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L’experte, spécialiste des opérations de développement et d’aménagement urbain de 42 ans, a monté sa structure dédiée à l’accompagnement des opérateurs publics, privés ou de la société civile sur des projets à impact.
Une fois n’est pas coutume, notre interview du jour a lieu dans une voiture. Oulfa Sennani vient de déposer sa fille de 6 ans à l’école de musique pour sa leçon de piano à Rabat et profite que la petite fasse ses gammes pour me raconter son parcours. Un parcours à la fois logique et plein de rebondissements. L’image fait d’autant plus sourire qu’avec ses bijoux discrets et élégants, ses traits fins et son langage châtié, le décor d’un habitacle détonne un peu. Oulfa Sennani grandit dans un milieu ouvert sur le monde et privilégié.Son père, chef d’entreprise est un passionné de géopolitique et d’échecs : « J’ai eu la chance d’avoir des parents très sensibles à l’art, ce qui m’a guidée dès le plus jeune âge vers ma passion pour le violon. Au-delà de la passion, l’art a constitué un véritable pilier de mon éducation, mêlant la créativité à la persévérance. »
A 17 ans, Oulfa décide de suivre l’exemple de ses sœurs et part étudier à l’étranger. Elle est reçue en prépa HEC au lycée Henri IV. Bien qu’excellente élève, le système ne lui correspond pas du tout. Oulfa décide donc de rejoindre la Sorbonne où elle décroche une licence de mathématiques appliquées aux sciences sociales. Si la matière la passionne, elle sait aussi que les débouchés sont limités. Via un système d’admission parallèle, elle intègre alors l’ESC Nice pour obtenir un diplôme en finance d’entreprise. Pour son stage de fin d’études, en 2005, elle passe un an chez Capgemini à Paris « dans une équipe bienveillante », où elle est en charge de la consolidation des reporting de toutes les business units du groupe. « Avec le recul, je me rends compte que mon sens de la coordination était déjà là et que cela a été un fil rouge durant toute ma carrière. »
Mission humanitaire en Indonésie
A la fin du stage, Oulfa est la croisée des chemins. Que faire ? Rentrer au Maroc comme tant de ses compatriotes ou tenter l’aventure professionnelle française ? Ni l’un, ni l’autre. Elle plaque tout pour partir faire de l’humanitaire à Banda Aceh avec les Nations-Unies, près de l’épicentre du tsunami qui a ravagé les côtes indonésiennes. « J’avais le sentiment que c’était le moment pour moi d’accomplir la mission que je m’étais assignée depuis bien longtemps. » Pendant un an, Oulfa travaille avec toutes les agences onusiennes et les ONG sur place pour faire acheminer matériaux de construction et denrées alimentaires au profit des populations coupées du monde. L’expérience est fondatrice, pour autant, la jeune femme décide de ne pas rempiler. « L’humanitaire exige des sacrifices parfois lourds de conséquences sur soi et ses proches », explique-t-elle. A son retour au Maroc, Oulfa est toujours la même mais un peu différente. « Je ne m’étais pas métamorphosée mais je me sentais sereine, accomplie. Complète d’une certaine manière. »
Dans la foulée, elle intègre un cabinet de conseil à Casablanca, sa ville natale. Elle y retrouve une ambiance familière, « chaleureuse », avec des équipes formées en France, aux mêmes méthodes. Elle est essentiellement affectée à des missions de pilotage de politiques publiques et de refonte organisationnelle des ministères et établissements publics. “La stratégie ne me parle pas nécessairement. J’ai besoin de projeter des idées, des visions, des ambitions de manière opérationnelle. En clair, j’aime le concret », assure la lumineuse Oulfa.
Mais après cinq années riches en apprentissage, l’appel du large se fait sentir. Oulfa a développé une expertise qui peut être exploitée ailleurs. Appelez cela de la chance ou le destin, sa vie professionnelle bascule avec une simple candidature spontanée à l’Agence française de développement. « L’offre de recrutement n’avait pas encore été publiée.” »Commence alors une aventure de dix années à Rabat où l’ex-consultante s’attache à faire sortir de terre des projets d’aménagement et de développement urbain, au niveau local comme panafricain. « Outre les infrastructures, j’ai eu l’opportunité de travailler sur des thématiques d’éducation citoyenne et d’inclusion sociale par le sport, la culture ou encore l’économie solidaire mais toujours sous le prisme territorial. Il faut aller vers l’innovation et l’agilité pour aider les autres, sortir par moment des sentiers battus et oser l’expérimentation pour créer plus d’impact, et pour cela l’AFD est une grande école. »
De l’Agence française de développement à la création d’Ino Impact
Pour autant, après une décennie, Oulfa Sennani fait aussi le constat des difficultés de certains partenaires à se conformer aux exigences des bailleurs de fonds. Que ce soit dans le reporting, la réalisation des indicateurs ou dans l’évaluation des retombées économiques, sociales et environnementales des projets. « Ce sont deux mondes qui n’arrivent pas toujours à se comprendre, malgré toute la volonté déployée. Le déblocage des fonds n’est finalement que le tout-début d’un projet. Les priorités d’un bailleur peuvent paraître secondaires pour l’opérateur. Il faut constamment suivre, ajuster, fédérer, mesurer et évaluer pour garantir dans la durée la réussite d’un projet de développement. »
Oulfa a ainsi créé en 2022 Ino Impact, une structure spécialement dédiée à l’accompagnement de projets de développement dans une approche intégrée, de la conception et la concrétisation à l’évaluation et à la capitalisation, prônant des valeurs fondées sur la confiance, la proximité et la co-construction avec ses partenaires. Elle travaille aussi bien au Maroc que dans le continent africain. « Mon but est de créer des ponts, des synergies entre les bailleurs de fonds et les acteurs engagés pour un avenir meilleur. »