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Franck Bouétard, cap sur le futur

Après 24 ans passés chez Ericsson notamment comme directeur général, l’homme de la tech travaille aujourd’hui comme indépendant pour aider les dirigeants de PME de la tech à “passer à l’échelle supérieure”, aussi bien en proposant du conseil en stratégie qu’en travaillant sur des levées de fonds, des réorganisations, du développement commercial ou encore de la recherche de talents.

Le moins que l’on puisse dire, c’est que Franck Bouetard n’a pas de temps à perdre. Nous avions calé un créneau d’une heure pour notre entretien, de 8h à 9h. Il aura duré 53 minutes. Le temps pour lui de se préparer à son rendez-vous suivant qui devait démarrer quelques instants plus tard. “Je suis très pris et pour le dire simplement, j’ai aussi du mal à laisser mon agenda vide”, souligne-t-il. Pour un consultant ayant lancé son activité en janvier 2024, en parallèle de quelques postes de conseil d’administration, et contraint – déjà – de refuser un certain nombre de missions, on peut en déduire que les affaires vont bien. Très bien même. Grâce probablement à une réputation qui le précède, un regard acéré et un caractère pour le moins déterminé.

Il est vrai que le parcours de Franck Bouetard a commencé par une contrariété. À 14-15 ans, il se rêve comme beaucoup d’adolescents une carrière dans le football (une passion toujours vivace aujourd’hui). Mais contrairement à d’autres, le jeune Breton a les capacités d’intégrer un programme de sport-études. Son père, prof de maths, mouche ses ambitions : il fera maths sup-maths spé. La voie royale et rien d’autre. “Mon père a choisi pour moi. Et, avec le recul, il avait bien raison. Mais cela a laissé une empreinte sur notre relation. Je lui ai d’ailleurs dit.” Ce rêve brisé lui donne la rage de vaincre et une motivation supplémentaire pour “faire ses preuves”. Il rate de peu Polytechnique, est reçu à Centrale Paris et SupAéro mais décide d’intégrer Telecom ParisTech. Après deux ans à trimer, il veut s’installer dans la capitale et profiter de la vie.

L’art d’avoir le nez creux

Sa carrière commence en 1990 dans les locaux d’Arthur Andersen où, comme consultant junior, il est missionné pour travailler au sein d’une équipe à l’élaboration du back-office de la Bourse de Paris. Car oui, à cette époque, les investisseurs et représentants des banques travaillent encore sur feuilles volantes. “J’ai travaillé pendant des mois de 8h à minuit mais ça a été une bonne école de la vie.” Il enchaîne avec un Volontariat international (VSNE) à Londres pour Elf Aquitaine dans le développement et l’opération des réseaux télécom terrestres et sur les plateformes pétrolières du groupe au Royaume-Uni. Pour la petite histoire, il utilise déjà à cette époque un téléphone portable pour rester en contact avec celle qui deviendra son épouse. Un engin ultra-moderne de 3 ou 4 kg, comme un signe annonciateur de sa future carrière.

Après un passage rapide, lors de son retour à Paris en 1992, par la jeune start-up américaine Ungermann-Bass, Franck rejoint Alcatel. Nous sommes aux balbutiements d’Internet et des solutions télécom inter-entreprises. Ainsi, il développe l’activité du groupe Alcatel au niveau mondial dans le domaine des réseaux de communication de données pour les entreprises. En six ans, où il sera respectivement directeur du business développement, directeur commercial puis directeur de la stratégie, le chiffre d’affaires passe de 0 à 1500 M€ avec une excellente rentabilité. Une croissance spectaculaire mais dont Franck Bouétard ne cherche pas à se vanter : “Mieux vaut croître plus lentement et garder le contrôle de sa destinée.”

De Paris à Stockholm

En 1999, Franck Bouétard décide de plier bagage, persuadé que la future révolution technologique à venir est dans le rapprochement entre les téléphones portables et Internet. L’avenir lui donnera raison. Il intègre alors la filiale française d’Ericsson. En 24 ans au sein du groupe suédois, son ascension est fulgurante. L’ingénieur de formation va successivement occuper de nombreux postes. De responsable des ventes et du marketing puis directeur général des opérations en France jusqu’en 2004, il devient vice-président du groupe et directeur général de l’activité conseil et intégration de systèmes au siège du groupe à Stockholm, puis directeur général d’Ericsson France de 2009 à 2017, avant d’occuper le poste de directeur général régional pour la France, le Benelux et le Maghreb.

Tout au long de sa carrière, Franck Bouétard va connaître les hauts et les bas qui jalonnent la vie d’un grand groupe : les retournements de stratégie, les plans de restructuration, les gains de parts de marché, l’acquisition de grands comptes, l’ouverture de centres de R&D, la fermeture d’usines, les évolutions de législation… Paradoxalement, l’aventure prend fin à l’aune de 2023 quand Ericsson souhaite Franck de nouveau à l’étranger mais son épouse désire rester en France. “Les choses se sont passées en douceur. J’ai annoncé ma décision et j’ai pu organiser une passation de six mois avec mon successeur.” Une façon polie de dire que ça ne se passe pas toujours aussi bien ailleurs…

Vers d’autres horizons

Depuis, Franck a monté sa propre structure de conseil en stratégie à destination des entreprises réalisant 10 à 100 M€ de chiffre d’affaires. Son réseau personnel et dans les fonds d’investissement a fait des merveilles et il enchaîne les missions. Il en profite aussi pour revoir des amis de 20 ans, se remettre à la course et profiter de cette nouvelle temporalité professionnelle, loin du stress de l’opérationnel qui vous “bouffe la vie”, pour se concentrer sur ses activités de prédilection : la stratégie et les gains de part de marché. Une œuvre bien plus gratifiante. 

Toutefois, l’homme sérieux et un brin austère reste à l’écoute des opportunités. Mais pas à n’importe quel prix : “Je ne m’interdis pas de réintégrer un groupe de la tech, en tant que dirigeant d’une structure à dimension européenne. À condition qu’il y ait un projet de croissance et de développement mais aussi une structure actionnariale qui aura fixé un cap clair.” À ses yeux, les valeurs d’une personne doivent s’aligner avec la culture d’une entreprise. Sans quoi le partenariat est voué à l’échec. Et Franck Bouetard n’est pas du genre à échouer.

Par Déborah Coeffier