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Le consultant indépendant, spécialiste de la transition écologique et de la responsabilité sociale des entreprises (RSE), accompagne les sociétés et les collectivités à devenir éco-responsables. Avec à chaque fois un plan de bataille et une priorisation des problématiques, quand elles ne savent pas par où commencer.
Oui, Manuel Trarieux, 40 ans et cheveux poivre et sel, porte ses convictions comme un étendard, de manière presque inconsciente. Comme si à force de se battre tous les jours, politiquement comme professionnellement, pour la transition écologique, le tout avait déteint sur lui. D’ailleurs son pull du jour est d’un vert profond. Élu d’une commune de 35 000 habitants, il bannit la viande rouge de son foyer, fait ses courses en vrac et en bio, se déplace uniquement en transports en commun et à vélo, fait la distribution de la collecte alimentaire du Secours populaire. “J’essaye d’appliquer ce que je prône dans la vie de tous les jours. Quand on n’est pas cohérent, croyez-moi, les clients vous le mettent dans les dents.”
Car dans un monde où le réchauffement climatique est sur toutes les lèvres, beaucoup d’entreprises n’ont plus le choix que de se repenser pour un modèle plus vertueux. Mieux vaut prévenir que guérir, se disent-elles, conscientes que les crises à venir sont inéluctables. “Je suis le caillou dans la chaussure. Je viens questionner leur modèle économique. Pour assurer leur pérennité, il est indispensable d’entamer une transition. Beaucoup d’entreprises sont volontaires mais ont du mal à dépasser ce que j’appelle “l’épaisseur du trait” de l’analyse de leur matérialité. Tout simplement parce qu’il n’y a pas de ressources en interne. Mon rôle est d’éclairer les enjeux et les ordres de grandeur des changements à opérer”, détaille Manuel Trarieux. Un exemple ? Celui d’un groupe spécialisé dans l’hôtellerie de plein air, avec une clientèle majoritairement issue du Nord de l’Europe. Manuel Trarieux a démontré que plutôt que de s’interroger en premier lieu sur la gestion des déchets, il fallait d’abord questionner les besoins en énergie et l’origine géographique des campeurs. Prendre de la hauteur en soi.
Les mains dans le cambouis
La mobilité, le logement et l’alimentation. Voilà le triptyque à retenir. Manuel Trarieux est de ce point de vue un généraliste plutôt qu’un spécialiste. Après des études de géologie à la fac de Grenoble et un détour par la glaciologie, le passionné de montagne intègre l’Ecole des Mines en 2006 avec un objectif bien précis en tête. “À l’époque, les questions écologiques n’étaient plus débattues depuis longtemps dans les cercles scientifiques. En revanche, il y avait un vrai déficit de connaissance dans le monde économique. C’est toujours en partie vrai, d’ailleurs. Les Mines proposait une formation en développement durable, ce qui était encore assez rare. Mais on parlait surtout économie et industrie, assez peu de certains enjeux.”
À la sortie de l’école d’ingénieur, le jeune diplômé rejoint le cabinet d’études Bio Intelligence Service. Sa mission : réaliser des bilans environnementaux et des analyses de cycle de vie pour des entreprises comme des collectivités. Sur chaque objet ou process qu’on lui soumet, il analyse les risques en termes de pollution de l’air, de l’eau, de la biodiversité… en mettant littéralement les mains dans le cambouis. “Cela permet une approche bien plus large que celle placée sous le seul prisme du changement climatique que l’on voit fleurir un peu partout. La gestion des déchets est peu génératrice de gaz à effets de serre, pour autant leur prise en compte est essentielle dans certains secteurs d’activités”, souligne l’intéressé.
“Ajouter des virgules au rendu client”
En 2014, fort d’un profil peu répandu, Manuel est recruté par Deloitte comme manager pour développer le marché de la transition écologique dans les collectivités. Il traite aussi bien d’économie circulaire que de gaspillage alimentaire ou encore de politiques publiques environnementales et territoriales. Rapidement, il est nommé senior manager et directeur de projets et poursuit son ascension dans le cabinet. Mais il n’y trouve pas son compte : “Pour progresser, il fallait nécessairement encadrer plus de monde, envoyer plus de propositions commerciales et donc s’éloigner du terrain. Si la gestion RH ne m’a jamais déplu, le fait de simplement ajouter des virgules au “rendu client” était source de frustration.” Après mûre réflexion, il décide alors de se mettre à son compte.
Il crée son cabinet de conseil en stratégie développement durable et RSE, dans la région lyonnaise, un matin de janvier 2019 : Au-Dev-Ant. Une structure agile qui lui permet d’accompagner de A à Z, parfois sur plusieurs années, des structures dont les ressources ne leur permettent pas de faire une révolution copernicienne en interne. “Je veux tout faire, même les choses rébarbatives : la compilation de données, les relevés sur le terrain, l’administratif… C’est comme ça que je m’épanouis. J’aime être face à mes clients et face aux responsabilités qui en découlent.” D’ailleurs, il enchaîne les missions. Le seul inconvénient, il l’avoue, c’est “de ne plus avoir de collègue avec qui échanger à la machine à café.” Mais c’est aussi le prix de l’indépendance. Celle d’une liberté retrouvée.
Déborah Coeffier