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À la tête du consortium d’entreprises Batsela Holding Group, basé à Londres, Joel Nzali est à la fois consultant en stratégie et en ingénierie financière, mais également un business angel à la direction des fonds d’investissement familiaux.
Accrochez vos ceintures et suivez le rythme ! Toujours entre deux négociations, deux montages financiers et un planning évolutif au fil des heures, Joel Nzali n’est pas un homme avec qui il est facile de prendre rendez-vous. D’autant qu’il faut jongler avec le décalage horaire. Notre rencontre virtuelle a lieu entre Dubaï et la France. Lui dans une suite d’un hôtel, moi dans ma cuisine. Avec ses yeux rieurs, son rire contagieux et son charisme naturel, Joel détaille les raisons de son séjour prolongé dans l’émirat. Missionné par un club de foot de Ligue 1 à la recherche d’un second souffle et actuellement en vente – “Le président du club vous dirait que “Non, absolument pas !”, – il doit convaincre plusieurs partenaires d’investir et de lever des capitaux. “C’est un beau projet, ambitieux pour la ville d’un point de vue socio-économique.” Mais pourquoi le faire à Dubaï ? Parce que depuis la Covid, le Brexit et la guerre en Ukraine, de nombreux investisseurs internationaux se sont repliés vers les Pays du Golfe, à la faveur d’une réglementation financière à la fois bienveillante et plus transparente. Le monde des affaires se rencontre désormais ici, sous la chaleur écrasante du Moyen-Orient, plutôt que dans les grandes tours grises de la City.
En parallèle, Joel gère aussi un projet d’ouverture d’un hôtel cinq étoiles avec spa du côté de Blaye, lance un projet innovant de stockage alimentaire froid dans plusieurs pays d’Afrique, conseille une start-up en plein boom qui opère dans la sécurisation de transfert de données et distille conseils et contacts dans les différents conseils d’administration où il siège. “Quand nous avons lancé notre premier cabinet conseil en 2008 avec mon père, qui était avocat d’affaires internationales, le cabinet était avant tout spécialisé dans le pilotage de projets opérationnels, l’optimisation de performance et les opérations financières classiques (LBO, M&A, levées de fonds…). Nous nous sommes rapidement positionnés comme des entrepreneurs, qui n’avaient pas peur de soutenir des projets risqués et complexes et aidaient à lancer des opérations dont personne ne voulait. C’est comme ça que nous nous sommes fait un nom. Au bout de quelques années, certains de nos clients n’avaient pas nécessairement les moyens d’assumer nos honoraires. Nous étions très attachés à leurs projets donc nous avons convenu d’une rétribution en parts sociales, en actions et c’est de cette façon que nous avons lancé le fonds d’investissement.” Valorisation, titrisation, credit capacity, développement international… Ces mots rythment son quotidien, comme le vôtre est cadencé par les repas d’une journée.
HPI et polyglotte
Vous vous en doutez donc, Joel est un homme qui n’a pas le temps de s’ennuyer. De toute façon, il déteste ça. Pour s’épanouir, son cerveau a besoin de fonctionner à 100 à l’heure. Il le reconnaît volontiers : la déconnexion est compliquée pour lui. À tel point que son épouse a dû imposer des horaires stricts de consultation de son téléphone professionnel pendant les vacances. “Récemment, elle m’a même enregistré la nuit. Je rêvais à haute voix et je menais une négociation commerciale à la fois en anglais et en italien, c’était complètement hallucinant”, rit-il aux éclats. Mais après tout, en écoutant le récit plus intime de la vie de Joel, il n’y a rien de bien étonnant. Diagnostiqué HPI, parlant couramment six langues, l’homme de 41 ans est né en 1982, à Yaoundé, dans une famille aisée de l’intelligentsia camerounaise. “J’étais le premier garçon d’une famille de six enfants. Nous avons été choyés, mais aussi poussés. D’autant qu’être issu d’une famille riche dans un pays aussi défavorisé, impose des règles de solidarité et d’exemplarité.” Ses parents émigrent en région parisienne alors qu’il a 8 ans, quand son père est recruté par une société spécialisée dans la gestion des parcs HLM. Il passe deux ans à Epinay-sur-Seine avant de s’envoler pour la Guadeloupe où il passera toute son adolescence, dans les pas de son père qui est cette fois affecté à la Direction générale d’une entreprise d’état en difficultés financières.
Élève brillant, Joel n’a pas pour autant un caractère facile. “J’avais un sale tempérament. En terminale, je me suis volontairement sabordé en physique-chimie alors que je tournais à 16-17 de moyenne générale parce que je n’appréciais pas le professeur et je voulais qu’on questionne sa pédagogie. Ça a été ma première vraie leçon de vie car c’est pour cette raison (mes mauvais notes en physiques) que je n’ai pas été reçu en prépa scientifique.” Pour autant, le jeune Joel ne se laisse pas abattre et intègre une prépa HEC de l’île. “J’étais frustré car ma mère ne voulait pas que je parte en prépa en métropole alors que j’avais l’opportunité d’intégrer Henri IV ou Louis Le Grand mais elle estimait que je n’étais pas assez mature.” Peu importe, Joel réussit remarquablement ses concours et est reçu dans de nombreuses écoles de commerce. Il fait aussi le choix audacieux d’intégrer l’ESC Bordeaux (aujourd’hui KEDGE Business School), plutôt qu’une grande école parisienne. En passant les oraux dans certaines écoles, il comprend vite que sa couleur de peau ne lui permettra pas vraiment de se fondre dans le décor. Il attend plus de mixité dans son environnement quotidien et c’est bien pour cette raison qu’il préfère partir dans le Sud. “Honnêtement, je ne supporte pas le manque d’ouverture.” Et il n’a pas envie de prendre le risque de s’y confronter.
À la sortie de l’ESC Bordeaux en 2004, après un intermède d’un an à une fonction de direction dans une PME luxembourgeoise, Joel entame un parcours classique en cabinet de conseil et se spécialise rapidement dans la finance. Il travaille plusieurs années au Luxembourg et en Italie en gravissant les échelons et en enchaînant les missions mais au bout, son objectif est bien de travailler en famille. “Dès que j’ai eu mon diplôme, mon père souhaitait que nous nous associons mais j’avais besoin de faire mes preuves. Je lui ai dit que le jour où un chasseur de tête frapperait à ma porte, on pourrait en reparler. Ça a été le cas quand j’ai eu 26 ans, en 2008, et c’est à ce moment-là que nous avons monté la première entité de ce qui allait devenir le consortium Batsela.” Aujourd’hui, le cabinet s’est transformé en consortium d’entreprises localisées entre le Royaume Uni, le Luxembourg, la France et le Moyen Orient. Avec leurs associés, la famille Nzali travaille dans l’immobilier, l’ingénierie financière, les fonds d’investissements, mais aussi dans le conseil en stratégie.