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En revenant de Pessac

Cela faisait quelques temps que je n’avais pas pris le train, préférant la voiture ou le RER pour mes déplacements de banlieusard que je suis, l’avion pour rencontrer mon équipe au Maroc ou encore le vélo pour tenter de convaincre ma fille de 14 ans qu’il y a autre chose dans la vie qu’Instagram ou TikTok.

C’est donc pour revenir de Pessac où j’avais rencontré Mathias Saura, président de GEOSAT membre de la French Tech 120, que j’ai renoué avec le jingle de la SNCF, ce fameux do-sol-la-mi entré dans notre quotidien depuis quelques années au moins aussi profondément que le boléro de Ravel pour les AGF. La SNCF est un client de BlueBirds, il est donc probable que nos clientes y officiant lise ces lignes. Je pèserai mes mots. Elles m’avaient prévenu, je n’ai donc pas été surpris de découvrir la nouvelle application de notre transporteur national, celle-là même qui avait fait tant de bruit à sa sortie. On comprend, tant elle est opposée à toutes les bonnes pratiques de l’expérience digitale de base attendue aujourd’hui. Ne leur en voulez pas, ils ont essayé – c’est déjà un début – et s’acharnent à changer cela. Heureusement.

Passée l’épreuve de l’achat des billets, j’ai retrouvé le magnifique hall de la gare St Jean à Bordeaux, me suis engouffré dans l’une des voitures et ai trouvé une place bien confortable à l’étage. Puis le train s’est faiblement secoué et j’ai ouvert mon téléphone : nous filions vers Paris.

Au bout de quelques temps, un peu lassé de mes emails, j’ai levé la tête et ai commencé à rêvasser. C’est bon de rêvasser dans le train. C’est dans ces moments que je fais le tour des grands enjeux de la petite société que je dirige, que je me félicite de ce que nous avons fait récemment – enfin débarrassés de notre vieille plateforme digitale –, que je maugrée sur ce projet client qui devrait avancer bien plus facilement et enfin que je me rappelle de quelques urgences : mais que fait donc mon chasseur dans ce recrutement qui n’a que trop duré ? Et du pro je passe au perso avec par exemple les joies qu’offre Parcoursup pour les parents qui comme moi accompagnent leur enfant bachelier puis au pro de nouveau dans une forme de va et vient sans aucune logique. Je rêvassais vous dis-je.

Et puis j’ai posé mon regard sur mes voisins. J’étais entouré de jeunes hommes, tous autour de 25 ans, tous scotchés à leur écran comme moi je l’avais été au mien. En regardant le T-shirt de l’un deux affublé d’un « I love Argentina », je me suis rappelé que voyager était aujourd’hui bien plus compliqué que cela ne l’était il y a encore peu de temps. Quand j’avais évoqué le rôle grandissant des frontières lors de nos deux derniers vœux, je n’avais pas pensé que ces frontières deviendraient si compliquées à franchir. Cela a commencé avec le terrorisme qui a freiné ou arrêté certains de nos déplacements en Afrique ou en Asie mineure. Cela a explosé avec la pandémie. Je pèse encore toujours le pour et le contre de me rendre à Casablanca, de peur de me retrouver coincé comme cela a été le cas pour l’un de nos salariés.  Cela continue maintenant avec le nouveau rideau de fer en train de couper l’Europe en deux. Enfin, quand bien même les frontières resteraient ouvertes, nous sommes de plus en plus nombreux à limiter nos voyages afin de réduire notre empreinte carbone.

Cette jeunesse qui m’entourait dans ce train et qui avait entendu avec moi à plusieurs reprises la voix des hauts parleurs nous demandant de rester « vigilant ensemble», cette jeunesse à qui l’on avait demandé de rester cloîtrée chez elle pendant des mois, cette jeunesse qui se demande si nous nous dirigeons vers un conflit généralisé démarré à quelques centaines de kilomètres de leur lieu de vie, cette jeunesse qui se demande comment sauver notre planète malade de nos modes de production et de consommation, cette jeunesse-là a vécu bien plus que nous au même âge. Je lui tire mon chapeau.

Quant à nous adultes, qui faisons et défaisons le monde que nous lui cédons, il va nous falloir accepter des frontières un peu moins franchissables, un monde un peu moins ouvert et une économie un peu moins mondialisée. On peut le regretter, mais c’est ainsi. C’était du reste l’un des messages de Larry Fink, Président de BlackRock, dans sa dernière lettre à ses actionnaires.

Une économie qui se démondialise pose de nouvelles questions aux dirigeants et actionnaires de nos entreprises. Le simple fait de se demander ce qui traverse une frontière, hommes et femmes, familles complètes, capitaux, biens matériels achetés ou vendus, data, donne une clé d’entrée des projets à venir. Et devinez quoi, les 3000 membres de notre communauté peuvent vous y aider.

Là on ne rêve plus.

Martin