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Arnaud Guedj, docteur digital pour e-commerce en berne

Arnaud Guedj a vu Internet grandir comme un enfant faire ses premiers pas. De graphiste chez Wanadoo à directeur e-commerce chez Lenovo, il a accompagné – et souvent devancé – la révolution numérique. Aujourd’hui, il opère comme chief digital officer indépendant, chez Nexperio France.

À mesure qu’Arnaud Guedj, 55 ans, me raconte sa vie, ses ambitions, ses tracas du quotidien, il relève ses grosses lunettes de vue pour les coincer dans ses cheveux épais et noirs. Il se frotte le nez, se cale profondément dans son fauteuil, lève les yeux au ciel et réfléchit à mes questions, pensif. “Pourquoi je me suis formé au marketing ? Peut-être parce que je n’ai pas eu l’occasion de faire une grande école et parce que j’étais frustré de ne pas avoir mon mot à dire sur le site. C’était horripilant pour un architecte et scénographe de formation comme moi.”

Nous sommes en 1998, Arnaud Guedj a 27 ans et il encadre une équipe de quatre graphistes pour Wanadoo. “La navigation, l’arborescence… C’était – comment dire – perfectible. À l’époque, c’était les équipes marketing qui étaient chargées des questions d’interface. Mais tout le monde tâtonnait. Il fallait surtout de la bonne volonté et du bon sens. Finalement, ça n’a pas tellement changé.” Pendant un an, il prend donc des cours du soir aux Arts et Métiers et prend la tête du service de téléchargement des logiciels de la filiale de France Télécom. Son rôle ? Faire vivre l’interface utilisateur, gérer les premiers espaces publicitaires, du moteur de recherche Voilà, les référencements… Ce sont les prémices du e-commerce. Arnaud Guedj assimile en faisant, en essayant, parfois en se trompant, mais surtout en mettant les mains dans le cambouis. Il apprend à coder en téléchargeant les premiers guides HTML, quand d’autres refusent simplement de s’intéresser à ce mastodonte en devenir.

Self made man

Fin 2000, un ancien collègue lui souffle de postuler chez Palm, du nom de la maison-mère des premiers PDA, ces petites tablettes qui font office d’assistants numériques personnels. Il est alors recruté comme responsable du marketing pour le e-commerce. “C’est là que j’ai appris mon métier en répondant à des questions aussi simples que “Comment avoir de la visibilité ? Comment utiliser les bandeaux ? Les newsletters ? Comment déclencher un achat ? Les gens répondent à des lignes décoratives, à des stimuli visuels. Chaque espace, chaque creux, chaque vide provoque une sensation. Et c’est là-dessus qu’il faut capitaliser.” Pour Arnaud Guedj, tout passe par l’expérience client. Derrière l’expression galvaudée, il y a un concept des plus simples. Si le client est content de la façon dont il a acheté un produit, au-delà du produit en lui-même, il parlera avec enthousiasme d’une marque et deviendra (sans s’en rendre compte) un ambassadeur. “Le bouche à oreille, c’est beaucoup moins cher qu’une publicité”, rappelle Arnaud.

En 2007, les PDA n’ont plus le vent en poupe, menacés par l’arrivée fracassante des Blackberry sur le marché. Mais le marché change vite, et Arnaud Guedj, lui, n’aime pas rester en place. Il tente alors le tout pour le tout et postule chez Nokia pour un poste de manager commercial. “Jusque-là, je n’avais jamais fait de vente. Je me suis jeté à l’eau et il faut croire que mes idées ont plu”, résume l’intéressé. Son rôle en tant que responsable des ventes en ligne est alors de faire décoller un marché quasi-inexistant, à une époque où les fabricants ne passent que par des opérateurs pour vendre téléphones et autres accessoires. “Supprimer les intermédiaires permettait d’être un véritable laboratoire pour des produits qui attiraient moins, mais aussi de générer des marges très intéressantes pour l’entreprise.”

En 2011, la guerre Apple-Nokia fait rage et Arnaud Guedj reçoit un petit coup de pouce du destin. Au cours d’un dîner, un ami d’une amie lui fait part de l’arrivée de Lenovo en France et du besoin du groupe de recruter un e-manager pour lancer l’activité e-business. Comme souvent dans sa carrière, Arnaud Guedj rebondit avant même que la page ne soit tournée. Il rejoint le comité exécutif de Lenovo France et met sur pied la stratégie commerciale du Leader mondial du PC pour son arrivée sur le marché de l’hexagone, particulièrement concurrentiel. En 2014, il est nommé directeur général du e-commerce pour toute l’Europe du Sud et en 2021, la zone EMEA rejoint également son portefeuille pour les secteurs de croissance que sont les PME, le gaming et l’éducation. “Pour moi, c’était un retour au marketing pur et aux questions de la satisfaction client. Mon but était de faire comprendre aux équipes qu’elles ne vendaient pas de simples produits mais aussi une image de marque.”

Une vue à 360 degrés sur le digital

Mais l’aventure Lenovo s’arrête brusquement quand l’industrie numérique subit le choc du Covid. Entre les difficultés d’approvisionnement en métaux rares, les chaînes logistiques au bord de l’apoplexie et une clientèle frileuse, la maison-mère procède à une réduction d’effectifs de 10% en Europe. Arnaud Guedj fait partie de la charrette. Qu’à cela ne tienne ! Plutôt que de profiter de ses acquis, le jeune quinqua décide de se former. En 18 mois, il passe une dizaine de certifications à l’Edhec, Yale, l’Essec pour se former à l’IA, aux derniers instruments numériques, et se met à son compte.

Il fonde ainsi Nexperio en 2024 et se fait appeler depuis le “Docteur digital” car il a une vue à 360 degrés sur le digital. “Je m’adresse essentiellement aux petites et moyennes entreprises pour les aider à intégrer l’IA dans leurs process, développer le e-marketing et le e-commerce, tout en complémentarité avec le retail.” Car aujourd’hui, les ventes physiques sont immédiatement concurrencées par les ventes en ligne. Il faut s’adapter tous les jours pour savoir rester concurrentiels. “Je prêche un peu dans le désert, il y a juste l’expérience client, l’expérience client et l’expérience client. Il faut faire en sorte de simplifier la vie du consommateur pour s’attacher leur fidélité. Pourquoi Amazon a autant de succès ? Parce qu’ils livrent au bout de la rue et si un produit ne convient pas, il suffit de le déposer à nouveau au bout de la rue, même déballé. C’est facile et c’est ça qui fait la différence, bien qu’il faille prendre en compte les questions environnementales. Et il y a beaucoup à faire !” Aujourd’hui, Arnaud Guedj soigne les entreprises comme on soigne un organisme : en observant, en écoutant, en ajustant. Le digital, pour lui, n’est pas une fin en soi mais un moyen de rétablir une circulation fluide entre la marque et son client. Un docteur, en somme, qui prescrit surtout du bon sens.

par Déborah Coeffier