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Edito Juin 2021 : Le plein emploi, à quoi bon ?

Réjouissons-nous de cette bribe de liberté retrouvée. La France que nous aimons est celle d’un café partagé entre amis, collaborateurs ou avec un client. Avec notre famille aussi, ou encore avec notre bien-aimé. La terrasse et le café symbolisent notre pays. Le Président de la République et son équipe l’ont bien compris et en ont fait l’objet de leur communication ces derniers jours sur LinkedIn et ailleurs. L’image est belle.

Dans ce parfum d’après-guerre, savourons chaque instant de ce plaisir retrouvé. Car une fois passés ces moments furtifs de bonheur à goûter le noir de la tasse, la réalité nous rattrapera vite. La campagne présidentielle dans laquelle nous sommes entrés nous montrera tel que nous sommes avec nos espoirs, nos joies et nos peines.

Personnellement, je partage un espoir avec M. Gattaz qui s’exprimait dans les Echos cette semaine : que la France devienne un pays de plein emploi. Nous nous tous sommes collectivement habitués au chômage de masse alors que nombreux de nos pays voisins, eux, ont entrepris avec succès de construire une société dans laquelle trouver un emploi n’est plus une gageure. Quelques chiffres qui vous éviteront de lire le quotidien économique : Les Tchèques affichent 2% de taux de chômage, les Suisses, les Polonais et les Hongrois 3%, les Allemands, les Autrichiens, les Danois, les Anglais et les Hollandais entre 4% et 5%. Difficile de compter réellement en ce moment en France tant le pays vit sous perfusion publique, mais ce chiffre se situe entre 8% et 10% selon l’INSEE. Pôle Emploi comptabilise 3,6 millions demandeurs de catégorie A.

« Nous avons tout essayé dans la lutte contre le chômage » disait François Mitterrand en 1993. Je doute qu’il le pensait vraiment. C’est une faute de la part de notre ancien Président de l’avoir dit publiquement, c’est une faute de notre part de l’avoir cru depuis tant d’années. Nous devons collectivement commencer par croire qu’il est possible de changer ce statu quoi. Sinon à quoi bon les stratégies, les plans d’actions et les cinq « piliers », dont la confiance, encore elle, suggérés par M. Gattaz.

Pour y croire, il faut déjà en avoir envie. Et c’est peut-être là paradoxalement que le travail est à initier. Le même journal Les Echos diffusait il y a un an une tribune de M. Virgile Chassagnon issu de l’Irepe dont le message principal tient dans le titre : « Dites Adieu au plein-emploi ». Mince. Son auteur nous prédisait un capitalisme fait de crises successives et d’un Etat largement interventionniste. A le lire, quelle nécessité y aurait-il à une société de plein emploi si l’Etat est toujours la solution de dernier recours à notre subsistance ? Le plein emploi : ne pas y croire serait plus réaliste d’après l’universitaire. Mais surtout, à quoi bon ?

On ne le rappelle jamais assez, le chômage est source de pauvreté et d’exclusion sociale. Et le travail est source de réalisation de soi. Cela devrait suffire à nous retrousser les manches. C’est un peu en synthèse ce que suggère M. Gattaz.

Mais cela fait bientôt cinquante ans que cela dure, et la France, qui se veut un exemple au monde en matière sociale, s’est accommodée du chômage de masse. C’est donc qu’il faut aller chercher ailleurs les ressorts de notre redressement.

Si vous avez fait l’effort de lire l’ancien Président du Medef, le mot « environnement » est absent de ses quelques lignes. La génération qui arrive sur marché du travail, largement aidée des autres, ne veut plus travailler comme celle qui l’a précédé. Mais elle souhaite surtout que son travail ait un sens. L’environnement est sur toutes les lèvres parce que nous avons pris conscience que le capitalisme tel que nous le connaissons ne peut plus grandir comme il a grandi au risque de dénaturer notre planète. C’est ce qui a conduit l’Assemblée à voter la Loi Climat il y a quelques jours, le Gouvernement à inciter les entreprises à diffuser leurs indicateurs ESG, un nombre croissant d’actionnaires des majors pétroliers à exiger une accélération vers la transition énergétique, les clients de BlueBirds à accélérer leurs demandes d’accompagnement dans les problématiques RSE ou les acteurs financiers à investir de façon croissante dans les fonds à impact. Avec environ ~800Md$ en 2020, l’impact investing ne représente aujourd’hui que 2% de l’investissement financier annuel mondial, mais affiche une hausse annuelle de l’ordre de 20%. Pour en savoir plus, visitez le site du Global Impact Investing Network. Il faudra encore plusieurs années pour que l’investissement à impact ne compte vraiment, mais la tendance est bien là, forte, et partie pour durer.

Le débat que nous connaissons par cœur entre plus de social ou plus de liberté d’entreprendre, celui qui nous amène à mettre un bulletin rose ou bleu dans les urnes tous les 5 ans, ce débat se déplace vers plus d’activité ou plus d’environnement. Les uns voudront faire redémarrer nos usines et faire voler nos avions. Les plus téméraires d’entre eux voudront même faire rouler les voitures. Les autres voudront d’abord sécuriser la décarbonation de notre activité et s’imposer davantage de contraintes sociales ou environnementales.  Est-il vraiment possible de conjuguer les deux sans céder au green washing d’une part et à la décroissance d’autre part? 

Il faut croire à une économie de plein emploi, de nombreux pays ont réussi. Il faut croire que nous pouvons continuer de vivre ensemble en harmonie avec la nature. C’est l’un des défis de notre siècle, il faut évidemment essayer. On peut même rêver d’une économie au service de l’environnement. Voilà qui donnerait sens au plein emploi et nous donnerait peut-être envie de nous y atteler.

A défaut d’une idée de programme pour les candidats à la présidence, voilà peut-être un sujet pour la seule épreuve écrite restante du baccalauréat cette année : la philosophie. « La création de valeur économique au service de la nature ». Vous avez 4 heures.

Martin