant garantir le niveau de service. Alors quels leviers ?
D’abord, la meilleure intégration des nombreux Contract Manufacturers, 100 à 200 en moyenne pour les grands labos. Demande et stocks sont encore mal partagés pour de multiples raisons, pas toujours techniques. Le pilotage du réseau externe hésite souvent entre une logique de production et une logique de supply. Dans un marché où l’innovation devient compliquée, impliquer les Contract Manufacturers dans le design (packaging, device) peut devenir clé pour faire la différence. Gérer ce réseau de manière optimale signifie aussi impliquer des fonctions au-delà des Operations et de la Supply Chain, tout particulièrement le Marketing, la Qualité et le Business Développement, de manière à prendre des décisions équilibrées, prenant en compte tous les aspects du “total cost of ownership”, du risque et des stratégies des concurrents.
Ensuite, sur le plan opérationnel, il faut mieux intégrer la Qualité, souvent une fonction forte et autonome, intercalée entre les différentes étapes du manufacturing et la Supply Chain. Reposant sur des tâches à forte technicité, non gammées et critiques d’un point de vue règlementaire, il est bien souvent impossible de connaitre le délai de libération du produit. Le résultat est sans surprise : dimensionnement des stocks de sécurité sur le délai le plus long, personne ne voulant prendre la responsabilité d’une rupture. C’est un facteur non négligeable pour certaines familles de produit d’augmentation de niveau des stocks.
Pour une part croissante du portefeuille des grands labos, la Supply Chain a toutes les caractéristiques d’une Supply Chain Consumer Goods décrite plus haut dans un marché européen où la part des génériques dépasse les 20%.
Des laboratoires comme Sanofi, Pfizer, GlaxoSmithKline, Novartis, Beiersdorf ont une part conséquente de leur portefeuille en OTC ou en Rx en concurrence avec des fabricants de génériques comme Teva. Maximiser la valeur de ce portefeuille est un impératif stratégique. Tout comme dans l’aérien où les acteurs historiques se sont retrouvés en concurrence avec les low-costs, c’est non seulement la Supply Chain mais tout l’Operating model qui est à repenser. A titre d’exemple, en reposant sur une connaissance fine des coûts, le pricing peut être repensé pour passer d’un système de pricing « value based » à un système « cost plus ». C’est plus généralement une culture Lean qui est à construire.
Ces 3 grands leviers d’optimisation de la Supply Chain, pour être mis en œuvre, vont nécessiter de repenser les organisations, les compétences requises, les mécanismes de collaboration et d’incentives en profondeur. Au-delà des investissements dans la digitalisation, certes incontournables, c’est bien aussi le facteur humain qui fera la différence demain entre les Supply Chain d’excellence et les autres dans l’industrie pharmaceutique.
Charles SADONE
Client partner NC Partners on Demand
Spécialiste de la performance des opérations dans l’industrie