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Jérémie Benhamou, éco-pragmatique

Extrêmement sollicité, le consultant indépendant, spécialiste de la stratégie bas carbone, s’est fait connaître pour la qualité de son travail et la rigueur de ses analyses. De la comptabilité carbone à la réduction des émissions de gaz à effet de serre, de la sobriété et efficacité énergétique à l’impact de la transition écologique sur le modèle économique des entreprises, il embrasse la question climatique d’un point de vue global.

Par le bouche à oreille, les entreprises en quête de solutions opérationnelles, plutôt que des déclarations à l’emporte-pièce ou de vœux pieux, se refilent son nom et son 06 entre deux couloirs de La Défense. Il faut dire que Jérémie Benhamou commence à se faire connaître. Et qu’il est un homme occupé. Très occupé. Ce consultant, à l’allure de jeune premier made in grandes écoles, est à bientôt 35 ans un homme qui a le luxe de choisir ses missions. Mais Jérémie Benhamou n’aime pas trop en parler. Il n’y a pas là de fausse modestie, mais un réel embarras. Car si aujourd’hui son activité est couronnée de succès, elle a aussi pris du temps à se construire. Dans un monde économique où la question climatique a mis du temps à s’imposer comme une évidence. “J’ai mangé mon pain noir pendant quelques années avec ce sujet, reconnaît en souriant Jérémie Benhamou. Mais les choses ont vraiment évolué ces dernières années.”

En 2011, tout juste diplômé des Mines et de l’Imperial College de Londres, le passionné de physique qu’il est ne fait pas la fine bouche. “Les cabinets de conseil embauchaient en deux coups de cuillère à pot les jeunes ingénieurs. J’ai sauté dans le train en marche”. Un choix surprenant quand on sait que le Jérémie, littéralement absorbé par les questions de l’énergie et du climat qui sont encore balbutiantes de 20 ans, s’était un temps rêvé prof de physique. Mais nous y reviendrons. Car cette appétence pour la pédagogie, sa capacité à parler à tous les publics et à se tenir sereinement devant un auditoire, est peut-être finalement ce qui le distingue des autres consultants.

Indépendance de cœur, critique de l’esprit

Jérémie est donc recruté, passe cinq ans en cabinet et ça lui plaît. Il apprend beaucoup, il change régulièrement de sujet et contrairement à d’autres, il gère très bien le stress. “Je n’ai pas besoin de prendre des risques au quotidien, mais cela ne me gêne pas particulièrement. De même, l’opinion des autres n’est pas un point cardinal. J’ai confiance en moi et je sais que c’est un atout.” Pragmatique dans l’âme, le trentenaire sait garder un regard critique sur tout ce qui l’entoure.

En 2016, il est débauché par une grande entreprise de l’énergie pour lancer et diriger de nouveaux business innovants et décarbonés dans un programme destiné aux “hauts potentiels”. Soit l’antichambre du comité de direction. Pourtant, après deux années réussies, la prochaine mission qu’on lui soumet n’a aucun lien avec son sujet de prédilection : l’énergie et le climat. Le tout jeune père de famille préfère alors faire un choix radical : “J’avais en horreur de ne pas choisir ce sur quoi je travaillais. Au bout d’un moment, cela a pris trop de place et je me suis dit que j’allais me lancer en tant qu’indépendant”. Nous sommes en 2018.

Prof le jour, consultant la nuit

En bon cartésien qu’il est, Jérémie mesure la hauteur de marche, décide de prendre son temps pour faire les choses bien. Et c’est là qu’un vieux rêve revient par la fenêtre. “J’ai un temps pensé au professorat et je me suis dit que c’était le moment d’essayer.” Le directeur du très chic lycée de La Rochefoucauld, dans le 7e arrondissement, lui propose alors un poste à mi-temps en physique-chimie pour la rentrée scolaire. Il sera chargé de classes de 1ère S. « Cet été-là, j’ai beaucoup travaillé. Je voulais être à la hauteur et j’ai abordé la chose avec humilité.” Pendant un an, en parallèle du montage de sa structure et de premières missions de consultant indépendant, Jérémie parle donc mécanique newtonienne, optique géométrique, corrige des copies et conseille des ados qui se cherchent. « Ça a été une expérience extrêmement enrichissante. J’ai adoré enseigner, même si ce n’était pas une sinécure tous les jours.” Aujourd’hui, c’est aussi grâce à cet « aparté » dans son parcours qu’il peut donner des conférences dans des universités ou des écoles d’ingénieurs, animer des ateliers en entreprise ou encore conseiller des décideurs économiques avec une aisance presque déconcertante. Beaucoup le savent : la pédagogie est un art subtil. Intéresser et conseiller intelligemment un public exigeant sur une matière complexe qui nécessite du doigté et du pragmatisme n’est pas si facile.

C’est d’ailleurs grâce à son discours nuancé et sa compréhension des enjeux aussi économiques, industriels ou tout simplement humains que Jérémie Benhamou tire son épingle du jeu. Preuve en est : le téléphone n’arrête pas de sonner, les sollicitations et les missions se multiplient. Il travaille aussi bien sur l’optimisation des consommations énergétiques que sur la décarbonation d’industries françaises, accompagne les entreprises à la compréhension des réglementations, normes et méthodologies liées à ces thématiques. “Si je suis un écolo convaincu, mon métier a fait de moi un éco-pragmatique. Pour changer leurs habitudes, les entreprises doivent y trouver leurs intérêts. Il faut faire la démonstration qu’elles seront gagnantes à la fin. Entamer un cycle de changement et investir pour l’avenir, ce n’est pas si simple et souvent, il y a d’excellentes raisons à certaines pratiques. Même si parfois, ce sont des absurdités écologiques.” Parce que la protection de l’environnement prend du temps, qu’elle ne se décrète pas mais s’apprend et qu’elle se traduit avant tout par des actes très concrets et (parfois) plus compliqués qu’ils n’y paraissent.

Déborah Coeffier