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Freelancing et transformation des entreprises : effet de mode ou nouveau modèle ?

Freelancing : un phénomène devenu structurel

Longtemps perçu comme une solution d’appoint ou un “choix par défaut”, le freelancing s’est imposé comme une composante durable du monde du travail. Ce que certains voyaient comme un simple effet conjoncturel est devenu, en moins d’une décennie, un mouvement de fond qui redéfinit les organisations.

Les chiffres le confirment. En France, le nombre de travailleurs indépendants a plus que doublé en dix ans (+145 % entre 2009 et 2023, selon l’INSEE). Cette progression s’est accélérée après la crise sanitaire, période durant laquelle de nombreux cadres ont choisi de revoir leur rapport au travail.

Selon une étude de Malt et BCG (Freelancing in Europe 2023), 90 % des freelances français estiment que leur activité est désormais stable ou en croissance, et 72 % des entreprises affirment avoir augmenté leur recours à des indépendants depuis 2020.

Mais le changement le plus marquant n’est pas quantitatif, il est qualitatif.

Les indépendants ne sont plus sollicités pour des missions ponctuelles ou d’exécution, mais pour des interventions structurantes : piloter une réorganisation, définir une trajectoire stratégique, accompagner une fusion, structurer une fonction support, mener un projet complexe ou digitaliser une filière entière.

Ce n’est donc pas une tendance passagère.

C’est l’installation d’un nouveau modèle organisationnel, encore partiellement invisible, mais déjà bien ancré dans la réalité des grandes entreprises comme des ETI.

Pourquoi ce modèle s’impose maintenant

Cette transformation profonde s’explique par la rencontre de deux dynamiques convergentes :

Côté entreprise : une pression accrue sur la performance et l’agilité. Les organisations doivent accélérer leurs transformations, faire face à la complexité réglementaire et technologique, attirer des expertises rares et spécifiques, souvent pour des durées limitées.

Les recrutements classiques ne suffisent plus. Les cycles de décision sont plus courts, les compétences obsolètes plus vite, les projets plus transverses.

Côté indépendant : une aspiration nouvelle à la liberté, à l’impact et à la diversité. De nombreux cadres expérimentés quittent le salariat non pas par désenchantement, mais pour exercer leur métier autrement : avec plus d’autonomie, de sens et de variété.

D’après une étude BCG–Malt (2023), 68 % des freelances seniors citent “la liberté de choisir leurs missions” comme leur première motivation, loin devant la rémunération.

Cette rencontre crée un alignement rare :

Le besoin d’agilité des entreprises rencontre une offre de compétences hautement qualifiée, disponible rapidement, impliquée durablement, mais sans les contraintes du salariat.

Ce que cela transforme dans l’organisation

Le recours aux indépendants ne change pas seulement la composition des équipes. Il transforme la manière de piloter, de collaborer et d’évaluer la performance.

Les entreprises les plus matures ont commencé à ajuster leurs pratiques :

Définir des missions précises : cadrage clair, livrables identifiés, périmètre évolutif.

Adopter une posture partenariale : considérer l’indépendant comme un allié stratégique, pas comme un prestataire occasionnel.

Réinventer l’onboarding : intégrer vite, avec les bons accès et les bons interlocuteurs, sans lourdeur administrative.

Évaluer la contribution : non plus sur la présence ou l’ancienneté, mais sur la valeur produite et les résultats tangibles.

Cette évolution oblige aussi les entreprises à faire dialoguer des fonctions parfois éloignées : RH, achats, métiers, transformation, finance.

Le freelancing devient alors un test grandeur nature de l’agilité organisationnelle : il révèle le niveau de confiance, de fluidité et de coopération entre les services.

Une structuration encore incomplète

Si le recours aux indépendants progresse, la maturité des entreprises sur le sujet reste inégale.

Dans les grands groupes, seuls 23 % disposent aujourd’hui de processus formalisés pour le sourcing et le suivi des freelances (source : McKinsey, The State of Independent Talent, 2023).

Dans les PME et ETI, la proximité avec la direction permet souvent plus de flexibilité, mais elle s’accompagne parfois d’un flou juridique ou contractuel qui fragilise la relation.

Enfin, les départements RH et achats ne disposent pas toujours d’outils adaptés : les plateformes généralistes peinent à répondre aux besoins de missions hautement qualifiées, et les processus internes restent lourds.

L’enjeu, dans les années à venir, sera donc de professionnaliser la relation entreprise–indépendant : clarifier les cadres, harmoniser les pratiques, et créer les conditions d’une collaboration fluide et durable.