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Réindustrialiser la France – Episode 3 – Impôts de production en baisse certes, mais toujours trop hauts!

S’il faut bien reconnaître qu’il y a un sujet où nous avons eu tout faux en matière industrielle et qui commence à faire consensus, c’est bien celui des impôts de production. Mais nous sommes encore loin de la cible et que c’est long !

Pardon de rappeler cette évidence, mais un industriel songeant à installer son usine en France ou ailleurs regarde entre autres combien va lui coûter cette usine et combien il lui coûtera de produire ce qu’il compte y fabriquer. Il mettra en concurrence notre joli pays en balance avec d’autres puis in fine arbitrera. Bien sûr que les coûts de fabrication ne sont pas son unique critère, nous y reviendrons dans d’autres chapitres de cette série, mais les coûts font évidemment partie des critères clés de choix d’implantation ou d’extension d’une installation industrielle. Plus le coût de fabrication sera faible, plus l’usine maximisera ses chances de vendre les produits qu’elle y fabrique à des prix ou des marges battant la concurrence. Nos fabricants automobiles ont tous créé des usines par exemple au Maroc, pas seulement parce que nos voisins de l’autre côté de la Méditerranée sont éminemment sympathiques, mais aussi parce que tout y est moins cher à quelques heures de route.

Dans les coûts de fabrication, vous retrouverez les coûts « directs », ces coûts qui ne seront pas là ou si peu si l’usine ne tourne pas : le coût de la main d’œuvre toutes charges comprises, les coûts des matières premières ou intermédiaires, ou encore les coûts énergétiques dont on parle beaucoup actuellement. A ces coûts directs s’ajoutent des coûts dits « indirects » : ils seront toujours là même si l’usine ne tourne pas. Vous y retrouverez l’amortissement du coût initial de l’usine, le personnel de direction de l’usine ou encore le gardien qui vous demande votre pièce d’identité avant d’entrer sur le site.

Et puis en sus de tous ces coûts viennent s’ajouter les impôts de production. Ils sont parfois directs, parfois indirects. Mais ils sont là et évidemment pèsent sur le coût total de fabrication de l’usine. On parle d’impôt de production quand il s’agit d’une taxe qui n’est pas indexée sur le bénéfice. Vous y retrouvez pèle mêle la Cotisation foncière des entreprises (CFE), la Contribution sociale de solidarité des sociétés (C3S), la taxe sur le foncier bâti ou encore la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE). Les impôts de production représentaient pour les entreprises en 2021 une charge de l’ordre de 100Md€, soit autant de revenus pour l’Etat et les collectivités locales qui en sont les premières bénéficiaires.

Ce qui importe en matière de compétitivité internationale, c’est la comparaison. Or les impôts de production représentaient en 2021 3,8% du PIB contre 0,7% en Allemagne (source Eurostat). C’est plus de 5 fois plus ! La plupart des pays de l’UE affichent un taux oscillant entre 0,5% et 2%.

Le secteur industriel, objet de toutes les attentions dans cette série, acquittait 20% de ces impôts fin 2021 alors qu’il ne pèse que pour 10% de la valeur ajoutée nationale.

Comment s’étonner qu’avec de tels écarts les industriels choisissent l’Allemagne ou d’autres pays encore pour s’y installer et grandir ? Si en tant qu’industriel vous réalisez que vous contribuez deux fois plus que les autres entreprises nationales pour un impôt au départ 5 fois plus élevé qu’en Allemagne, et bien, comment vous dire, vous regardez l’Allemagne avec 10 fois plus d’attention. Certes, d’autres leviers de compétitivité peuvent être envisagés pour atténuer cet important déficit, comme les couts énergétiques. Cela rappelle l’importance de faire aboutir la réforme des règles européennes sur les couts de l’énergie de manière urgente. Mais cela ne suffira pas à combler cet écart structurel.

Le niveau d’impôts de production en France est pure folie en matière d’industrialisation. Il faudra les réduire drastiquement pour retrouver un niveau de compétitivité comparable à nos voisins au sein de l’UE.

Cela étant dit, il faut relever trois éléments particulièrement encourageants :

  1. Voilà des années que les industriels, et leurs représentants, MEDEF et CPME en tête, réclament à corps et à cris la baisse des impôts de production. C’est maintenant un consensus largement partagé, pas seulement par les industriels ;
  2. De la prise de conscience politique est née l’intention puis les actes. La cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) et la cotisation foncière des entreprises (CFE) ont été réduites de moitié en 2021 conduisant à faire passer le taux de prélèvement de 4,4% à 3,8%, leur niveau actuel ;
  3. Il est prévu que la CVAE soit supprimée en deux temps entre 2023 et 2024 pour un impact évalué à 8 milliards d’euros.

Il faut évidemment se féliciter de la dynamique en cours même si le chemin est encore long avant que le pays ne retrouve une pression fiscale de production acceptable par un investisseur lambda.

L’Institut Montaigne, source principale des chiffres que vous voyez plus haut, rappelle qu’en 2021 l’Allemagne a prélevé 25Md€ d’impôts de production sur ses entreprises contre 95Md€ en France. Et même avec la disparition de la CVAE évoquée plus haut, l’écart entre l’Allemagne et la France restera considérable et continuera de peser dans les décisions d’investissement des entreprises industrielles.

Continuons de réduire cet écart au plus vite !

Martin Videlaine