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L’industrie n’est pas sexy. Faux ! nous dit un sondage de Harris Interactive en 2021 : 66% des 18-34 ans ont une image bonne ou très bonne de l’industrie. Le diable étant dans le détail, le lecteur qui ira voir l’étude s’apercevra aussi que les jeunes ont une bonne image de tous les secteurs interrogés et que l’industrie arrive avant-dernière avant l’administration publique… Donc faux, l’industrie est sexy, mais il y a encore du chemin à faire avant qu’elle ne soit vraiment très attractive. Et puis l’industrie n’est toujours pas sexy pour nombre de nos citoyens. C’est ce que pensent ces maires qui, limités désormais par la loi dans l’artificialisation des sols et mis sous pression d’associations qui utilisent tous les recours possibles, subissent cette culture d’opposition (voire y participent) et qui le plus souvent finissent par avoir raison des projets d’installation de nouvelles usines dans leur commune. Une usine est un peu comme une éolienne : on perçoit bien ses bénéfices, mais on la préfère chez le voisin. Et si possible, loin ce voisin.
C’est ainsi que Bridor, à force d’oppositions de maires et de recours successifs, a décidé en novembre dernier de ne plus investir dans une nouvelle usine à Liffré (Ille-et-Vilaine). Ce sont 250M€ qui seront finalement investis aux États-Unis et 500 emplois qui seront créés outre-Atlantique. Un beau gâchis comme nous en avons le secret.
Disposons-nous en France d’un véritable projet pour l’avenir industriel de la France ? Avons-nous une volonté et une vision commune pour faire de la Réindustrialisation de la France un projet collectif, un projet de société ? La renaissance de l’industrie dans notre pays est affaire de stratégie, de leviers plus ou moins techniques locaux, nationaux ou européens que nous nous efforçons avec Guillaume de lister et de prioriser, mais c’est aussi affaire de cœur. Aimons-la cette industrie !
Facile à dire, mais pas à faire. La route sera longue. « À quoi cela sert-il d’avoir des usines ? Il suffit d’aller sur Amazon pour acheter n’importe quel produit et on est livré en 24h » disait un étudiant à l’un de nos interviewés.
La bataille commence vraisemblablement à l’école où l’usine est encore présentée comme le lieu de l’avilissement de l’homme par le grand capital. « Il faut tuer Zola ! » dit Nicolas Dufourcq dans son ouvrage « La désindustrialisation de la France ». Gardons tout même son œuvre, mais chacun aura compris que la réindustrialisation de la France est un projet de société aux antipodes de Germinal. À vrai dire, c’est tout le système éducatif qui est à reconstruire dans notre pays – il est dans un état aussi critique que notre industrie -, mais y adjoindre une vision positive de l’industrie et de l’usine et par extension de l’entreprise participera tout à la fois de la renaissance de l’institution qui forme nos enfants et des lieux de fabrication des produits de notre quotidien. Je sais, je rêve, mais ces papiers servent aussi à cela.
Cela va sans dire, mais cela va mieux en le disant : ce qui s’applique à l’école s’applique également à l’université et à l’enseignement supérieur. Combien de ces institutions perçoivent vraiment et profondément l’usine de façon positive ? Il n’existe pas de statistiques sur le sujet, mais on peut sans prendre de grands risques affirmer que celles proposant un cursus en alternance s’afficheront parmi les plus positives (ou les moins négatives, c’est selon) à la vue d’îlots ou de lignes de fabrication. Aidé par les mesures prises par le Gouvernement en plein confinement, le nombre d’alternants est passé de 400 000 en 2015 à 900 000 en 2021. Certaines de ces aides sont toujours en application. Un employeur se verra rembourser 6 000€ de l’ensemble de ses charges s’il emploie un alternant. Gageons que cette tendance continuera sur sa lancée et profitera à l’industrie et à son image.
C’est le grand public aussi qu’il va également falloir convaincre du bien-fondé d’une usine. Mais comment faire ?
La responsabilité est probablement un peu chez tout le monde, à commencer par le chef d’entreprise industrielle. Ces derniers ont surtout appris à faire profil bas et à se taire depuis 30 ans. Ils vont devoir apprendre de nouveau à communiquer : à mettre en avant leurs produits, les hommes et les femmes qui les conçoivent et les fabriquent et enfin le sens qu’ils mettent dans tout cela. J’aime bien par exemple ce que fait sur LinkedIn la société Leon Grosse dans le domaine de la construction. La plupart des nouveaux projets contribuant à une économie moins carbonée sont accueillis positivement par le grand public.
Rendons aussi les usines plus transparentes. Cela contribuera à leur regain d’intérêt par le grand public. Multiplions donc les possibilités de les visiter dans ce qu’elles ne protègent pas de confidentiel. Personnellement, c’est en voyant les usines de ferrage de PSA devenu Stellantis lors de l’un de mes tout premiers projets chez mon premier employeur que j’ai pris conscience des enjeux technologiques, financiers et humains d’une usine. Je ne serais pas en train d’écrire ces lignes sans ces visites et les quelques nuits blanches qui ont suivi. Aulnay apparaissait déjà à l’époque en mauvaise posture. Nous étions en 2001. 13 ans plus tard, l’usine fermait.
Le Gouvernement, aidé de la BPI, s’est pleinement engagé, au moins facialement, dans la construction d’une image positive de l’industrie. La French Fab, hybridée par la French Tech et de quelques organes comme la Fabrique de l’Industrie affichent désormais avec fierté le savoir-faire hexagonal en matière d’industrie innovante. Il fallait commencer, la BPI l’a fait. Il faut leur reconnaître ce courage : ils vont en rencontrer des vents contraires ! Nous reviendrons plus tard sur le rôle de l’État dans la réindustrialisation du pays. Mais au moins porte-t-il désormais un étendard et présente-t-il un discours résolument positif à l’égard de l’industrie.
Les régions et les maires ont également leur part de responsabilité. Sébastien Martin, Président de l’Association des Communautés de France prônait haut et fort le 7 mars dernier le retour de l’industrie sur notre sol. C’était ici : Réindustrialisation : « le gouvernement, seul, ne peut rien » (courrierdesmaires.fr). Voilà une jolie initiative qui pourrait inspirer d’autres maires et présidents d’intercommunalités, départements et régions.
Même si elles sont croissantes, les personnes morales ou physiques qui tentent de nous convaincre que « l’industrie, c’est sexy » sont souvent moins entendues que celles et ceux pensant l’exact contraire. Les minorités crient souvent plus fort que les majorités silencieuses. C’est ainsi que des écologistes et opposants de toutes sortes à de nouvelles installations sont souvent plus entendus que celles et ceux qui travaillent à créer des produits et des emplois avec. Les médias préférant le bruit et les émotions, cette équation n’est donc pas prête de changer. Y aura-t-il dans notre pays des écologistes cherchant une forme d’équilibre entre économie, social et environnement ? Ou bien seront-ils systématiquement contre toute nouvelle artificialisation des sols, tout nouveau projet industriel, tout nouvel emploi dans le secteur secondaire ? Il faudrait leur poser la question, nous ne l’avons pas encore fait.
EELV animait encore le 11 mars dernier dans ses locaux un séminaire antinucléaire. Sans entrer dans un débat qui n’est pas l’objet de cet épisode, il n’y a pas d’alternative sérieuse à une part significative du nucléaire dans le mix électrique français sauf à prôner une décroissance qui nous emmène vers un drame social sans précédent. Nos usines ont besoin et auront besoin d’une énergie abondante, bon marché et décarbonée. On ne peut pas être tout à la fois antinucléaire et pro-industrie en France. Et par ailleurs EELV est face à un paradoxe qu’ils semblent refuser de voir. À importer des produits fabriqués dans des pays où l’énergie est fortement carbonée plutôt que de les fabriquer sur notre sol, nous contribuons davantage au réchauffement climatique. Une réindustrialisation plus verte de la France est donc pleinement compatible avec la lutte contre les changements climatiques. Je le rappelle ici : 2/3 des émissions de C02 de la France proviennent du scope 3 (émissions qui ne sont pas liées directement à la fabrication du produit, mais à d’autres étapes du cycle de vie du produit (approvisionnement, transport, utilisation, fin de vie, etc.). Il ne faudra donc pas compter sur EELV pour nous aider à construire une image positive de l’usine. En revanche, il sera de la responsabilité de tous les autres partis se succédant au pouvoir ou souhaitant un jour y accéder de prôner un retour massif et responsable des usines dans l’hexagone.
Aimer son pays, le rendre un peu plus autonome, créer de la richesse et des emplois sur son sol, y fabriquer des produits plus acceptables sur le plan environnemental, prendre de l’avance technologique, c’est aussi aimer les usines.
Alors, aimons-les nos usines !
Martin Videlaine