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Un cadre réglementaire en pleine évolution
Dès janvier 2016, la loi de modernisation du système de santé met le patient au centre du système. Elle préconise une évolution des pratiques et une coordination à distance de tous les professionnels de santé.
Trois grandes orientations sont données :
Cette loi renforce l’ambulatoire et crée les Groupes Hospitaliers de Territoire (GHT). Elle prévoit une approche globale de la prise en charge dans une logique de parcours de soins, de santé et de vie. Ainsi, les technologies numériques deviennent clés car elles permettent notamment une coordination efficace du parcours de santé. Dans ce contexte, l’introduction des technologies digitales dans le monde médical représente une innovation organisationnelle, comme d’autres domaines économiques l’ont mis en œuvre dès les années 2000.
La loi Ma Santé 2022 (Loi Buzyn de 2019) a pour objectif de créer dans tous les territoires un collectif de soins au service des patients avec de nouveaux moyens :
Cette loi, qui repose sur l’utilisation généralisée du DMP, veut faire du numérique un atout pour le partage de l’information santé et l’évolution des pratiques avec l’objectif que tous les patients aient leur propre espace numérique de santé.
Elle impose aux groupements hospitaliers de territoire (GHT) que les hôpitaux du groupement partagent leurs ressources entre praticiens, voire leurs trésoreries et leurs investissements. Cela aura alors un impact important sur l’évolution des systèmes d’information des hôpitaux.
Les technologies numériques vues du patient
Comme le suggère la loi de 2016 nous abordons la digitalisation en mettant le patient au centre du système de santé. Cette approche est classique dans les méthodes prospectives qui partent du client pour bâtir des scénarii sur les évolutions des marchés. Appliquée à la lettre au système de santé, cette approche est révolutionnaire car le médecin en tant que « sachant » est généralement le point de départ toute réflexion stratégique.
Un domaine où le patient vit une transformation digitale est l’imagerie médicale. Apparue il y a plus d’un siècle, l’imagerie médicale n’a cessé de progresser et s’étoffe de plusieurs avancées majeures grâce aux technologies digitales. Les progrès récents sur la vitesse d’acquisition avec des technologies hybrides a fait entrer l’imagerie médicale dans les blocs opératoires permettant des opérations du cœur en ambulatoire. L’image devient une somme de données et d’interactions entre elles, associée au Big Data et à l’Intelligence Artificielle (IA), l’imagerie médicale va prendre une place encore plus importante dans les années à venir. Ces algorithmes viennent modifier les pratiques médicales. Se pose alors la question du rôle du médecin qui reste, et doit rester le seul à poser le diagnostic et à définir le traitement thérapeutique.
Une autre évolution majeure du digital en santé sont les objets connectés de santé (IoMT : Internet of Medical Things). En 2015, ils devaient révolutionner la médecine et la France se positionnait en pionnière avec des start-up leader dans le domaine. Cependant les contraintes des procédures d’autorisation de mise sur le marché sont incompatibles avec des produits électroniques qui évoluent tous les 18 mois. Aujourd’hui, à l’étranger les IoMT grands publics (montre, bracelet, balance…) sont de plus en plus adoptés dans de nouveaux protocoles médicaux. En France, dans la pratique et la réalité quotidienne, rien n’a réellement évolué dans la relation patient/hôpital. On peut supposer que cela vient d’un blocage des systèmes d’information et du manque de standards. En France le grand public a massivement adopté les IoMT et les données des utilisateurs sont collectées par les GAFAM. Force est de constater que les hôpitaux utilisent marginalement ces outils car leur système d’information et leurs pratiques centralisées ne supporteraient pas la masse de données collectées sans un investissement important.
La simulation, la réalité augmentée et les serious games sont d’autres technologies quitransforment la formation des professions médicales. En France, des progrès considérables ont été faits pour baisser le nombre de problèmes graves entrainant le décès du patient. Dans 70% des cas, ces problèmes sont dus à des défauts de coordination et de communication en situations de stress que la simulation permet d’anticiper sans impact sur la vie de vrais patients. Les serious games sont aussi utilisés dans l’éducation au patient pour lui permettre de mieux vivre avec sa maladie. Aujourd’hui, ils entrent même dans le parcours de soins. Ce sont des outils efficaces pour la rééducation.
Dans le domaine administratif, les principales évolutions intervenues dans la vie du patient par le numérique sont la carte vitale et la plateforme ameli.fr. La prochaine étape devrait être le dossier médical partagé (DMP). Naturellement cette vision est extrêmement réductrice, car il est impossible pour un patient d’imaginer la complexité des myriades de systèmes d’information différents qui gèrent son parcours de soin. Pour la gestion du parcours de santé, il faudra attendre 2022 avec le déploiement de l’Espace Numérique de Santé.
L’Europe tente de protéger les données personnelles de santé dans le Règlement Général de la Protection des Données (RGPD). Sans attendre ce règlement la France a déployé un espace national de confiance en santé qui permet d’échanger des données entre professionnels de santé et établissements de soin. Dans le domaine de la sécurité, les décisions doivent se prendre après une analyse bénéfices/risques. Mais les patients demandent le maximum de sécurité sans généralement accepter la perte de chance quand l’information n’est pas transmise au professionnel de santé. Fort de ce constat, les hommes politiques ont introduit le concept de principe de précaution qui est trop souvent utilisé pour bloquer les innovations.
La téléconsultation une innovation disruptive ?
En juin 2018 comme président de Telecom Paris Santé, j’ai été auditionné par le ministère de la santé et par la HAS. En prenant l’exemple d’Axa qui avait ouvert et mis en place un plateau de téléconsultation avec des médecins urgentistes embauchés, nous avons démontré que dans 25% des cas, le malade est orienté vers une consultation « physique », dans 6,5% vers les urgences, et 3,5 % des appels concernent une assistance médicale. Ainsi 65% des appels sont traités en téléconsultation. Le taux de satisfaction de 95% et le taux de réutilisation de 90% sont donc des indicateurs clés. C’est avec beaucoup de satisfaction que nous avons découvert en septembre 2018 que la téléconsultation était prise en charge par la sécurité sociale. Cette prise en charge a motivé beaucoup de startup à développer des plateformes de téléconsultation.
Cependant cette prise en charge était soumise à plusieurs conditions qui avaient semble-t-il pour but de préserver le Colloque Singulier défini par Georges Duhamel en 1937. Ainsi il fallait que le malade ait déjà consulté le médecin à son cabinet et que la consultation se fasse en vidéo.
Un an après il y avait 1000 consultations remboursées par semaine. La Covid-19 a été un catalyseur qui a provoqué une disruption. Début mars, le gouvernement a supprimé tous les freins qui avait été introduits dans la loi et le nombre important de décès de médecins de ville a modifié leur pratique. 486 369 téléconsultations ont été facturées à l’Assurance Maladie pendant la semaine du 23 au 29 mars 2020. Les téléconsultations constituent désormais plus de 11% de l’ensemble des consultations contre moins de 1% avant la crise.
Les hôpitaux publics ont été obligés de s’adapter dans l’urgence après la consigne ministérielle de faciliter au maximum les téléconsultations. Maintenant, la cible annoncée par l’APHP est l’usage généralisé de la plateforme ORTIF développée par le GRADeS1 d’Ile-de-France. Quid du Schéma Directeur ?
Réussir la Transformation digitale de l’hôpital
En partant du patient, nous venons de montrer que le numérique bouleverse fortement le monde de la santé et que nombre de ces évolutions impactent l’hôpital. La transformation digitale de l’hôpital ne se résume donc pas à l’évolution de son système informatique. Les déploiements annoncés de la e-prescription, la plateforme de bouquets de services communicants et le Health Data Hub doivent être intégrer dans le projet de l’hôpital. De plus, la création des GHT est une opportunité pour migrer d’une infrastructure informatique interne centralisée et fermée à un système d’information partagé et ouvert qui respecte des critères de sécurité supérieurs à ceux du système existant. Il serait dommage que la convergence des systèmes d’information des GHT dotée d’un budget de 14 M€ se limite à la définition d’un identifiant unique pour les patients.
Ayant déployé en 2000 dans l’Europe du sud l’infrastructure Cloud de UUNet/Worldcom, je comprends la réticence des DSI des hôpitaux à migrer vers cette technologie. Il en était de même avec les banques et les grands industriels jusqu’en 2010. Le fiasco des Clouds Souverains à la française, Numergy et Cloudwatt, suivi de la mise en œuvre du Règlement Général Européen sur la protection des données (RGPD), avec le focus sur les données de santé, n’a pas incité les DSI à innover.
Aujourd’hui, maintenir une salle informatique de stockage de données dans un hôpital coûte plus cher et est moins sûr qu’une externalisation. De plus avec le GHT, les utilisateurs sont multisites et dans le cadre du parcours de santé, avec le développement de l’Hospitalisation à Domicile (HAD), les données doivent être partagées avec les professionnels de santé de ville. Cependant l’externalisation impose de repenser les processus de l’organisation interne et en particulier la formation de toutes les personnes ayant accès au système d’information.
Dans ce contexte incertain, les sociétés de conseil qui commencent par facturer un audit de l’existant pour ensuite proposer ce que le consensus interne revendique, ne permettent pas de répondre à ce nouveau paradigme. Un manager de transition, qui a l’habitude de piloter dans des situations imprévisibles, peut-être une aide majeure pour réussir ce qui s’annonce comme une disruption digitale de l’hôpital.
Alain TASSY
Président de VirtualCare et de Télécom Paris Santé
Direction Général, innovation, stratégie et transformation digitale
Membre de Amadeus Executives
Membre de la communauté NC Partners On Demand
1 Groupement Régional d’Appui au Développement de l’eSanté (GRADeS)