Pour ne rien manquer, abonnez-vous à notre newsletter et recevez tous les mois les dernières actualités Bluebirds et des différents secteurs
Restons connectés
Restons connectés
Pour ne rien manquer, abonnez-vous à notre newsletter et recevez tous les mois les dernières actualités Bluebirds et des différents secteurs
Équilibres à partager
Au cœur de la crise de la COVID-19, les salles de cinémas sont fermées et les exploitants se retrouvent dans une grande détresse financière. Le premier confinement a constitué une perte significative de chiffre d’affaires. Le second amplifie les pertes, annihile les efforts de reprise, sans aucune certitude pour les mois à venir.
D’autres chiffres documentent l’ampleur de la crise : le nombre de malades et d’hospitalisations, l’inflexion du PIB, le montant des garanties et des aides distribuées, l’augmentation de la dette, le nombre de chômeurs partiels, …
Malgré le grand nombre d’informations et de chiffres disponibles, la sensation de flou et d’incertitude perdure.
On assiste à une forte modification des équilibres économiques au plan national mais également au sein de chaque secteur d’activité.
Des arbitrages clés sont rendus dans l’urgence, pour répondre aux enjeux de court terme.
Différentes solutions sont testées puis ajustées en temps réel.
Or chaque acteur, chaque secteur présente des qualités propres et des relations avec l’extérieur. Dans une situation d’instabilité, ces caractéristiques conditionnent la performance des aides apportées.
Au sein du secteur de la production audiovisuelle et cinématographique, les interactions entre acteurs sont nombreuses et complexes. Le secteur est largement soutenu. Ainsi, plus d’une centaine d’aides gérées par le CNC sont attribuées à l’ensemble des acteurs.
Une aide aux exploitants de salle est vitale mais ne peut être décolérée du reste du système d’aides. Les salles ne représentent qu’un maillon d’une chaîne de valeur, par ailleurs très fragile.
Par exemple, la qualité et la quantité des films produits ainsi que leur promotion conditionnent le nombre d’entrées. Les taxes sur les entrées en salle financent les aides de l’année suivante. Si les entrées baissent, le financement de la production de films diminuent à terme. Un cercle vicieux est amorcé.
Les taxes, les subventions et les aides du CNC sont pensées pour un système donné et des flux relativement stables. Lorsque la conjoncture change, l’organisation des aides est naturellement remise en cause.
Comment prévoir l’évolution du système d’aides en pensant le temps long ?
Comment maximiser, sous contrainte de ressources, l’impact des aides pour l’ensemble du secteur ?
L’esquisse d’une réponse à ces questions passe par une cartographie des acteurs et leurs interdépendances.
L’importance du lien
La chaîne de valeur du cinéma peut se représenter en regroupant les acteurs par typologie, comme ci-dessous :
La représentation est statique et les liens entre actions ne sont pas précisés.
Cette photo de la situation ne rend pas compte de la dynamique du système.
L’approche systémique consiste à analyser les liens entre acteurs pour rendre compte de la dynamique du système. Elle permet d’appréhender l’instabilité, l’ambiguïté des situations et de détourer des solutions durables, de nouvelles positions d’équilibre.
Dans le cas du cinéma, on mettrait en évidence les relations financières suivantes :
Chaque lien est qualifié et quantifié. Les règles d’évolution sont définies à partir
d’observations passées ou de règles établies, en accord avec les acteurs concernés.
En fonction d’hypothèses et des scénarios choisis, on visualise les flux et les situations de chaque entité. L’impact des décisions devient mesurable.
Il devient possible d’adresser des questions comme :
Modèle à emporter
Au-delà d’une approche savante, la réussite d’un projet de modélisation systémique tient à la simplicité de la démarche. Elle doit être alignée avec les contraintes opérationnelles et les objectifs des donneurs d’ordre.
Un modèle est, par nature, une représentation imparfaite de la réalité.
Par conséquent, le pragmatisme est de rigueur pour éviter de chercher une précision et une véracité illusoires conduisant à des projets sans fin et des modélisations inexploitables.
Pour éviter les écueils lors de l’élaboration du modèle, il est important de se concentrer sur les objectifs de la démarche. Ils peuvent s’énoncer comme suit :
On privilégie par conséquent une démarche participative et itérative, où chaque acteur pourra assister et valider les choix de simplification adoptés.
C’est l’occasion de hiérarchiser les enjeux, les importances relatives des liens entre acteurs, les points d’attention à approfondir.
Des étapes intermédiaires de restitution sont prévues au cours de l’élaboration du modèle.
Il s’agit de valider que les chiffres clés et les principaux indicateurs sont bien présents, que la dynamique correspond aux intuitions de chacun, que l’on dispose des liens permettant de simuler les décisions possibles.
Il est aussi possible de choisir les interfaces de simulations, les formats de restitution, afin d’être en mesure de produire et documenter différents scénarios en répondant aux attentes de chacun.
Les restitutions s’organisent autour de cartographies de l’ensemble du système et d’indicateurs choisis.
Le chemin est la destination
Un modèle systémique suppose de prendre du recul, de hiérarchiser et de simplifier.
Traditionnellement, l’analyse systémique s’applique en écologie afin d’analyser les flux au sein des écosystèmes et d’identifier les risques. La permaculture, en prenant en considération la biodiversité de chaque système vise à créer des écosystèmes stables et durables.
L’analyse systémique est également répandue en sociologie et en management, avec une vision centrée sur les interactions au sein d’un groupe. Son usage est particulièrement bien adapté aux problématiques soulevées par l’Économie Sociale et Solidaire.
L’explicitation des interactions pouvant révéler des pistes pour une meilleure répartition des richesses, une plus grande équité, ainsi qu’une préservation de l’économie et de l’environnement.
Au sein des entreprises, des secteurs industriels ou des institutions économiques, elle apporte une quantification des enjeux dans la durée permettant de préciser les stratégies.
Elle s’applique à tous les secteurs.
Son intérêt est renforcé lorsque la démarche est collective, impliquant des représentants de l’ensemble des parties prenantes.
Évidemment, en fonction de la sensibilité des données, des règles de confidentialité peuvent être instaurées. Le consultant peut jouer le rôle de tiers de confiance, de « boîte noire », recueillant et compilant les données de chacun et ne restituant que des agrégats adaptés à l’audience.
La démarche participe ainsi à l’objectivation des différences de point de vue, à la rationalisation de questions conflictuelles, à la pacification des débats, à l’adhésion et à la mobilisation des équipes. Il n’est pas rare que la plupart des questions en suspens soient levées au cours de l’élaboration du modèle et des restitutions intermédiaires.
De plus, lorsque les personnels ou les entités ont tendance à se renfermer sur eux-mêmes, réflexe commun en temps de crise, l’usage d’outils quantitatifs partagés fait prendre conscience de l’importance de penser l’autre, point déterminant dans la maximisation du bien commun.
Lorsque les grands équilibres sont remis en cause, l’élaboration d’un business plan sans vision globale prend des airs d’autosuggestion. L’analyse systémique devient stratégique. Elle peut s’appliquer dans tous les domaines d’activités, en adaptant l’intensité de la démarche aux problématiques rencontrées.
Thomas Tassin
Consultant en stratégie, finance, innovation dans les médias, culture, télécoms, transports
Membre de la communauté NC Partners On Demand